Ce mercredi, une fois n’est pas coutume, les magistrats du tribunal judiciaire de Mamoudzou faisaient le procès de leur ministère. En cette journée de mobilisation nationale, l’action menée à Mamoudzou s’est traduite par une « audience un peu particulière ». Alors qu’il était prévu plusieurs gros dossiers à l’audiencement, donc un visant plusieurs avocats du barreau de Mamoudzou pour « faux témoignages », l’ensemble des affaires a été renvoyé à des dates ultérieures. Un bref rassemblement s’est d’abord tenu dans la salle d’audience, où Betty Baroukh a lu publiquement la motion éditée entre autres par le Syndicat de la Magistrature (SM) puis devant les grilles du tribunal où a été lu le communiqué de presse associé.
Le mouvement des magistrats est une chose plutôt rare, étant généralement admis que ces fonctionnaires ne sont pas autorisés à débrayer. Ce que dément le Syndicat de la Magistrature. Nos confrères de 20 minutes reviennent sur ce vieux débat dans cet article. Pour les professionnels de Mayotte, qui luttent contre les retards pris par de trop nombreux dossiers, une grève à la journée aurait pénalisé les justiciables. D’où le choix d’une action coup-de-poing. « On ne fait pas grève, mais on travaillera portes closes en affichant la motion sur nos portes » indique Betty Baroukh.
3 à 5 fois plus de magistrats nécessaires
Mais pour beaucoup, la coupe est pleine. Souvent pointés du doigt pour la lenteur, ou la teneur des décisions rendues, les magistrats ont « déploré la qualité insuffisante des réponses apportées aux justiciables » qu’ils mettent sur le compte d’un « manque de personnel ». « Les chiffres sont têtus » a lu la porte-parole du mouvement.
« Avec une population évaluable, selon une moyenne basse, à environ 300 000 habitants, si la juridiction de Mamoudzou était dotée d’un nombre de magistrats et de fonctionnaires correspondant à la médiane des pays européens, soit de 17,7 juges et 11,25 procureurs, pour 100 000 habitants, le tribunal judiciaire aurait 53 juges au lieu de 17 et 34 parquetiers au lieu de 6 ». Par ailleurs, à raison d’une moyenne de 4 fonctionnaires par juge, il faudrait « au moins 92 fonctionnaires contre 65 fonctionnaires actuellement, étant inclus les agents contractuels ».
Les magistrats et greffiers étaient rejoints par plusieurs avocats, ces derniers soucieux de « s’associer à ce mouvement » pour avoir « plusieurs fois alerté » sur ces mêmes problématiques. Le manque d’avocats à Mayotte est également pointé par la motion lue ce mercredi.
Pour les professionnels réunis, « Cette pénurie de moyens grève particulièrement le fonctionnement de notre institution et l’empêche d’occuper une place favorable au sein de la société mahoraise et de répondre aux attentes légitimes que lui prêtent les justiciables »
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Y.D.