« La violence a été énorme » : le gang des voleurs de coffres devant la justice

Sept accusés sur douze sont présents devant la cour d'Assises de Mamoudzou. Ils doivent répondre d'une quinzaine de faits de vols avec arme et en réunion, des crimes passibles de 30 ans de réclusion. Au 3e jour, le procès s'est penché sur la hiérarchie de la bande, et l'agression d'un entrepreneur handicapé, renversé de son fauteuil et molesté lors de son cambriolage.

Courageusement, l’ancien policier s’avance à la barre de la salle d’audience. Malgré sa prothèse de jambe, qu’il n’avait pas lors de son agression, il refuse la chaise proposée par le président Philippe Ozoux et témoigne de la scène d’horreur qu’il a subie avec son fils alors âgé de 9 ans. Ce jour du 11 mars 2016, il allait en effet être victime d’une bande qui sévissait depuis plus d’un mois dans tout Mayotte. Agriculteur et vendeur d’oeufs, l’homme fournissait des restaurants de toute l’île. A 23h, il était occupé à rédiger des factures à son domicile et bureau d’Ironi Bé, quand la bande a ciblé son logement. « L’alarme s’est déclenchée, mon fils s’est levé et m’a rejoint dans mon bureau. J’ai vu aux caméras que sur la terrasse, des gens s’en prenaient à ma fenêtre au pied de biche ».

Les images de la vidéo surveillance montrent la scène sous un autre angle : vu de l’extérieur, on voit une demi douzaine d’individus cagoulés, armés de barres et de machettes, forcer l’entrée du logement et y pénétrer. A l’intérieur, l’entrepreneur, récemment amputé d’une jambe suite à un accident de moto, joue la montre pour protéger son fils. « J’ai essayé de les empêcher de rentrer. Sur une jambe, j’avais placé mon fauteuil roulant contre la fenêtre qu’ils avaient explosée. L’un d’eux a passé la main avec une machette, j’ai reculé, reposé le fauteuil au sol et me suis rassis dessus. »
Le premier individu entre alors. « J’avais mon gamin derrière, j’ai crié à mon fils d’aller se cacher ». Pendant ce temps, l’homme tient le bras du premier assaillant. « Un autre excité m’a porté un coup de pied de biche, ils ont basculé le fauteuil et j’ai senti deux gros coups de pied ».

Le président Ozoux s’entretient avec Me Hesler, avocat de la partie civile

Quelques instants plus tard, la vidéo montre la bande quitter la maison avec un coffre fort, qui s’avérera vide, une caisse contenant 2400€ et un ordinateur portable. « On a passé une sale période » témoigne la victime. Son témoignage pointe aussi un élément clé du procès fleuve qui doit durer jusqu’à mardi prochain : une hiérarchie, permettant de qualifier la circonstance aggravante de bande organisée. Pour l’entrepreneur, il y avait « un chef », torse nu, que l’on voit sur la vidéo. Selon la victime, pour qui « la violence a été énorme », cet homme donnait des ordres aux autres, et était un des premiers à entrer.

Ce chef, ce serait un certain « Oasis », en fuite aux Comores depuis l’ouverture de l’enquête, et qui y coulerait des jours heureux avec l’essentiel des quelque 235 000€ volés en moins de 6 mois.

Car l’agression du vendeur d’œufs s’inscrivait dans toute une démarche de vols violents, ciblant principalement des coffres forts. Et selon le directeur d’enquête de l’époque, auditionné en visio-conférence ce mercredi matin, Oasis est bien identifié comme un des leaders du groupe, aux côtés d’autres « cadres ».

Pour l’ancien enquêteur de la section de recherche de Pamandzi, la « bande organisée » s’était « aguerrie avec le temps ». Un noyau dur d’une demi douzaine de malfrats, qui se gardaient le gros des butins, faisait appel à des complices éphémères dans les quartiers cambriolés pour faire le guet notamment. Longue comme le bras, la liste de faits reprochés à la bande compte pas moins de 15 cambriolages suivant le même mode opératoire, que ce soit à Bandraboua, Iloni, Mzouazia, Bandrélé ou encore Kawéni, le groupe, mobile, ne rechignait pas à faire de la route pour dérober, de nuit et avec des armes, des coffres forts, dans des magasins et entreprises diverses. Et quand ces derniers étaient trop bien fixés, ils repartaient par défaut avec des cigarettes et de l’alcool. Mais « à chaque fois, le coffre était la cible numéro 1 » assure l’ancien directeur d’enquête.

Le dossier fait plusieurs centaines de pages

Alors que le procès n’en est encore qu’à l’instruction des faits reprochés, de premiers éléments de défense ont commencé à germer. Pour limiter la responsabilité de certains protagonistes identifiés comme « cadres », un temps désignés par leurs complices et curieusement innocentés par ces derniers devant la Cour. Ou en affirmant pour un autre avoir simplement voulu nourrir sa famille en volant de la nourriture, dans un contexte de décasages par la population. Autant de déclarations contredites par les auditions des uns et des autres que le président a soulignées sans se laisser perturber par l’apparente complexité d’un dossier hors normes par le nombre d’accusés, de victimes, et par la durée de l’audience de 10 jours, mais qui au fil des heures passées à en décortiquer les arcanes, dresse surtout le procès d’une bande piégée par son propre sentiment de toute-puissance, et de l’ADN laissé un peu partout. Le plus grosse tâche des magistrats et des jurés sera sans doute de s’accorder sur les responsabilités de chacun quand il faudra, mardi prochain, établir une autre hiérarchie, celle des peines à prononcer pour les éventuels condamnés.

Y.D.

Partagez l'article :

Subscribe

spot_imgspot_img

Les plus lus

More like this
Related

À Kawéni, une journée pour projeter le village dans son avenir urbain et social

Le 26 juin, élus, habitants et partenaires institutionnels se sont réunis à Kawéni pour présenter les projets du Nouveau Programme de Renouvellement Urbain (NPRU) et poser symboliquement la première pierre du futur stade municipal.

Avec l’ESAT, Mayotte franchit un cap historique pour l’insertion des personnes en situation de handicap

La CCSUD, la Ville de Mamoudzou, le SIDEVAM et Edeis Aéroport Mayotte, ont, ce jeudi 26 juin, signé des conventions de partenariat avec le tout nouvel Établissement et Service d’Accompagnement par le Travail (ESAT Tarehi) géré par l'APAJH, afin que la structure puisse démarrer sa mission d’insertion à l’emploi des personnes en situation de handicap. Un “moment historique” qui va permettre d’offrir un cadre professionnel, adapté et sécurisé à 50 personnes à travers le territoire.

Environnement : L’association Messo encourage les pratiques écologiques plus responsables

Dans le cadre de son engagement pour un développement plus durable à Mayotte, l’association Messo a procédé à l’installation de bacs de compostage en bambou au Pôle d’Excellence Rural (PER) de Coconi ce jeudi matin.

L’école maternelle Koungou-Mairie célèbre la fin de l’année scolaire

L’école maternelle Koungou-Mairie a célébré, ce jeudi 26 juin, sa traditionnelle fête de fin d’année en danses et en spectacles. Un moment convivial très attendu par les familles et les élèves qui sont venus en nombre tout au long de la journée.