Au marché couvert de Mamoudzou ce vendredi 28 février, Amina et Mariata espèrent trouver du manioc et des bananes, deux ingrédients particulièrement recherchés sur l’île à quelques jours du début du ramadan. Malheureusement impossible pour elles d’en trouver sur les étalages en ce début d’après-midi et les deux amies devront se contenter d’un sachet de patates douces.
« L’année dernière on avait cinq plats, cette année on va en faire deux »
« On va faire avec les moyens du bord, des patates, des pâtes et du riz », reconnaît dans un soupir Amina, qui habite Koungou. « Mais même ça c’est compliqué à trouver. J’étais en grande surface avant hier et il y avait plus du tout de riz et seulement quelques paquets de frites. On se demande si on va pouvoir tenir tout le mois du ramadan comme ça, car on doit manger de façon consistante ». Chez elle, ils seront quatre à rompre le jeûne à partir de 18 h, et elle sait déjà que les portions vont être réduites. « L’année précédente on avait cinq plats différents, là on va en faire plus que deux ».

« Je connais plein de gens de mon entourage qui ont décidé de partir en métropole pendant toute la période du ramadan pour éviter toutes ces contraintes. Et surtout pour avoir des bananes tous les jours et pas chères », constate de son côté Mariata.
Des produits importés qui pourrissent trop vite
Sur le marché on trouve des ananas, des oignons, des carottes, des pommes ou encore des courgettes, mais la plupart sont des produits importés qui ne sont pas frais et qui ne peuvent être gardés très longtemps. « Les songes, les pommes de terre et les patates douces viennent de Madagascar et ils pourrissent très vite », explique Marie, une commerçante. « On a des habitués qui ne viennent plus parce qu’ils ne trouvent pas ce qu’ils recherchent. Le ramadan est une période importante aussi pour nous mais là c’est compliqué, on vend moins ». Ses clients s’orientent plus vers les farines de maïs ou de manioc mais aussi les oignons et les carottes, autant d’ingrédients qui permettront de compléter les repas.
Parcourir toute l’île pour espérer trouver du manioc
« J’ai fait le Sud et le Nord pour trouver les aliments importants comme le songe ou le manioc mais à chaque fois que j’arrive à l’objectif il n’y a plus rien », remarque Nadita, le sourire aux lèvres en pensant à son parcours du combattant. « On a l’habitude de beaucoup se permettre pendant le ramadan, mais là on va diminuer les portions afin de pouvoir tenir tout le mois. On ajoute d’autres aliments qui compenseront, là j’ai acheté que des fruits de saison, des pastèques, des ananas mais aussi quelques légumes, mais c’est sûr il y a un changement de nos habitudes alimentaires », ajoute-t-elle. « Mais on va s’adapter comme tous les foyers concernés et on va manger tout ce qui va permettre de rompre le jeûne ».

De son côté, Maila s’y est prise un peu plus tôt sur les préparations en faisant des stocks depuis quelques jours. « J’ai mis 15 kilos de songes de côté au congélateur. Avec le ramadan les horaires de travail vont changer et je vais avoir le temps de rentrer, de mettre les songes dans l’eau, les décongeler, puis les faire frire ou bouillir ». Elle regrette néanmoins ne pas avoir trouver de bananes.
Si les ingrédients peuvent être remplacés, l’eau non et il est encore difficile de trouver de l’eau potable dans toute l’île. « J’ai plus qu’un seul pack d’eau chez moi, et j’ai été au Carrefour, au Sodifram, au Baobab et même dans les petits magasins j’en trouve plus. J’ai de l’eau à la maison mais un jour on nous dit qu’on peut la boire, le jour suivant on nous dit que non, donc je dois la faire bouillir », confie Amina.
Des mesures mises en place par la préfecture
Pour tenter de soulager les familles pendant le ramadan, la préfecture a mis en place plusieurs mesures pour garantir l’approvisionnement des commerces en eau et en nourriture, et pour contrôler les prix afin d’éviter les fraudes. Le prix de l’eau en bouteille est plafonné dans les commerces de détail d’une surface inférieure à 400m2, à 1,45 euros pour une bouteille d’1,5 litre, et 0,75 euros pour une bouteille de 0,5 litre. Le préfet autorise également les grandes et moyennes surfaces à importer de l’eau en bouteille dont l’étiquetage n’est pas écrit en français, depuis l’Union européenne.

Le port de Longoni verra ses horaires d’ouverture étendus de 6h30 à 15h tous les jours du mois de mars, week-end compris pour pouvoir acheminer au mieux les denrées importées.
Une atmosphère différente cette année
« Cette année même l’atmosphère est différente. Normalement avec le ramadan il y a une ambiance spéciale et là ce n’est plus le cas et en plus on pense à la famille à La Réunion qui a subi le cyclone Garance », observe Anfifa. « Mais après Chido il faut quand même qu’on avance, qu’on passe à autre chose et le ramadan va nous permettre de nous réunir, de passer de bons moments ensemble et d’essayer d’oublier ce qui s’est passé ».
Victor Diwisch