INSEE – La baisse de la fécondité, premier facteur du recul des naissances

L'INSEE a dévoilé son bilan démographique de 2024 ce jeudi 24 avril. Avec 1.370 naissances en moins par rapport à 2023 Mayotte connaît une "forte baisse" de la natalité. Il est difficile d'observer si le durcissement du droit du sol de 2018 est à l'origine de cette diminution, qui semble plutôt s'inscrire dans un contexte de baisse de la fécondité général, alors que trois quarts des mères sont de nationalités étrangères.

1.370 bébés en moins par rapport à l’année 2023, c’est le chiffre annoncé par l’INSEE La Réunion-Mayotte dans son bilan démographique 2024, publié ce jeudi 24 avril. Une « forte baisse » de 13%, qui porte le nombre de naissances total à 8.910 enfants, nés de mères domiciliés à Mayotte, contre donc 10.280 l’année précédente.

L’indice de fécondité au plus bas

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Delphine Artaud, cheffe du service régional de l’Insee Mayotte a présenté le bilan, ce 24 avril

Une diminution qui  s’explique par la baisse de la fécondité des femmes. Avec 3.6 enfants par femme en 2024, l’indice conjoncturel de fécondité (ICF) est pour la première fois, depuis qu’il est mesuré, inférieur à la barre des 4 enfants par mère. Néanmoins Mayotte reste toujours le Département français où la fécondité est la plus élevée. En comparaison, la Guyane est à 3.1 enfants par femme, La Réunion à 2.1 et l’Hexagone à 1.6.

« Cela s’inscrit dans un contexte national de baisse de la fécondité« , explique Delphine Artaud, cheffe du service régional de l’INSEE à Mayotte, lors de la présentation du rapport. « Cette baisse de la fécondité concerne toutes les tranches d’âges », précise-t-elle. Selon le bilan, établi sur les chiffres récoltés auprès des administrations, l’INSEE note que la fécondité baisse nettement pour les femmes âgées de 25 à 34 ans, de 2.2 en 2021 à 1.7 en 2024. Mais malgré cette baisse, l’ICF reste élevé dans toutes les tranches d’âges. Ainsi, il est de 1.1 enfant pour les femmes de 15 à 24 ans, contre 0.2 dans l’Hexagone.

Il est important de noter les taux utilisés dans le calcul de l’ICF sont ceux observés au cours d’une année donnée dans l’ensemble de la population féminine (composée de plusieurs générations) et ne représentent donc pas les taux d’une génération réelle de femmes.

Concernant les jeunes mères, l’INSEE note qu’en 2024, 420 enfants sont nés de mères mineures, soit 4.7% des naissances. Soit dix bébés de moins qu’en 2023. Une proportion moindre qu’en Guyane, 4.9% mais bien supérieur à La Réunion, 1.7% et l’Hexagone, 0.3%. Il est important de préciser que 100 mères ont moins de 16 ans sur le territoire, un chiffre en baisse de 11%. Ces naissances très précoces restent plus fréquentes à Mayotte qu’ailleurs. 20% des mères de moins de 16 ans en France résident à Mayotte, pour la Guyane se chiffre est de 17%.

Pour conclure sur l’âge des mères, la publication, rédigée par Manuela Ah-Woane, précise que l’âge conjoncturel moyen à l’accouchement est de 29 ans à Mayotte, soit 2.2 ans de moins que dans l’Hexagone. Un âge stable depuis 2014.

Trois quarts des mères sont de nationalités étrangères

« Comme les années précédentes, les trois quarts des bébés nés en 2024 ont une mère étrangère« , note l’INSEE. Un chiffre stable depuis 2016. Il s’agît principalement de mères de nationalités comorienne : 65%, et malgache : 7%. Les autres nationalités, principalement les mères originaires de l’Afrique des Grands Lacs, restent minoritaires : 1.5%. La baisse des naissances est plus importante auprès des mères étrangères, avec une diminution de 15%, contre 8% pour les mères françaises.

Le durcissement du droit du sol par les amendements Thani de 2018, qui ont conditionné l’acquisition de la nationalité française pour les enfants nés à Mayotte de parents étrangers à la résidence régulière d’au moins l’un des parents sur le territoire français depuis plus de trois mois au moment de la naissance, a peut-être joué un rôle dans la diminution de naissances issues de mères étrangères observée en 2024.

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Naissances vivantes domiciliées à Mayotte de 2014 à 2024 selon la nationalité de la mère.

Mais cette hypothèse ne s’observe pas dans les chiffres. Dans les années qui ont suivi l’entrée en vigueur de la loi n°2018-778 du 10 septembre 2018, les naissances des mères à la nationalité étrangères ont augmenté, sauf en 2020 en période de Covid. L’apogée a été atteint en 2022, avec 8.110 naissances issues de mères de nationalités étrangères à Mayotte.

Des fluctuations équivalentes aux naissances des mères françaises. Par exemple, en 2023, les femmes d’origines étrangères donnent naissance à 7.700 enfants, contre 8.110 en 2022, une baisse que l’on observe aussi pour les femmes françaises, de 2.670 enfants à 2.580.

Et sur ces mères aux nationalités étrangères, si l’ont prend uniquement les femmes comoriennes, la diminution des naissances s’observe également entre 2022 et 2023, passant de 7.320 à 6.880.

Concernant les pères, ils sont 4.720 a être de nationalité étrangère, soit 53%, principalement de nationalité comorienne, 4.480.

Le 8 avril dernier, un durcissement supplémentaire du droit du sol a été adopté définitivement par le Parlement national. Pour devenir Français à sa majorité, un enfant né dans l’archipel devra justifier de la régularité de la résidence de ses deux parents depuis au moins un an avant sa naissance. Les bilans démographiques prochains nous diront si la baisse observée de naissances issues de mères de nationalités étrangères, provient bien du premier durcissement en 2018 puis de 2025.

La part des nouveau-nés qui ont au moins un parent français est de 54%, ce chiffre descend à 19% pour les nouveau-nés qui ont deux parents français. Une proportionnalité comparable aux années précédentes, mais qui est loin de l’année 2014, pour laquelle 72% des nouveau-nés avaient un parent français, et 28% deux parents français. L’INSEE remarque donc que le nombre d’enfants nés de deux parents étrangers augmente sur la période, de 28% en 2014 contre 46% en 2024.

Des femmes françaises de plus en plus tentées d’accoucher hors de Mayotte

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Si de plus en plus de femmes françaises quittent Mayotte pour accoucher, donner naissance sur l’archipel reste la norme

Une autre tendance à la hausse : le nombre de mères domiciliées à Mayotte qui vont accoucher à l’extérieur de l’archipel. Ainsi, 15.2% des mères françaises se sont rendues hors du Département, (0.7% pour les mères étrangères) pour accoucher en 2024. Une hausse importante de 4 points par rapport en 2023. 210 naissances ont été répertoriées à La Réunion et 200 dans l’Hexagone, soit 410 bébés.

Une tendance qui risque de s’accroître suite au passage de Chido qui a vu une partie de la population quitter Mayotte pour La Réunion ou la métropole. Mais aussi au vu de la situation dans les maternités, notamment celle du CHM, qui depuis le passage du cyclone  rencontrent des difficultés d’accueil des femmes enceintes.

Pouvoir accoucher à l’extérieur de Mayotte n’est pas possible pour la grande majorité des femmes, particulièrement en raison du coût financier mais aussi d’autres facteurs. Donner naissance sur l’archipel reste donc la norme. La maternité de Mamoudzou continue d’accueillir le plus grand nombre de naissances, avec 6.140 enfants. Les naissances hors maternité s’élèvent à 670, soit 7.5% du chiffre total.

1.010 décès en 2024

En 2024, 1.010 personnes domiciliées à Mayotte sont décédées, soit 50 décès de plus qu’en 2023. Cela s’explique, selon l’INSEE, par la plus forte augmentation de la population à Mayotte et une augmentation relative du nombre de seniors.

Les chiffres utilisés sont ceux récupérés auprès de l’état civil, c’est à dire toutes les déclarations de décès déposées au registre. La question du nombre total de victimes suite au passage du cyclone Chido est toujours ouverte, puisque à ce jour, 41 personnes sont portées disparues, en plus des 40 décès confirmés par la préfecture.

Le solde naturel, la différence entre les naissances et les décès est de 7.900 en 2024. Un solde qui recule pour la deuxième année consécutive. Il atteint son niveau le plus bas de puis 2014.

Par ailleurs l’INSEE a indiqué que le recensement annuel de la population allait être repoussé suite au passage de Chido.

Victor Diwisch

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