Conseil des prud’hommes, les présidents élus, « le bateau peut partir »

C'est une première à Mayotte, le conseil des Prud'hommes remplacera dès février le tribunal du travail. Les conseillers ont fini leur formation et élu leurs présidents ce jeudi, avec un certain équilibre entre employeurs et employés qui augure la poursuite du travail dans des conditions sereines.

Le  tirage au sort a plutôt bien fait les choses. Le hasard a attribué au collège des employeurs la charge d’élire Gaëlle Biguet présidente du conseil des prud’hommes (CPH) et à celui des employés la responsabilité d’élire dans ses rangs la vice-présidente en la personne d’Ambaria Madi. Dans la section interprofessionnelle, c’est une conseillère issue des salariés (Anfia Boinali) qui est élue présidente, et une employeur (Lydia Dorol) qui est vice-présidente. Enfin dans la section encadrement, chargée de juger les litiges impliquant un cadre d’entreprise, c’est Sitti Batou Saïd Ali, du collège des employeurs qui est élue présidente et Mounira Madi, salariée, qui est élue vice-présidente.

Les présidences et vice-présidences sont ainsi réparties de manière aussi équitable que possible. A savoir que le poste de président n’a guère d’influence sur les jugements rendus, il s’agit plus d’une fonction d’organisation. Et les voix sont égales d’un poste à l’autre.

C’est donc dans une ambiance bien cordiale que l’élection s’est déroulée ce jeudi matin, ponctuée même de quelques fous rires qui montrent la bonne entente entre ceux qui ont eu tout le loisir d’apprendre à se connaître au cours des quatre dernières années.

En effet la création du CPH est un long chemin qui a anticipé puis accompagné la mise en œuvre du code du travail de droit commun à Mayotte. Le tribunal du travail, qui siégeait jusqu’à aujourd’hui en présence d’un juge départiteur, magistrat professionnel, n’avait plus lieu d’être. Ce tribunal traitera ses derniers dossiers en février, avant d’être définitivement remplacé par le CPH.

Ambaria Madi, vice-présidente, salue une ambiance bon enfant entre les conseillers

« Le conseil des prudhommes existe partout en outre mer, c’est une pierre blanche pour dire que nous sommes ancrés, le bateau va pouvoir partir » salue la désormais vice-présidente, Ambaria Madi, salariée de la BFC OI. Elle insiste sur la volonté commune des deux collèges, employeurs et employés, de rendre une justice équitable et non partisane.

« Je me suis consacrée corps et âme depuis le début à ce travail de grande taille, j’y ai mis toute mon énergie, cette place de vice présidente sera menée à bien autant que celle de présidente, on fera tout pour mener un travail satisfaisant. On a reçu une formation pendant 4 ans, nous avons partagé beaucoup de choses mutuellement » souligne la conseillère prud’hommale. « Quand on commence quelque chose c’est un monde inconnu, il y a un stress, mais ça a été quatre années d’ambiance bonne enfant, les formateurs nous ont rassuré, l’ENM nous a fourni les outils pour que ça se passe bien. Nous sommes des éléments aguerris, mais nous sommes tous complémentaires, pour que les décisions qui seront prises soient sures et qu’on n’ait pas besoin d’appels ou de rejets qui remettent en cause notre décision ». Elle en est sure, les décision rendues dès le mois de février seront équitables.

« Nous sommes attendus sur un travail basé sur les dossiers, au cas par cas. Ce n’est pas possible de dire qu’on va plus défendre les employeurs ou les employés » poursuit celle qui était déjà assesseur du tribunal du travail en 2018.

Dans les faits, pour les usagers, cette nouvelle institution ne changera pas grand chose, mais en termes d’alignement sur le droit commun, la symbolique est forte, et tous, salariés, employeurs et juges professionnels, se retrouvaient autour de cet objectif consensuel et enfin accompli.

Gaelle Biguet est élue première présidente du conseil des prud’hommes de Mayotte

Le CPH de Mayotte gardera quand même quelques particularités, avec « le regroupement des autres sections, hors cadres, que l’on connaît en métropole telles que commerces, activités diverses, agriculture et industrie, puisque le contentieux n’est pas assez important à Mayotte pour préserver les 5 sections telles qu’on les connaît en métropole. »
En effet à Mayotte, la justice a à traiter en droit du travail environ 12 nouvelles affaires par mois, soit quelque 150 par an.

Le juge répartiteur va continuer à juger les « anciens stocks », c’est à dire les affaires enregistrées avant le 1er janvier 2022.  Les autres seront traitées à partir de février, après l’audience d’installation du CPH qui aura lieu le 14 février. Le conseil voguera alors pendant un an, avant une nouvelle élection dans un an, qui mettra le CPH de Mayotte en phase avec les élections nationales.

Y.D.

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