On se souvient tous de ces images diffusées au journal télévisé de Mayotte la 1ère montrant des containers tombant dans la mangrove à Bandraboua, poussés par un engin de chantier. Ce 30 janvier 2024 marquait le début de la mobilisation sociale contre l’immigration clandestine et l’insécurité, les premiers blocages avaient été installés. En réponse, le préfet Thierry Suquet donnait l’ordre de les faire enlever pour rétablir la circulation. Ce fut un « one shot », puisqu’il n’interviendra plus sur les blocages par la suite, devant la levée de bouclier que cela avait provoqué.
Quant aux containers flottants, ils sont toujours à moitié immergés, incitant la Fédération d’association Mayotte Nature Environnement (MNE) à réagir ce vendredi par un communiqué envoyé aux médias : « Notre association a été informée par diverses personnes du rejet de plusieurs conteneurs de transport maritime, des bacs de tri des déchets, ainsi que d’autres déchets, dans les eaux littorales de Mayotte. Ces actes irresponsables ont été perpétrés par une personne utilisant un véhicule de chantier, pouvant impacter notre beau lagon », accuse son président, annonçant déposer plainte contre X.
Persécuté pour avoir obéi aux ordres
Ces containers, ce sont les engins de la DEALM qui les ont dégagés. Et oui, ironie de la situation, il y a bien « Environnement » et « Mer » dans l’acronyme. Nous nous sommes donc interrogés sur les raisons d’une telle action. Erreur de manipulation de l’engin ? Acte délibéré ? Le directeur de la Direction de l’Environnement, de l’Aménagement, du Logement et de la Mer, Jérôme Josserand, que nous avons contacté, revient sur le contexte.
« Ce 30 janvier 2024, nos tractopelles remontent en convoi escorté par la gendarmerie depuis l’unité de production d’eau par les Formisc à Coconi. Pendant ce temps, décision est prise par la préfecture de dégager les barrages obstruant la chaussée. Les gendarmes nous en donnent l’ordre, nous exécutons. Un de nos engins va donc déplacer le container rempli de bouteilles vides sur le côté de la route ». Y a-t-il manœuvre malheureuse ou bascule du container du remblai vers la mangrove ? En tout cas, l’action se déroule dans un contexte de tension maximale, « notre premier convoi avait été attaqué à Barakani, dans une violence inouïe puisque la tractopelle est détruite, quant à Bandraboua le chauffeur de la tractopelle est injurié, filmé avec diffusion sur les réseaux sociaux. Alors qu’il n’a fait qu’obéir aux ordres, il est vu comme faisant obstacle à la mobilisation. » Ensuite, c’est la haine qui prend le dessus sur les réseaux sociaux, avec la crainte de sortir de chez lui pour cet agent de la DEAL qui aurait même eu des pensées suicidaires, selon son employeur. « Nos agents mahorais ont été persécutés uniquement parce qu’ils ont reçu l’ordre de retirer les barrages. »
Depuis, les containers n’ont pas bougé, « nous n’avons pu les sortir, avec les blocages, il était impossible d’y acheminer un engin de chantier », sous peine d’être de nouveau pointé du doigt. « Nous allons les sortir dans la semaine, charge au propriétaire de venir récupérer ses containers. »
Soit dit en passant, une action concertée sur l’ensemble du littoral pour retirer encombrants, batteries, et déchets en tout genre comme à Koropa, serait la bienvenue.
Si le directeur de la DEAL estime que les dégâts sont « vraisemblablement minimes sur la mangrove étant donné le chargement du container », il indique que seul un déplacement sur site permettra de le savoir. Par contre, les dégâts sur l’agent, eux, sont bien réels.
A.P-L.