UNOC3 à Nice : entre promesses officielles et réserves des ONG, les océans au défi

Emmanuel Macron appelle à « une action concrète et rapide » pour sauver les océans, tandis que les ONG dénoncent l’hypocrisie des États sur la pêche industrielle.

Nice poursuit sa double mission diplomatique avec la Troisième Conférence des Nations unies sur l’océan (UNOC3) et le Forum mondial des îles, réunissant jusqu’au 13 juin 2025, des chefs d’État, scientifiques, ONG et représentants insulaires. Après notre précédent article sur le sujet, le sommet entre dans une phase décisive. Alors que la parole présidentielle marque une volonté affichée d’agir, les voix critiques, incarnées par plusieurs ONG, rappellent les failles du système actuel et la nécessité d’engagements concrets pour sauver les océans.

Macron : « Nous devons agir maintenant, avec des engagements concrets et mesurables »

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« Nous sommes une trentaine d’États engagés pour un moratoire sur l’exploitation des grands fonds marins. On ne va rien lâcher. Je veux qu’on arrive à un accord pour toute la planète, parce que c’est complètement fou d’aller exploiter ou forer un endroit qu’on ne connaît pas », a déclaré Emmanuel Macron, le 8 juin 2025, à Nice

Lors de son discours d’ouverture, Emmanuel Macron avait rappelé la gravité de la situation : « Les océans sont un trésor de biodiversité. Si nous les polluons, pratiquons la pêche illégale ou ne protégeons pas cette richesse, nous reculons dans la bataille pour le climat et la biodiversité ». Il avait souligné que « le changement climatique est accéléré par la dégradation de l’océan », appelant à une « nouvelle architecture de la gouvernance maritime mondiale » pour « des engagements concrets, mesurables et vérifiables ».

Au sommet de cette conférence, le président de la République a souligné l’urgence de protéger les vastes étendues marines qui couvrent près de la moitié de la surface de la planète. « Nous devons protéger 100 % de nos espaces marins, dont 10 % sous protection forte d’ici 2030. C’est un impératif écologique et un devoir envers les générations futures », a-t-il déclaré. Cette annonce intervient alors que la France a annoncé que le traité international sur la haute mer — ces zones océaniques au-delà des juridictions nationales, régies jusqu’ici par le principe de liberté des mers — sera bientôt ratifié par suffisamment de pays pour entrer en vigueur.

Ce traité, fruit de décennies de négociations, vise à encadrer la protection de la biodiversité marine dans ces espaces, notamment en établissant des aires marines protégées, en régulant la pêche, le transport maritime, l’exploitation minière des fonds marins et la recherche scientifique. Le président a aussi évoqué « la nécessité d’un moratoire sur l’exploitation minière des fonds marins », qualifiant cette activité de « menace irréversible » pour les écosystèmes océaniques. Ces déclarations s’inscrivent dans un contexte où plus de 50 chefs d’État et 30 organisations internationales participent à la conférence, co-organisée par la France et le Costa Rica.

Les ONG dénoncent un « double langage » 

Mayotte, plongée, cyclone, Chido, lagon, tombant,
Le Forum mondial des îles, qui se tient parallèlement, met en avant les enjeux spécifiques des territoires insulaires face au changement climatique, notamment à Mayotte, où les effets du cyclone Chido sont encore visibles (corail cassé à Saziley, 13 janvier 2025)

Mais pour les ONG, ces annonces ne sont pas suffisantes. « Le Président a mis en scène l’annonce… du statu quo ! », a déclaré l’association Bloom dans un communiqué diffusé le 8 juin, soutenant que le président de la République avait « confirmé que l’imposture de la politique de protection maritime de la France se poursuivrait, à savoir qu’il n’existerait jamais de cadre contraignant pour protéger véritablement les aires marines dites protégées. » De son côté, Greenpeace souligne qu’il « y a un tout petit peu de progrès sur la formulation : le chalutage de fond a pris la place qu’il mérite » dans la communication gouvernementale, tout en admettant : « On a l’impression qu’il (ndlr : Emmanuel Macron) annonce qu’il ne va rien annoncer », déplore l’organisation non gouvernementale. 

En 2024, le chalutage de fond avait été pratiqué pendant 17.000 heures dans les aires marines protégées françaises, d’après un rapport de l’ONG Oceana. La semaine dernière, l’Union européenne déclarait vouloir mettre fin à cette pratique de pêche en 2030 dans les aires protégées. Actuellement, près de 33 % des eaux françaises font l’objet d’au moins une aire marine protégée (AMP), mais la plupart de ces eaux autorisent malgré tout, toutes les pratiques de pêche. 

Si Emmanuel Macron exprime clairement sa volonté de mieux protéger les océans, les ONG et les représentants des îles rappellent encore que les paroles doivent devenir des actions concrètes. Ils insistent pour que les intérêts économiques cèdent face à la protection de l’environnement, notamment pour ralentir la pêche industrielle et préserver les fonds marins, avant que l’océan ne soit plongé dans une crise irréversible.

Mathilde Hangard

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