25.8 C
Mamoudzou

Tribunal judiciaire : Tabassé pour avoir osé répondre à son grand frère

Une jeune adulte comparaissait ce vendredi devant le tribunal judiciaire pour avoir quelques jours plus tôt violemment frappé son petit frère, âgé de 11 ans, parce que celui-ci a osé contester son autorité.

Les faits se sont déroulés mercredi dernier quand la gendarmerie de Koungou est appelée par la police municipale car un jeune garçon de 11 ans a fui de chez lui pour venir se réfugier à la police. Il était devant les locaux, en position fœtal et totalement terrorisé. Il a reçu plusieurs coups de câble électrique de la part de son grand frère et avait des plaies saignantes sur tout le corps, les bras et le menton. La raison d’une telle violence ? Le jeune garçon se serait réveillé en retard pour aller à l’école coranique le matin même car la veille il se serait couché tard pour faire ses devoirs. Sans doute fatiguée, la victime aurait dit à son grand frère qu’il ne voulait pas aller à l’école coranique.

Pas le même référentiel de valeurs…

Le prévenu, à qui sa mère aurait visiblement délégué une partie de l’organisation et de l’éducation du foyer, se serait alors acharné sur son petit frère à coups de câble électrique et de chargeur de téléphone. La mère qui a été entendue était au courant de ce qu’il s’est passé mais ne serait pas intervenue. Selon les premiers éléments de l’enquête, le jeune garçon aurait eu l’outrecuidance de mal parler à son bourreau de grand frère. « Il fallait qu’il comprenne même s’il pleurait, a déclaré le prévenu devant le tribunal. A Anjouan, on me frappait quand j’étais petit et que je n’obéissais pas. Il a été insolent et m’a dit qu’il n’irait pas à l’école coranique ». Ce à quoi la présidente du tribunal, Alexandra Nicolay, a immédiatement rétorqué « frapper les enfants pour les éduquer ça ne marche pas ! La loi française interdit de frapper des enfants… C’est un délit grave qui peut être puni de 5 ans de prison. Vous avez bien vu que votre petit frère souffrait et pleurait, cela aurait dû vous faire arrêter !? ».

Le prévenu encourait jusque’à 5 ans de prison

Le prévenu, l’ainé d’une fratrie de plusieurs enfants et en situation irrégulière sur notre territoire, est arrivé à Mayotte en kwassa il y quelques années pour rejoindre sa mère et son beau-père. C’est à lui que l’on aurait délégué l’éducation de ses demi frères et sœurs. La victime était présente à l’audience et visiblement impressionnée par ce qu’il se passait, « Je ne veux pas que mon frère soit enfermé », a-t-il dit timidement devant le tribunal. « Mais il a fait quelque chose de très mal, lui a répondu la présidente. A Mayotte c’est la loi française qui s’applique et elle interdit de faire du mal aux enfants en les frappant ». La présidente s’est par ailleurs interrogée sur le fait que le jeune garçon avait des lésions et des cicatrices plus anciennes sur le corps… « Vous savez d’où ça vient ? demande-telle au prévenu. – Non ! C’est la première fois que je punissais mon frère », assure-t-il. Le substitut du procureur, Cassandre Morvan, a pour sa part douté de cette déclaration. « Ce n’est pas la première fois qu’il le frappe… Pourquoi vous changez de version devant le tribunal par rapport à vos déclarations faites face aux enquêteurs ? – Non, je ne l’ai pas déjà frappé », maintient-il.

Une famille décomposée

L’avocat de la partie civile, maître Mélanie Trouvé, n’a pas manqué dans sa plaidoirie d’insister sur le fait que le petit n’a pas été corrigé, mais littéralement tabassé par son grand frère. « Ce jeune garçon a été lacéré. C’est intolérable même aux Comores. Ce genre de comportement casse les enfants. Cette violence les empêche de grandir à la fois physiquement mais aussi psychologiquement, sans compter les problèmes cognitifs. Ils perdent confiance et ont peur des adultes ». Elle s’est par ailleurs insurgée devant le certificat médical de l’enfant qui a été examiné par un médecin et qui lui a donné 2 jours d’ITT. « 2 jours d’ITT ??? C’est largement sous-évalué, il aurait dû avoir beaucoup plus quand on voit les blessures graves qui ont été infligées ». Elle a demandé 8.000 euros de dommages « étant donné les vices subis ».

Pas sûr que le prévenu soit autorisé à rester sur le territoire

Le ministère public n’a pas été tendre dans son réquisitoire. « Une violence éducative ? C’est antinomique ! La seule écoute qu’a eu cet enfant ce sont des coups. Cette violence est inacceptable et injustifiable ». Le substitut du procureur a demandé 8 mois de prison ferme et le maintien en détention du prévenu. Pour l’avocat de la défense, maître Laurent Bayon, le prévenu serait tout simplement déboussolé. « On l’a fait venir des Comores pour faire le ménage, éduquer ses frères et sœurs …, c’est l’homme à tout faire. On lui demande tout et n’importe quoi. Il n’a pas de référence, ses parents sont absents. Il n’y a pas d’amour dans cette famille, pas de valeurs. Il faut une sanction bien sûr, mais quelle sanction ? Je ne pense pas qu’un passage à Majicavo serait bénéfique… ». Il a donc demandé une peine de travail d’intérêt général « pour comprendre ce qu’il a fait ».

Après avoir délibéré, le tribunal a condamné le prévenu à 12 mois de prison avec sursis et 8.000 euros de dommages, tout en hypothéquant son maintien sur le territoire, vu qu’il est sans papier, « ça, ce n’est pas de notre ressort mais celui de l’administration… », a conclu la présidente.

B.J.

Partagez l'article:

Les plus lus

Articles similaires
Similaire

Les Matinées des parents : « Au fil du temps, les rôles des parents ont évolué au sein des familles »

La première édition des « Matinées des parents » de septembre à novembre 2023 avait connu un vif succès. Les 5 intercommunalités de l’île ré-enclenchent le pas lors de cinq prochaines sessions à Combani, Pamandzi, Miréréni, Vahibé, Bandraboua. 

Comores/ Elections : l’opposition sort ses griffes et pose ses conditions

Les partis et groupements opposés au régime d’Azali Assoumani ont, pour la première fois, suggéré l’idée d’un dialogue national avec un recyclage des revendications, adaptées désormais aux données factuelles et qui s’éloignent des principales doléances de ces cinq dernières années. Le pouvoir, lui, maintient le cap et vient d’échanger avec la communauté internationale sur le double scrutin législatif et communal de janvier et février 2025.

Revalorisation du SMIC : Mayotte toujours à la traine

Conformément aux annonces du Premier ministre lors de son discours de politique générale, le Salaire minimum est bien revalorisé de 2% au 1er novembre. Avec un montant inférieur de 440 euros à Mayotte.

Nouvelle perquisition au SIDEVAM 976 sur les années Bamcolo

En fin de semaine dernière, le siège du SIDEVAM...
WP Twitter Auto Publish Powered By : XYZScripts.com