Post-Chido : L’État et les assureurs ont-ils vraiment pris conscience de l’urgence ?

Alors que la plupart des Mahorais sont encore en proie au manque d’eau en bouteilles dans les magasins et au manque de bâches, les assureurs traineraient des pieds pour indemniser leurs clients plus deux mois après le passage de Chido.

Quand est-ce que les assureurs et l’État vont se mettre en mode « urgence » ? Bien que la loi d’urgence pour Mayotte ait été adoptée très récemment, les Mahorais attendent toujours les effets mais surtout les bienfaits de cette loi d’urgence qui pour l’instant n’a d’urgent que le nom pour beaucoup d’habitants du 101edépartement français. En effet, l’eau en bouteilles est toujours rationnée, nous en avons parlé à plusieurs reprises dans nos colonnes, mais rien ne bouge. C’est pire que pendant la crise de l’eau et même que pendant les 5 semaines de crise sociale et de barrages l’année dernière à la même époque. Quant aux bâches promises par le Gouvernement, les Mahorais n’en voient toujours pas la couleur. Et maintenant vient se rajouter à cela les assureurs qui feraient trainer les choses pour indemniser leurs clients.

« Mon assureur me demande un titre de propriété pour m’indemniser alors qu’il ne me l’a jamais demandé au moment de la souscription de mon contrat »

Les Mahorais n’ont toujours pas de bâches pour couvrir le toit de leur maison

Un habitant de Chiconi, pourtant assuré, dont le toit de sa maison s’est envolé au passage de Chido et qui a tout perdu, nous a fait part de son désarroi et de son amertume vis-à-vis de son assureur « J’ai effectué toutes les démarches, j’ai rempli tous les papiers, l’expert est venu constater les dégâts…mais maintenant mon assureur me demande en plus un titre de propriété pour pouvoir commencer à m’indemniser alors qu’il ne me l’a jamais demandé au moment de la souscription de mon contrat. J’ai hérité de ce terrain de mon père, qui lui-même l’a hérité de son père etc., il n’y a pas de papier… Or quand il a s’agit de souscrire l’assurance, à ce moment-là, on ne m’a pas demandé de fournir un justificatif de propriété. L’assureur a quand même encaissé depuis plusieurs années les versements que je lui ai fait sans jamais me demander de justificatif ». En effet, ce genre de situation concerne beaucoup d’habitants de Mayotte qui héritent du terrain de leurs aïeux, de génération en génération, sachant qu’en plus il n’y a quasi pas de plan cadastral dans les communes… L’État est au courant et les assureurs également, donc rien de nouveau et de surprenant pour eux. Par ailleurs, l’état de catastrophe naturelle et celui de calamité naturelle ont été déclarés ce qui devrait normalement faciliter et accélérer les choses, notamment les démarches d’indemnisation, et ce d’autant plus que des fonds de solidarité devraient être rapidement mis en place (fonds de secours pour les Outre-mer, fonds d’aide au relogement d’urgence, …). Bref, les autorités et les assurances regardent ailleurs alors que de nombreux Mahorais ne savent plus vers qui se tourner pour reprendre une vie « normale ».

Une file d’attente pour obtenir un pack d’eau dans un centre commercial de Mamoudzou

L’urgence serait déjà d’approvisionner l’île suffisamment en bouteilles d’eau pour éviter aux Mahorais de faire la queue tous les jours, en file indienne, dans les supermarchés dans l’espoir d’obtenir un pack d’eau, ou de payer parfois jusqu’à 2 euros la bouteille dans certains commerces. L’urgence serait également de fournir des bâches aux Mahorais pour qu’ils puissent couvrir leur toit et arrêter de vivre les pieds dans l’eau à chaque averse. L’urgence serait aussi que les assureurs et l’État se mettent enfin d’accord pour que les Mahorais puissent commencer à être indemnisés afin de reconstruire leur logement, mais aussi de se reconstruire psychologiquement… Enfin l’urgence serait de former des artisans pour la (re)construction du territoire car il est fort à parier que l’île qui en manquait déjà avant Chido en manquera encore davantage dans les semaines et les mois à venir.

B.J.

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