A la suite de l’annonce de Gérald Darmanin ce dimanche de la suppression du droit du sol à Mayotte, on tendait une oreille vers l’Ouest de l’océan Indien, mais rien ne venait. C’est un communiqué des Affaires étrangères de l’Union des Comores, et non signé du président Azali, qui tombait ce mardi 13 février.
On peut même parler d’un bref communiqué au regard des enjeux. « Les Comores ne cesseront jamais de revendiquer Mayotte », indique le ministre en se basant toujours sur la position de l’ONU. Rappelons que tout membre des Nations Unis qui accuse un fort retard dans le paiement de sa contribution ne peut participer au vote, ce qui était le cas au 11 janvier 2024 de 8 Etats, dont les Comores. Le ministre complète en jugeant l’intention de la suppression du droit du sol à Mayotte comme « une décision qui remet en cause l’histoire de la France et des principes qui fondent la République », et qui se fait caustique en voyant dans. Cette mesure dérogatoire au regard de la Constitution française, « enfin le début d’une remise en cause de la soi-disant appartenance de l’île Mayotte à la France ». Un communiqué qui se veut davantage être un commentaire qu’une attaque.
Du côté des Forces vives, passés l’euphorie, on préfèrerait décorréler la suppression des titres de séjour territorialisés de celle du droit du sol. Il s’agit de ne pas condamner la première en cas d’inconstitutionnalité de la seconde.
Une « indivisibilité » actuellement absente
Laurent Fabius, président du Conseil constitutionnel, s’est exprimé à ce sujet en indiquant que le débat allait porter sur la notion d’indivisibilité de la République. « Parce que, on dit que la situation de Mayotte est spécifique, il faut un texte spécifique. Mais, en même temps, la République est une et indivisible », met-il en perspective dans les colonnes du Monde. Un débat qui prend une telle ampleur nationale que la population peut en être effrayée.
A relativiser toutefois. Tout d’abord en rappelant qu’une brèche a déjà été enfoncée dans cette « indivisibilité » en 2018 avec les amendements de Thani Mohamed Soilihi à la loi Collomb. Ensuite, sur les droits sociaux, la divisibilité est bien réelle, on peut même parler de division par 2, ne serait-ce que sur le niveau des retraites. Et sur l’AME qui n’existe pas, etc.
Enfin, et c’est Laurent Fabius lui-même qui le signale, le Conseil constitutionnel n’est pas consulté lors d’une révision de la Constitution.
Déterritorialiser pour davantage d’oxygène
On ne s’en souvient plus, mais déjà en 2017, Emmanuel Macron ne s’interdisait pas de toucher au droit du sol à Mayotte. Comme nous l’avons expliqué, tout dépend du processus que retiendra le président pour lancer cette suppression du droit du sol, parlementaire ou référendaire. La première semble plus compliquée, avec des alliances au conditionnel, le RN voulant appliquer la mesure à l’ensemble du pays, les sondages favorables rendent la seconde plus sexy.
Sur la préférence des Forces vives de voir en tête de gondole la suppression des titres de séjour territorialisés, la mesure est entérinée par Gérald Darmanin dans le courrier reçu ce mercredi 14 février, jour de toutes les déclarations d’amour. Il suffit de poursuivre l’échange dans ce sens sans nécessité de bloquer l’île. L’argument opposable du côté de l’Hexagone sera la crainte d’un flux migratoire massif. Les Forces vives ont les réponses toutes trouvées : si à l’échelle de Mayotte, ces potentiels « partants » pour Mayotte représente un bol d’oxygène sur les services publics, c’est une goutte d’eau pour un territoire de 640.000 km2, sans compter que beaucoup de résidents ne voudront par partir, préférant rester dans une région qu’ils connaissent bien. De plus, personne ne se pose la question pour les détenteurs de titres de séjour Guyanais.
Reste à empêcher l’appel d’air provoqué par une telle mesure. Le ministre avance la suppression du droit du sol, on peut aussi conditionner les départs à la délivrance des titres de séjour délivrés en 2024, et en limiter l’octroi automatique par la préfecture.
Et encore une fois, ne pas lâcher sur ce qui conditionne l’attractivité de l’île et fait qu’on y « survit » actuellement plus qu’on y vit, pour reprendre les mot de la présidente du Medef, l’insécurité.
Anne Perzo-Lafond