Intermittence du spectacle et Scène nationale avancées par le ministre Carenco

Dans un département en pleine structuration, la culture a toujours du mal à se faire une place. Elle est portée avec courage par des initiatives locales qui s’étaient constituées il y a quelques années en Collectif des Arts confondus pour se faire entendre. C’est ainsi qu’elles ont pu s’entretenir avec le ministre des Outre-mer.

Nous avions évoqué il y a peu la question de la professionnalisation des artistes à Mayotte.
Elle se heurte aux gros trous dans la raquette du code du travail, qui n’est pas appliqué entièrement, et ne permet notamment pas la mise en place du régime d’intermittent du spectacle (annexes 8 et 10 du code du travail), privant de débouchés les titulaires du Diplôme universitaire des pratiques du spectacle vivant créé l’année dernière. C’est d’ailleurs la seule formation culturelle structurée proposée sur le territoire.

Par un effet domino, la Direction des Affaires Culturelles (DAC) Mayotte est sous-dimensionnée (7 agents à la DAC Mayotte en 2022 contre 30 en Martinique, 34 à La Réunion, 26 en Guyane, 31 en Guadeloupe), puisqu’elle se base sur la maigre professionnalisation du secteur, dont la structuration toujours promise par le conseil départemental notamment par la construction d’une salle de spectacle, n’a jamais eu lieu. Il faut dire que la collectivité assumant aussi le rôle de Région sans en avoir les moyens, devait déjà consolider son budget global.

En conséquence, l’offre culturelle est apportée sur le département par quelques structures qui se débrouillent comme elles peuvent, un effort à saluer. Elles ont également pâti d’une organisation régionale, DAC Océan Indien, centre Dramatique Océan Indien, Lalanbik qui préfigure le Centre de développement chorégraphique national Océan Indien, mises en place « sans concertation avec Mayotte », et alors que les démarches culturelles ne sont pas les mêmes, et qui « n’ont aucun sens, excepté de capter des financements à plus grande échelle au profit de La Réunion », dénoncent ces structures qui ont pignon sur scène, bien connues des habitants de l’île*, « la culture à Mayotte ne peut pas être gérée par La Réunion », rappellent-elles. Elles se sont rassemblées il y a quelques années sous l’appellation « Collectif des Arts confondus », ce qui leur a permis d’interpeler le ministre des Outre-mer Jean-François Carenco.

Milatsika reste le principal festival de l’île, porté à bout de bras par Del Zid

Petites scènes régionales deviendront grande scène nationale

Avec de probables avancées à la clé. Si le ministre délégué a semblé découvrir pas mal de problématique lors de son passage, il a indiqué qu’il « souhaitait rendre applicable le régime de l’intermittence à Mayotte », dans le droit fil de ce que demandaient le collectif, c’est à dire en augmentant la part des heures de formation à l’éducation artistique dans les établissements scolaires. Pour avoir des professionnels, il faut commencer par les former. « C’est tout un écosystème qu’il faut réussir à mettre en place en innovant par des politiques publiques existantes et nouvelles émanant de l’État et des collectivités, en lien avec la création de valeurs pour Mayotte par les professionnels des arts et de la culture », souligne le collectif Les Arts confondus.

Le ministre a également évoqué la création d’une Scène nationale à Mayotte. Il s’agit d’un label national accordé par le ministère de la Culture à des théâtres publics français. Son objectif est d’être un lieu de production et de diffusion de la création contemporaine dans le domaine du spectacle vivant.

Là encore, le collectif a incité à partir de l’existant sous peine de voir arriver des concepts importés de l’extérieur, en partant plutôt de « projets de lieux et d’initiatives de terrain déjà engagés et soutenus depuis plusieurs années, qui feront la réussite d’une éventuelle Scène nationale, demain. » Par exemple : le projet de Pôle de Développement Culturel et Artistique porté par la Mairie de Chiconi en lien avec l’association Emergence Milatsika intégré dans la démarche expérimentale nationale La Preuve par 7, La fabrique artistique « Le Royaume des Fleurs », lieu de laboratoire et de recherche artistique, géré par la Compagnie Kazyadance, le projet de Centre de Développement Chorégraphique National « Le Paradis des Makis » porté par Hip Hop Évolution à Iloni dans la commune de Dembéni, l’école de musique « Musique à Mayotte », créée il y a 20 ans à Mamoudzou avec une antenne en Petite-Terre, le projet de scène conventionnée du Pôle culturel de Chirongui, le projet de création d’un nouveau bâtiment comprenant une salle multifonctionnelle convertible en salle de spectacles dans le cadre de l’extension du CUFR à Dembéni… Des projets accompagnés à son petit niveau par la DAC Mayotte, mais qui « se heurtent pour la plupart, à la difficulté de ne pouvoir déployer les politiques culturelles nationales à Mayotte ne disposant pas des ressources ni des moyens ».

Le ministre a eu droit à une petite démonstration de hip-hop

De plus, le collectif défend la singularité de Mayotte dans les pratiques artistiques et culturelles et demande donc des aménagements de cahier des charges pour accéder à l’attribution de labels nationaux pouvant répondre au contexte du territoire.

A.P-L.

* Emergence Milatsika, Musique à Mayotte, Compagnie Stratagème, Compagnie Kazyadance, Compagnie Baltane, Kinga Folk et Hip Hop Evolution. D’autres adhésions sont en cours

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