Tous les mercredis, le JDM assiste à l’audience correctionnelle au tribunal de Mamoudzou.
CARNETS DE JUSTICE. C’était la fête sur la plage de Bambo-Est. La soirée du réveillon de la nouvelle année 2013 s’annonçait joyeuse et arrosée et elle tenait toutes ses promesses. Ce soir là, Baharoine a bu. Beaucoup. Avec un ami, il a descendu un litre de rhum et 24 canettes de bière. «Et pour faire bonne figure, il a fumé un peu de bangué », ajoute le Président Rieux à l’exposé des faits. « Il a reconnu qu’il n’était pas dans un état tout à fait clair». On le serait à moins.
La soirée avançant, les hommes engagent un tournoi de dominos. Les parties s’enchaînent et auraient encore dû rythmer la nuit la plus longue de l’année mais un incident se produit : quelqu’un fait tomber une canette de bière. La canette de bière de Baharoine. A moins que ça ne soit un domino. Dans l’ambiance alcoolisée, pas facile de s’en souvenir. Mais l’incident est suffisamment grave pour déclencher une altercation qui vire à la bagarre.
Pronostic vital engagé
Baharoine a un couteau en main. Il ne sait plus pourquoi. Ni d’où il sort. On ne sait pas non ce qu’il est devenu. Mais le couteau est bien là. Pas une grosse lame de cuisine. Un simple canif qui se déplie. La violence de la bagarre est telle que le coup porté avec l’opinel est terrible. Baharoine blesse grièvement celui qui a mis fin à la partie. L’homme est hospitalisé : artère, péritoine, rein sont atteints. Son pronostic vital est même un temps engagé. Il finira par se rétablir avec une ITT (interruption de travail temporaire) de 30 jours.
Baharoine s’est enfui. Il a disparu pendant 15 jours avant d’être interpellé et emmené en détention préventive à Majicavo. D’abord poursuivi pour tentative de meurtre, les faits sont déqualifiées en violence volontaire, ce qui lui vaut d’être face au tribunal ce mercredi, encadré par les gendarmes qui l’ont amené de la maison d’arrêt.
Le président essaie de comprendre par l’intermédiaire du traducteur :
– Il est violent ce garçon d’habitude ?
– Non.
-Est-ce qu’il boit de façon régulière ?
-Pas tous les jours, juste les jours exceptionnels.
– Pour ingurgiter un litre de rhum Charrette et mélanger ça avec 24 canettes de bière, il faut tout de même être habitué. Quand il boit, il boit beaucoup ?
– Oui.
– Il fume beaucoup de bangué aussi?
– Oui.
«Certes, Monsieur n’était pas connu de la justice, note la procureure. Certes, ce n’est pas une violence entre bandes comme on en voit ici. Mais c’est un acte de violence contre quelqu’un qui s’enfuit. Il l’a frappé dans le dos.»
L’avocat de Baharoine justifie dans sa plaidoirie «l’envie de fêter la nouvelle année que l’on espère plus clémente que la précédente et dont on sait qu’elle décevra. On espère enfin avoir des papiers. Quand tant d’éléments sont sujets d’énervement au quotidien et qu’on a un peu bu, la fatigue aidant, on peut avoir une réaction démesurée au sens de la logique. Mais elle est démesurée aussi au regard de sa personnalité.»
Baharoine restera en prison encore quelques semaines. Incarcéré depuis le 15 janvier, il écope d’un an d’emprisonnement. La victime n’étant pas présente, l’affaire est renvoyée au civil pour établir un montant de dommages et intérêts mais aussi une expertise médicale pour connaître l’état de santé exact de la victime un an après les faits.
Pour Baharoine, le prochain réveillon se passera à Majicavo sans savoir si 2014 sera meilleure que 2013.
RR