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Comores : la crise du fret maritime bouleverse les chaînes d’approvisionnement

La crise qui affecte le transport maritime international pèse lourdement sur les chaînes d’approvisionnement de certains produits alimentaires aux Comores. Le pays fait face, depuis plusieurs semaines, à une pénurie de « trois denrées vitales« , d’après une conclusion faite par la chambre de commerce à Moroni et confirmée par une analyse de terrain faite par le JDM.

Une enquête menée, au mois de mai, a permis de déterminer avec précision les produits qui font défaut ou qui sont en quantité insuffisante dans l’archipel : Le poulet, la viande, la farine. Le premier reste « le deuxième produit le plus consommé aux Comores derrière le riz ordinaire« , d’après l’Institut national des statistiques, des études économiques et démographiques (INSEED).

La pénurie des produits carnés fait écho au prix du poisson qui a connu une hausse de plus de 150% ces dernières semaines. Un kilo de poisson vendu à 3 euros se négocie à 8 euros pour ceux qui arrivent à en obtenir. Les autres variétés de poisons sont devenues un luxe. Il faut avoir la poche garnie pour se procurer du thon, du poisson rouge, du saumon ou de crevettes.

« Il y a la pénurie du poulet de la viande mais vous oubliez qu’il y a aussi du mauvais temps. Les pêcheurs travaillent dur ces temps-ci. Cette souffrance a un prix. Et nous, les revendeuses, nous avons besoin de tirer bénéfice. Tout ça fait que le poisson devient à la fois rare et cher« , s’est justifié Maman Izdine rencontrée ce samedi 3 juillet à Volo Volo, le plus grand marché de Moroni.

Quant à la pénurie de farine, elle impacte les activités des boulangeries et de pâtisserie en général. Le pain (l’autre produit bien prisé aux Comores) devient de plus en plus rare. Des boulangeries cessent leurs activités régulières, d’autres assurent un approvisionnement du pain au compte-goutte. Mais le phénomène de la pénurie varie d’une île voire d’une région à une autre.

Des effets variés dans l’archipel

À  Ndzuani (Anjouan), par exemple, les habitants ne vivent pas le même degré de pénurie. D’ailleurs, certains bricoleurs en profitent pour entretenir une ligne d’approvisionnement des produits rares à Ngazidja (Grande Comore) en dehors des circuits officiels et sans le respect des normes sanitaires requises, d’après de nombreux témoignages relayés par la presse locale. 

Par ailleurs, la situation est mise à profit par des marchands pour tirer les prix des autres produits de consommation de base vers le haut. Certains sont  présentés en quantité insuffisante dans les marchés pour faire spéculer les prix au grand dam des consommateurs, contraints de se les procurer faute d’autres alternatives. « Je suis obligée d’acheter, je n’ai pas le choix. C’est cher mais j’achète quand même« , a confié Salima Youssouf, cadre d’une banque locale venue faire ses courses à Volo Volo.

Le ministre de l’Economie, Houmed M’saidie, a rassuré que tout reviendra à la normale « à partir du 5 juillet ». Une date qui n’est pas donnée au hasard car les représentants des armateurs confirment une reprise des lignes à la mi-juillet. Mais en attendant, deux bateaux devraient livrer des conteneurs à Moroni les 4 et 9 juillet.

Le ministre de l’Economie, Houmed M’saidie promet un retour progressif à la normale dans la semaine (©Ministère de l’Economie).

« Nous attendons 294 conteneurs ce dimanche 4 juillet. Ces conteneurs se trouvent à Ndzuani. Et d’ici au 9, 10 juillet si tout se passe bien, d’autres conteneurs vont arriver à Moroni« , a souligné Mohamed Amine Naçr-Eddine, directeur de Spanfreight Shipping, la principale structure locale qui représente l’essentielle des compagnies maritimes desservant les Comores. Le représentant de CMA CGM à Moroni parle de l’arrivée « au plus tard le 9 juillet » de 87 conteneurs en provenance du port de Longoni à Mayotte dont « 44 frigorifiques » contenant des produits carnés.

Les retards s’accumulent au niveau mondial

Des dizaines de conteneurs ne trouvent pas armateurs en Chine et à Dubaï, d’autres sont restés au port de Longoni à Mayotte depuis des semaines faute de bateau pour les acheminer à Moroni. Le bouleversement des lignes maritimes à cause de la Covid-19 a fait grimper le fret à l’échelle mondiale. Les bateaux préfèrent aller ailleurs au lieu de desservir des petites lignes comme les Comores où les bénéfices ne sont pas conséquents, comme le souligne la presse économique internationale.

« Les retards s’accumulent, allant jusqu’à décaler certains départs d’une semaine« , avait écrit le journal Les Echos dans un long article, très documenté, intitulé « le transport maritime au bord de la crise de nerfs » publié en mai dernier et qui résume les bouleversements actuels et les solutions envisagées pour une reprise effective de la logistique internationale. « C’est une crise qui affecte tous les pays du monde à cause de la crise sanitaire, le fret a doublé à Dubaï et en Chine, les Comores ne sont pas épargnées mais les solutions à court et moyen terme arrivent« , a souhaité tempérer Houmed M’saidie en conférence de presse ce vendredi 2 juillet.

Les représentants des armateurs aux Comores affichent un optimisme mesuré pour sortir de la situation actuelle. « Je sais qu’au mois de juillet, il y aura beaucoup de conteneurs à Moroni, et tout dépend de la commande des commerçants. Il faut savoir que le fret a beaucoup augmenté. Maintenant, est ce que les gens vont commander les mêmes quantités, les mêmes produits, je ne sais pas », a indiqué Mohamed Amine Naçr-Eddine.

Au sujet de cette situation inédite, certains pointent du doigt « des surcoûts » de services d’assistance des navires au Port de Moroni et « un manque de clarté » sur la nature de certains frais de mouillage des bateaux. Mais la Société comorienne des Ports (SCP) a démentie cette hypothèse, arguant que l’arrêté N°95/289/MTT, en date de 1995, fixant les tarifs portuaires reste le seul en vigueur. Les preuves fournies pour justifier ces surcoûts sont difficiles à croiser avec les données officielles de l’autorité portuaire.

Le gouvernement comorien multiplie les rencontres avec les acteurs concernés (chambre de commerce, secteur privé, représentants des armateurs) pour mettre à plat les difficultés actuelles et apporter des solutions durables à la crise du fret maritime international qui fragilise presque toutes les branches d’activités essentielles de l’économie du pays.

A.S.Kemba, Moroni

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