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Campagne de vaccination au ralenti : médecins locaux, cadis… toutes les cartes n’ont pas été jouées

Face à la présence massive de doses de vaccin, trop peu de candidats. Or, parfois pour convaincre, les solutions que nous avons sous les yeux sont les meilleures. Plusieurs ressorts sont à activer.

Pourquoi faut-il se faire vacciner ? Quels vaccins utilise-t-on à Mayotte ? Quels effets indésirables ?… Les Foires aux questions succèdent aux Tuto qui font suite aux témoignages des anciens, mais rien ne semble attirer les candidats à la vaccination à Mayotte. Le docteur Martial Henry a eu beau nous tendre la main, le président Soibahadine mouiller sa chemise, une partie de la population reste réfractaire. Et ce ne sont pas les atermoiements des autorités de santé, notamment lors du retrait l’AstraZeneca, qui ont amélioré la situation.

Pourtant, usant de ses contacts à Paris, Dominique Voynet n’a pas lésiné sur les approvisionnements, « nous avons beaucoup de doses », nous rapportait la directrice générale de l’ARS Mayotte que nous avions interrogée à ce sujet. Elle précisait que affiliés comme non affiliés sociaux étaient invités à se déplacer.

Depuis, peu d’engouement, avec une situation globalement semblable dans les autres DOM. La confirmation qu’il faut savoir se réinventer sur ces territoires. Nous avions rapporté les propos de l’ancien élu et chroniqueur du JDM, Issihaka Abdillah, qui invitait à penser autrement la campagne de vaccination. Une communication adaptée semble demandée par tous, en s’appuyant sur les « sachant » locaux.

Cela passe pour Issihaka Abdillah par l’implication « énergique » des maires, des parlementaires, des religieux et des cadis. En dehors de Mansour Kamardine au début, on les a peu entendus sur ce sujet. Une voix fait particulièrement défaut, celle de la députée et docteur Ramlati Ali, dont il faut user et abuser. Les vaccinations de Martial Henry et du président Soibahadine Ibrahim Ramadani ont été mises en scène, mais cela apparaît comme deux cas isolés, « il faudrait impliquer dans une campagne radio-télévisée les médecins, les infirmières et infirmiers mahorais ».

Un vaccinodrome made in Mayotte

Axer la campagne sur les soignants mahorais

Une communication qui aurait en plus, le mérite de territorialiser l’impact. Le docteur Abdoul Karim Abaine, médecin du Département, étant à la fois de Kani Keli et de Boueni, le docteur Maoulida de Tsingoni, etc. « Ce sont des soignants que les habitants de ces villages connaissent bien, ils font partie du paysage médical depuis longtemps et ont côtoyé de nombreux patients mahorais. Ils sont les grands oubliés de la politique de lutte contre la pandémie mais aussi de la campagne de vaccination, pourtant de la même promotion que Mouhoutar Salim, DGA à l’ARS Mayotte ». Issihaka Abdillah lance même l’idée d’implanter un de ces mégacentres de vaccination nés ce mois ci en métropole, un « vaccinodrome », et de le leur confier. Impliquer aussi des infirmières et infirmiers mahorais en activité ou à la retraite, « ils ont une connaissance solide des réalités socio-culturelles de l’île ».

Ensuite, il réitère son idée de proposer des pools de familles, comme l’a fait le vice-président Issa Abdou avec sa maman, on ne raisonne plus par tranche d’âge pour le public cible, mais par filiation, les anciens étant plus enclins à se déplacer et à se faire vacciner avec les leurs.

D’autres acteurs socio-culturels du territoire sont les cadis, qui peuvent être vecteurs de propositions. Dominique Voynet se réjouissait d’ailleurs de l’implication du Grand Cadi, « il a écrit sans ambiguïté que les vaccinations peuvent aussi être faites pendant le mois de ramadan. » Une information essentielle. Un cadi nous explique d’ailleurs que « l’islam  rappelle que ‘chaque maladie a un remède’, et ici ce vaccin est ce remède. »

Pour que vaccination et LIC fassent bon ménage

Grand cadi, islam, Mayotte, mosquées
Le Grand Cadi Mahamoudou Hamada Saanda a un rôle à jouer

Dans son courrier à Dominique Voynet, que nous nous sommes procuré, le Grand cadi explique également qu’une campagne de vaccination doit être mené à destination des pèlerins. Non que le pèlerinage à la Mecque soit considéré comme un motif impérieux dans ce contexte de restriction de vols, mais dans l’espoir de pouvoir s’y rendre, la vaccination est indispensable, « le quota de mahorais pour le hajj est de 600 pèlerins répartis entre 3 associations », écrit Mahamoudou Hamada Saanda. Il demande que, aux vaccins habituels, fièvre jaune et méningite, soit rajouté celui contre le Covid 19. En 2014, les pèlerins y avaient d’ailleurs eu droit avec un vaccin anti-Coronavirus qui circulait alors en Arabie Saoudite. Toutes ces informations, nous les avons obtenues en contactant ces « sachants ». (Consulter la Lettre ARS cadis)

Ensuite se pose le problème de la vaccination pour les non assurés sociaux. Elle est ouverte à tous, sous réserve de remplir les conditions évolutives du public cible régulièrement mises à jour par l’ARS, la carte Vitale n’est donc pas un sésame indispensable. Mais encore faut-il que ces personnes en situation irrégulière arrivent à s’y rendre. Une organisation prenant en compte la politique de reconduite menée actuellement par la préfecture est donc à mettre en place, soumettent les divers interlocuteurs que nous avons sollicités. Là encore, il faut s’adapter.

Proposer une vaccination par zone géographique où serait chacune à son tour ponctuellement allégée la lutte contre l’immigration clandestine, permettrait de toucher le plus grand nombre. Par exemple, une campagne de vaccination menée à Sada, le lundi, puis à Kani Keli le mardi, etc, avec un allègement des contrôles ces jours là sur ces communes. L’immunité collective et le recul de l’épidémie en dépendent.

Prés de 20.000 malades ont officiellement contracté le virus à Mayotte, et 13.000 ont été vaccinés. On ne sait pas combien l’ont attrapé sans se signaler ou en étant asymptomatique, des études sont en cours sur ce sujet sur le plan national pour avoir des estimations.

Alors, « Narendre ra reme vaccine pihasi ! Allons tous nous faire vacciner ».

Anne Perzo-Lafond

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