Tourisme : La vanille de Mayotte, un patrimoine agro culturel à valoriser

L’association Saveurs et Senteurs de Mayotte organise durant les vacances plusieurs excursions autour de l’agroécologie, et plus particulièrement la vanille. Hier pour la première visite de la saison, le rendez-vous était pris du côté de Tsingoni pour visiter des parcelles de producteurs de vanille mais aussi faire une balade autour du lac Karihani.

C’est avec un grand sourire qu’Ediamine, 27 ans, animateur au sein de l’association Saveurs et Senteurs, a accueilli la dizaine de personnes venue profiter d’un bon moment et se renseigner sur ce que certains appellent « l’or de Mayotte », la vanille. Après quelques centaines de mètres effectuées sur un chemin dans la forêt, les 35 parcelles de l’ensemble des producteurs de vanille adhérents à l’association se sont offertes aux yeux des visiteurs. Ediamine a expliqué à son auditoire comment on plante la vanille avant de procéder à une mise en pratique concrète. « La vanille fait partie de la famille des orchidées, elle a donc besoin d’un support pour s’accrocher avec sa liane, explique-t-il. Une liane peut mettre deux, trois voire quatre ans pour avoir une fleur et elle nécessite beaucoup d’entretien, notamment au niveau de la nourriture mais aussi au niveau du bouclage afin de la faire redescendre vers le bas. Il est primordial de ne surtout pas les couper », complète l’animateur.

Ediamine au milieu d’une parcelle de vanille du côté de Tsingoni

Les explications d’Ediamine sont très complètes. Les parcelles sont volontairement ombragées avec des arbres plantés auparavant par les producteurs pour protéger la vanille. « Cette dernière a besoin de 60% de soleil et 40% d’ombre, indique-t-il. On ne les plante pas durant la saison des pluies car l’humidité pourrait occasionner des dégâts dans la liane ». L’animateur a ensuite montrer comment faire la pollinisation de la plante, étape obligatoire pour avoir de la vanille. « Il est important de la faire manuellement pour avoir l’obtention d’une gousse ». On apprend ainsi qu’il faut environ six mois pour qu’une gousse arrive à une taille normale et neuf mois avant de pouvoir la récolter à maturité. « Nous avons récolté en mai et juin, juillet est généralement le mois de la transformation », explique Ediamine.

Un retour du patrimoine agricole mahorais

En 2018, l’association Saveurs et Senteurs de Mayotte, sous la houlette de Julie Moutet, a repris l’exploitation de la filière de la vanille qui était laissée à l’abandon. Les parcelles n’étaient pas entretenues et les agriculteurs de l’île délaissaient la culture de cette plante. Il a fallu tout réorganiser, convaincre les agriculteurs de la cultiver à nouveau, mais aussi trouver des débouchers. Les efforts ont semble-t-il payé puisque la première récolte effectuée il y a de cela trois ou quatre ans ne faisait que 700 kg. « Cette année nous sommes à un peu plus d’1,4 tonne », se félicite Ediamine. D’autant plus, que pour la deuxième année consécutive la vanille de Mayotte a été récompensée au Salon International de l’Agriculture à Paris. « En 2024, nous essaierons de décrocher la première place ! Dit en souriant le jeune animateur.

Ediamine a montré aux visiteurs comment planter la vanille…

Ainsi, après l’étape de la plantation arrive celle de la transformation, c’est ce que l’on appelle l’échaudage. « Il faut mettre la vanille dans de l’eau à 65 degrés pendant 3 minutes pas plus ! insiste Ediamine. Vient ensuite le séchage au soleil pendant environ deux semaines à raison de deux à quatre heures par jour. C’est à ce moment que la vanille sèche et que les odeurs commencent à se dégager. Le séchage à l’ombre suit directement et dure un à deux mois. C’est là que s’effectue le triage et le massage des gousses afin de les redresser mais aussi de faire répartir les arômes. Dernière manipulation avant la vente, et sans doute la plus cruciale, l’affinage. « On enferme les gousses dans des malles en bois en les surveillant régulièrement afin d’éviter un taux d’humidité trop élevé. C’est à cette étape que se développe les odeurs et les arômes », assure Ediamine. Mais avant tous ces processus, il faut veiller à ce que la plante soit cultivée correctement à l’abri de certains prédateurs, à l’image du pigeon des Comores.

« Cet oiseau est un véritable problème pour la culture de la vanille. Il a la taille d’une poule avec un bec jaune et peut manger jusqu’à 100 boutons qui se trouvent dans la plante par jour. S’il n’y a pas de boutons, il n’y a pas de fleurs et sans fleurs il n’y a pas de gousses. C’est une espèce protégée, c’est pour cela que nous travaillons avec l’association Gepomay pour voir comment on peut diminuer son impact. Cet oiseau était rare avant, on ne le voyait qu’en forêt mais à cause de la déforestation il descend de plus en plus bas pour trouver de la nourriture et se refaire un habitat ».

…mais aussi comment faire des boutures

En plus de montrer comment se cultive la vanille, Ediamine a également procéder à des bouturages. « Pour cela il faut que les yeux de la liane soient vers le bas. Il n’y a pas besoin de creuser beaucoup dans la terre car la liane a besoin de respirer. Il faut que les racines restent en surface. Puis vous attachez la liane à un tuteur et d’ici deux à trois ans elle produira des fleurs », raconte-t-il.

 

Une faune et une flore exceptionnelles qui demeurent très fragiles

Au cours de cette visite, le public a également pu voir différentes plantes médicinales et aromatiques telles que le ourouva, le manga, le combava « qui permet de casser le fort goût du hérisson », selon Ediamine, ou encore du gingembre, du curcuma, des cacaoyers.

Les visiteurs les plus attentifs ont pu remarquer la présence d’un petit caméléon

La visite s’est ensuite poursuivit au lac Karihani et à cet endroit la réalité du climat et des conditions actuelles se sont brutalement rappelées aux visiteurs. « Je n’ai jamais vu le lac aussi bas, constate dépité Ediamine. D’habitude il y a des pigeons, des hérons, des poules d’eau. Il est tellement sec qu’il n’y a pas d’oiseaux, il n’y a pas de vie. C’est triste, c’est trop calme, on devrait entendre le chant des oiseaux. C’est dommage de voir un site dans cet état ». Quant aux visiteurs présents, il semblerait qu’ils aient apprécier la visite, en dépit de la sécheresse du lac. « On a appris beaucoup de choses, c’est vraiment intéressant », disent-ils unanimement. Seul petit hic : « J’aurais bien voulu acheter de la vanille ? ». Interroge l’une des visiteuses. Ediamine leur a conseillé d’aller directement au Pôle d’Excellence Rurale (PER) de Coconi pour en acheter.

Aussi, pour l’animateur il est important d’organiser ce genre d’excursion afin de « valoriser l’île, d’encourager les producteurs en les aidant mais aussi de répondre aux besoins de la population ». Mais il déplore que de nombreux Mahorais ignorent beaucoup de choses sur la vanille. « Nous avons fait une étude avec Saveurs et Senteurs et il est ressorti que la plupart des gens ici ne savent ni planter, ni transformer la vanille et ne savent même pas où la trouver ! Pour ma part, j’ai toujours aimé l’agriculture. C’est ma passion c’est quelque chose d’exceptionnelle. Tout petit j’allais dans les champs, j’aimais beaucoup planter. J’ai tout laissé tomber pour l’agriculture. Pour moi, toutes les plantes sont essentielles et importantes ». En effet, diplômé d’un CAP Enseigne et Décor, Ediamine a travaillé auparavant en tant qu’agent de sécurité et même maçon. Puis il a eu l’envie de vivre de sa passion en suivant il y a deux de cela une formation agricole au lycée de Coconi.

Le lac Karihani tristement bas et sec

Ainsi à travers ces visites l’objectif de l’association Saveurs et Senteurs est de développer l’agrotourisme en encourageant et en valorisant les producteurs locaux, mais aussi en préservant le patrimoine.

Prochaine excursion, vendredi 28 juillet au PER de Coconi, pour une visite de l’atelier de préparation de vanille. Vous y découvrirez les différentes phases de la transformation de celle- ci. Le tarif est de 12euros par personne.

B.J.

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