Pour la première fois l’Insee Mayotte a partagé simultanément quatre études économiques : le marché du travail à travers l’emploi et le chômage, les créations d’entreprises, la fréquentation des hôtels et autres hébergements collectifs de tourisme et l’inflation annuelle moyenne, afin de dresser un bilan complet de l’activité économique de Mayotte en 2024.

Publiées ce vendredi 13 juin, ces publications illustrent une année 2024 économiquement difficile, qui s’explique en partie par un premier trimestre en proie aux mouvements sociaux, aux barrages et au début de l’opération Wuambushu 2. « Ces mouvements ont certainement eu un impact », explique Delphine Artaud, cheffe du service régional Insee Mayotte, « est-ce qu’ils ont renforcé une tendance déjà présente ou non, on ne peut pas le dire, mais on voit bien que les créations d’entreprises ont diminué et les prix ont augmenté à la suite des ces mouvements ».
Le taux de chômage le plus élevé de France
Pour l’étude de l’état du marché du travail (taux de chômage et taux d’emploi), l’Insee précise que l’étude menée en 2024 à Mayotte est « désormais identique à celle menée dans les autres départements français. La collecte des données a lieu en continu, tout au long de l’année, et le questionnaire a fait l’objet d’une rénovation. De fait, les résultats ne sont pas comparables à ceux diffusés antérieurement, en particulier le taux de chômage ».

Les femmes, les jeunes et les natifs de l’étranger touchés
En 2024, 22.000 personnes sont au chômage, au sens du Bureau international du travail (BIT), soit 29% de la population active, un chiffre stable par rapport à l’année précédente, remarque l’Insee. « Mayotte est la région française au taux de chômage le plus élevé, il est quatre fois supérieur à celui dans l’Hexagone, 7,2% ». Les femmes sont plus touchées par le chômage (37%), soit 15 points de plus que celui des hommes, tout comme les jeunes. « À Mayotte comme ailleurs, les plus jeunes sont plus souvent au chômage. Ainsi, le taux de chômage des 15-29 ans s’élève à 46%, contre 26% pour les 30-49 ans et 17% pour les 50 ans ou plus ». Les natifs de l’étranger sont aussi touchés par le chômage (23%), soit 17 points de moins que celui des natifs de Mayotte (40%).
23% de la population dans le « halo » du chômage
Autre donnée importante, à Mayotte, 23% de la population en âge de travailler, soit 39.000 personnes, est dans le « halo » autour du chômage. « Le halo est constitué des personnes sans emploi et qui déclarent souhaiter travailler, mais qui ne sont pas considérées comme chômeurs au sens du BIT, majoritairement parce qu’elles ne font aucune démarche active de recherche d’emploi ou ne sont pas disponibles pour en occuper un. Cette part est la plus élevée de France ». Qu’elles soient au chômage ou dans le « halo », 61.000 personnes de 15 à 64 ans souhaiteraient travailler. Ainsi, 36% des personnes de 15 à 64 ans n’ont pas d’emploi et souhaitent travailler.
32% des personnes de 15 à 64 ans ont un emploi
Concernant le taux d’emploi, l’Insee indique que 32% des personnes de 15 à 64 ans occupent un emploi à Mayotte, soit 55.000 personnes. « Cette part est deux fois plus faible que dans l’Hexagone (69%) et inférieure de 21 points à la moyenne des autres départements et régions d’outre-mer (Drom) ».
Les créations d’entreprises chutent

Avec 1.520 entreprises créées en 2024, Mayotte connaît une baisse significative de 13 points par rapport à 2023. « Ce sont principalement les créations d’entreprises individuelles classiques qui continuent à diminuer depuis 3 ans, et la création d’entreprises sous le statut de micro-entrepreneur qui diminue également mais pour la première fois depuis la mise en place du statut en 2020. Dans tous les cas c’est une baisse significative après des années d’augmentation de créations d’entreprises », remarque Delphine Artaud. Mayotte est la seule région française avec la Martinique où les créations reculent en 2024.
La baisse des créations est particulièrement marquée dans la construction (-21%). Le nombre de créations recule aussi dans les services (-13%). Dans le secteur du commerce, transport, hébergement-restauration (-12%), les créations diminuent dans le commerce et la réparation d’automobiles, mais augmentent dans le transport et l’hébergement-restauration.
Les femmes plus créatives
« A Mayotte, 52% des créateurs sont des femmes, en particulier des entreprises individuelles classiques, mais aussi dans le commerce, la restauration, l’hébergement. En France, en moyenne, 43% des créateurs sont des femmes, c’est donc un fait marquant à Mayotte », souligne Delphine Artaud.
Energie et alimentation contribuent fortement à l’inflation

En 2024 les prix ont augmenté de 2,6% en moyenne par rapport à 2023, ce qui est supérieur au niveau national qui connaît une inflation de 2%. Les services représentent le principal moteur de l’inflation à Mayotte, contribuant à 30% de l’inflation annuelle.
Les services contribuent le plus à l’inflation annuelle
Les services représentent la plus grande part du budget des ménages. Parmi les services spécifiques, les loyers, l’eau et l’enlèvement des ordures ménagères enregistrent une hausse modérée de 1,4%, soit deux fois moins qu’au niveau national. Les services de transport, qui pèsent peu dans le budget des ménages (3,4%), voient leurs prix croître de 1,7%, en lien avec l’augmentation des tarifs aériens. Les prix des services de communication, représentant 6% du budget à Mayotte (contre 2% en France), restent stables, alors qu’ils chutent fortement en métropole (-8,1%). Du côté de la santé, les prix progressent légèrement (+0,8%). Enfin, les autres services, qui concentrent près de la moitié des dépenses dans ce domaine, affichent une hausse plus marquée (+3,1%), portée notamment par l’augmentation des prix dans la restauration, l’entretien automobile et les assurances.
L’alimentation et l’énergie, des prix en forte augmentation
A Mayotte, les prix de l’alimentaire augmentent de 3,2% en moyenne en 2024, contre 1,4% au niveau national. Pour l’énergie cette hausse s’élève à 6,2% contre 2,3% au niveau national. « Les prix ont fortement augmenté dans l’énergie et aussi dans l’alimentaire et notamment les produits frais, surtout après les événements du premier trimestre », relève Delphine Artaud, « et jusqu’en décembre 2024 et le passage du cyclone Chido, les prix des produits frais restent à un niveau élevé ».
Du côté de l’énergie, depuis quelques mois les prix baissent, tout comme les prix des produits pétroliers.
L’éclaircie du secteur du tourisme, malgré un manque de retombées directes

enregistrent 166.900 nuitées de janvier à novembre 2024 (Insee).
Mayotte dispose de 17 hôtels et de 2 résidences hôtelières, soit 19 structures réparties dans 7 communes de l’île, qui comportent 460 chambres en tout. 46% de ces chambres se situent à Mamoudzou, 27% dans le reste de Grande-Terre et 27% en Petite-Terre. De janvier à novembre, elles ont permis près de 166.900 nuitées.
Sur les 11 premiers mois de l’année, excepté décembre en raison de Chido, l’offre de chambres a augmenté de 7%. Une hausse liée à l’ouverture d’un nouvel établissement et l’augmentation de la capacité de trois autres.
Par ailleurs, le taux d’occupation des chambres baisse de 6 points par rapport à 2023 pour atteindre 73%.
Victor Diwisch