On jouait à guichets fermés à la Chambre de Commerce et d’Industrie (CCI) de Mamoudzou vendredi matin. Il faut dire que si le sujet de l’octroi de mer ne semble pas sexy à première vue au commun des mortels, beaucoup d’entrepreneurs sont désormais concernés et voyaient d’un grand intérêt les explications fournies par les services des Douanes.
Au lieu de dédier au sujet la grande salle de réunion, les organisateurs que sont le conseil départemental, la direction des Douanes de Mayotte et la CCI, avaient réservé la plus petite, provoquant un embouteillage à l’entrée, avec plus de soixante prétendants, et une écoute aussi difficile qu’aléatoire avec des locuteurs s’exprimant sans micro.
Il s’agissait d’informer sur la réforme de l’octroi de mer, et sa simplification. C’est Claude Cebedio, Directeur adjoint des Douanes, en charge des secteurs économique, qui menait la conférence, en présence d’Enfanne Haffidhou, Responsable des services financiers du conseil départemental, et face à un auditoire fait de chefs d’entreprises en attente de précisions.
Car la taxe de l’octroi de mer touche davantage de producteur locaux avec l’abaissement du minima du chiffre d’affaire de 550.000 à 300.000 euros.
Récupérer l’octroi de mer versé
Le 1er juillet 2015, la réforme de la réglementation fiscale de l’octroi de mer est entrée en vigueur. Elle reconduit jusqu’au 31 décembre 2020 le système de différentiels de taxation entre les productions locales (octroi de mer interne) et les importations (octroi de mer externe), dans les cinq départements d’outre-mer afin de compenser leurs handicaps structurels.
Il s’agit des entreprises locales qui produisent et vendent dans les DOM, lorsque leur chiffre d’affaires (CA) de production dépasse 300.000 euros. Ne sont pas considérés comme production le conditionnement, la manutention, la production de biens immeubles et la prestation de services, qui ne sont donc pas soumis à l’octroi de mer.
Mais en contrepartie, elles peuvent déduire l’octroi de mer payé sur les biens importés s’ils entrent dans leur production, « soit en l’imputant directement, soit en le déduisant par la suite. »
Les assujettis à l’octroi de mer interne doivent s’identifier auprès de la douane. Ils peuvent en effet bénéficier de tarifs de taxation préférentiels pour protection de la production interne, demandés par le conseil départemental et octroyés par Bruxelles. Elles sont rendues publiques sur le site du conseil départemental
Ils devront envoyer chaque trimestre une déclaration de leurs ventes à la Douane, une obligation nouvelle, « nous ne sommes pas habitués à suivre mois par mois notre chiffre d’affaire », nous indiquait l’un d’entre eux. Surtout qu’il revient à chaque producteur d’identifier sa nomenclature douanière, accessible sur Pro.douane.gouv.fr
« Je cherche toujours où est la simplification, mais je ne la vois pas ! », un chef d’entreprise sarcastique, s’avouait noyé. Une fiscalité qui fonctionne en fait comme la TVA, que les entreprises peuvent déduire lorsqu’elles ne sont pas exonérées, mais un mécanisme qui n’est pas maitrisé sur un territoire de TVA à 0%. Les questions étaient donc nombreuses, autant que les entretiens particuliers donnés par les services des Douanes actuellement.
Et les services du Conseil départemental envisagent de mettre en place des réunions de concertation avec les opérateurs des différents secteurs afin de pouvoir aborder spécifiquement chaque problème soulevé et ainsi, prendre en compte des mesures d’ajustement envisageables et adaptées.
L’harmonisation des taux, passés de 24 à 8, n’a pas apaisé pour autant la situation, et la grogne monte dans les secteurs touchés par les augmentations de taux, comme dans le BTP qui passe de 0% de taxe à 40 ou 50% sur l’importation de matières premières. « C’est normal d’être taxé, par avec une telle pression et si soudaine », nous indiquait l’un d’entre eux, à la tête d’une grosse entreprise de BTP.
Le conseil départemental assume cette hausse des taux, pour avoir essayé de préserver ses ressources tant que la situation des finances locales n’est pas éclaircie par Bercy. Seul un montant de Dotation Globale de fonctionnement à la hauteur de ce que peut prétendre Mayotte permettrait au département d’être rassuré sur ses ressources, et aux entreprises d’espérer une taxation allégée.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte