La 3ème Conférence des Nations unies sur l’océan (UNOC 3) s’achève ce vendredi 13 juin à Nice, et si les aboutissements de la rencontre, qui a réuni plus de 50 chefs d’État, 30 organisations internationales et des centaines de représentants de la société civile, ne sont pas encore connus, elle a exposé au monde entier les enjeux de la préservation des océans. Désormais le risque est que ces sujets vitaux retournent au second plan des calendriers politiques de chacun. A Mayotte, habitants et pouvoirs publics ne peuvent se permettre de les négliger.
Adapter les réglementations pour ne pas faire les mêmes erreurs

Pour certains Etats, la Conférence sonne comme un ultime cri d’alerte face à une situation dégradée. La mer Méditerranée, par exemple, est la mer la plus polluée du monde en microplastiques et elle subit de plein fouet la surpêche, tout comme l’océan Pacifique. Mais pour Mayotte la Conférence doit faire l’effet d’une piqûre de rappel afin de ne pas recréer les erreurs sur la gestion des milieux, et le défi est de taille alors qu’anticiper est souvent plus difficile que réparer. Pour le moment le lagon est exemplaire par sa richesse et sa vitalité et au-delà de la barrière de corail, les eaux profondes ne connaissent pas le chahut et la pollution des gros couloirs maritimes mondiaux. Des situations à ne pas prendre pour acquises alors que le développement économique de l’archipel et du Canal du Mozambique sont des priorités pour les dirigeants.
A l’occasion du Forum mondial des îles, qui s’est déroulé en marge de l’UNOC 3, le ministre de la Francophonie et des partenariats internationaux, Thani Mohamed-Soilihi, a annoncé le lancement de #ChooseMayotte, un programme de valorisation du territoire sur la scène internationale. L’Etat a également annoncé la candidature au patrimoine mondial naturel de l’UNESCO de la double barrière de corail pour favoriser sa protection. Mayotte doit maintenant réussir à concilier développement économique et protection de l’environnement, deux objectifs souvent en tension.
« Il faut anticiper beaucoup plus vite sur les mesures à prendre pour protéger les eaux mahoraises à la vue du futur et du développement de Mayotte », constate David Lorieux, chargé de missions « actions pédagogiques » de l’association Ceta’Maore qui œuvre à la valorisation et à la protection des mammifères marins et leurs habitats à Mayotte.

« Pour réussir à protéger nos écosystèmes il faut aussi les faire connaître, et cela passe par le tourisme qu’il faut développer, mais il faut bien le faire », ajoute-t-il, « l’avantage c’est qu’on a l’exemple de La Réunion sur lequel on peut s’appuyer pour adapter les réglementations afin de ne pas commettre les mêmes erreurs. Il faut mettre en place des observations durables des mammifères marins et des écosystèmes mahorais ». L’association, née en 2021, est en collaboration directe avec son équivalente réunionnaise Globice, ce qui permet les retours d’expériences.
L’écologie n’est pas la priorité du Gouvernement

« On attend depuis longtemps l’entrée de la barrière de corail à l’UNESCO, pour mettre Mayotte au milieu de la carte et pouvoir mieux la préserver », explique David Lorieux. « Le problème c’est que l’écologie n’est toujours pas une priorité au niveau étatique et on le subit directement avec les coupes budgétaires », déplore-t-il, « on voulait mettre en place un pass culture environnement auprès des jeunes pour les sensibiliser sur les mammifères marins pour montrer comment les protéger, mais aussi leur faire connaître les différents métiers qui existent dans la protection de la nature et créer une dynamique mais on a dû annuler faute de subventions ».
Pourtant, il est plus que nécessaire de sensibiliser la population sur la préservation des milieux et surtout des mammifères marins qui jouent des rôles importants dans la vie du lagon de Mayotte. Ce samedi 14 juin l’association organise une matinée de formation pour devenir observateur bénévole en mer, et ainsi récolter encore plus de données sur les mammifères marins de Mayotte (voir plus d’informations sur la page Facebook de l’association) dont certains sont encore très peu connus.

« On a 25 espèces de mammifères à Mayotte, 20 espèces de dauphins, 4 espèces de baleines et le dugong. Les baleines à bosse qui viennent se reproduire dans le lagon sont utiles aux écosystèmes tout le long de leurs migrations avec leurs déjections qui nourrissent le krill, qui eux-mêmes captent le dioxyde de carbone. A leur mort, leurs cadavres nourrissent beaucoup d’animaux et elles deviennent aussi des puits de carbone ce qui lutte contre le réchauffement climatique », note David Lorieux, qui insiste sur le fait que la protection de ces mammifères doit se faire sur l’ensemble de leurs parcours migratoires. « En Antarctique, de plus en plus de pécheurs capturent le krill, la nourriture des baleines, qui risquent de ne plus avoir assez de nourritures et donc d’énergie pour venir se reproduire ici à Mayotte. Il faut une vision globale ».
Le dugong l’exemple vivant de l’impact dévastateur de l’Homme
Et justement du côté de la pêche, le Parc naturel marin de Mayotte couvre 68.381 km², soit la quasi-totalité du lagon, du récif et des eaux territoriales. Il offre une certaine protection tout en permettant son usage, sauf sur 5 zones spécifiques. « Dans le lagon les espèces mettent longtemps à se développer contrairement à la haute mer. Il faut savoir protéger les deux, on ne peut pas priver la pêche locale mais il faut davantage contrôler les flottilles seychelloises qui pêchent les ressources plus au large », confie toujours David Lorieux.

Le 20 et le 21 juin prochains, Ceta’Maore organise, à l’école de voile de Petite-Terre, la projection d’un film sur les dugongs et une matinée de recherches participatives en PMT (ndlr : palmes, masque, tuba) sur les traces de cet herbivore emblématique de Mayotte, dont le nombre à drastiquement diminué en raison de son braconnage. « Il y a 30 ans, les habitants pouvaient apercevoir les dugongs quotidiennement. Les pécheurs pouvaient capturer 5 dugongs par jours pour nourrir la population. Aujourd’hui on pense qu’il y a moins de 10 individus à Mayotte », relève David Lorieux, « mais la semaine dernière on a pu observer une mère et son fils près de Mtsamboro ». La population de dugong actuelle montre l’impact dévastateur de l’Homme en l’absence de réglementations à la hauteur. Diminution, stabilisation ou augmentation des individus, face aux défis de Mayotte dans les prochaines années, le dugong peut servir de baromètre sur l’efficacité des mesures de protection des écosystèmes mahorais.
Victor Diwisch