La lutte contre l’immigration clandestine était la grande vedette de la double visite ministérielle, ciblée par quatre mesures phare, suppression du droit du sol, suppression des titres de séjour à validité territoriale limitée (VTL), durcissement du regroupement familial et rideau de fer sur le lagon. Parfaitement en adéquation avec le mot d’ordre du mouvement populaire qui débutait au stade de Cavani. Pourtant, si le camp de demandeur d’asile pouvait traduire une inquiétude légitime de la population sur de nouvelles filières d’immigration depuis l’Afrique des Grands Lacs orchestrée vraisemblablement par des réseaux organisés, avec transbordement des passagers en mer à bord de kwassa, ils ne sont pas au centre de ce qui pourrit la vie des habitants : l’insécurité.
Les caillassages et coups de barre de fer qui continuent à provoquer de graves blessures sur les automobilistes, des traumatismes chez les élèves qui se rendent en cours en bus, des vagues de démission en cascade à l’hôpital et dans l’éducation nationale, pour ne citer qu’eux.
La première réponse a été apportée par un nouvel envoi de forces de l’ordre, 15 membres du GIGN (Groupe d’Intervention de la Gendarmerie Nationale), « pour des interventions ciblées », soulignait Gérald Darmanin, qui rappelait à plusieurs reprises avoir doublé les effectifs en 3 ans. Apparemment, il faut plus, l’obligation de résultat n’étant pas au rendez-vous. Ce « plus » peut se traduire par un changement de méthode comme le glissait le directeur général de la gendarmerie nationale, Christian Rodriguez qui expliquait dans nos colonnes être venu en pré-visite à Mayotte pour « voir comment nous pourrions être plus efficients. »
Des gendarmes « tout en retenue »
En plus des 800 gendarmes sur le territoire, un peloton d’intervention de la Garde Républicaine composé de 20 gendarmes. On la connait pour ses tenues d’apparat de militaires gardant les palais nationaux, mais moins pour les unités d’intervention, dont l’une est dédiée aux détachements ultramarins.
Avec le, GIGN ils vont permettre une nouvelle organisation étant donné le mode d’action spécifique contre une délinquance très juvénile à Mayotte. Difficile de tirer dans le tas, aussi violentes soient les agressions, mentionnait Christian Rodriguez en réponse à un journaliste qui l’interrogeait sur une certaine « retenue » chez les gendarmes : « Quand les jeunes s’affrontent et que des habitants sont à proximité souvent avec de jeunes enfants, on ne peut pas tirer. Un des hommes en métropole a pris 7 ans de prison pour ça. Mais nous voulons aussi limiter l’envoi de lacrymogène qui gêne aussi la population. Avec cette nouvelle organisation, quand les jeunes vont s’éparpiller pour fuir dans les bangas, il faudra désormais être positionnés sur leur route pour les interpeller. Quand nous avons les renseignements sur leurs actions, il faut que nous soyons là avant. » Ce qui implique la coopération de tous, notamment des polices municipales, davantage au fait de ce qui se passe dans les villages.
Du côté police nationale sur la zone du Grand Mamoudzou, Céline Berthon, Directrice générale adjointe de la police nationale, rapportait les actions menées : « Nous sommes sur la sécurisation des établissements scolaires et la lutte contre la délinquance avec interpellations, soit en flagrant délit, soit après enquête. Nous avons plusieurs supports comme le drone, la vidéoprotection et d’autre techniques. Il faut ensuite parvenir à judiciariser les faits », indiquait-elle, comme une réponse au procureur de la République. Deux explications à cette remarque : la jeunesse des interpellés ne permet pas toujours de prononcer une peine importante au regard de la loi, et les interpellations ne portent pas toujours sur les « cerveaux » des agressions.
Wuambushu 2 dans un mois
De plus, il manque des structures adéquates, et Gérald Darmanin a pointé à plusieurs reprise la responsabilité des élus locaux : « Nous avons le financement pour un Centre Éducatif Fermé, pour un deuxième Centre de rétention et une deuxième prison, mais le foncier qui appartient au conseil départemental n’est pas libéré. » D’a utre part, des financements ont été mis sur la table pour de la vidéoprotection, « mais les maires ont mis deux ans à la consommer », indiquait-il à nos confrères de Mayotte la 1ère. Seulement deux maires auraient développé le dispositif, ceux de Mamoudzou et Koungou. Cela interroge en effet.
Comme un blockbuster, ces films à gros budget sortis à grands coups de campagne publicitaire, Wuambushu 2 se profile à l’horizon, « 60 chefs de bande avaient été incarcérés et la délinquance avait baissé ». Justement en raison d’une présence policière forte, mais qu’il faut pérenniser, sous peine de voir le département retomber dans la délinquance.
On ne le répètera jamais assez, la recette est la montée en puissance de l’action sociale dans toutes les mairies, pour ensuite retirer les forces de l’ordre quand l’insertion de ces jeunes sera maitrisée.
L’escadron Guépard, pendant de la CRS 8, de 70 gendarmes devrait arriver dans 15 jours et pour 4 mois indiquait Christian Rodriguez, pile-poil pour le début de Wuambushu 2. C’est la ministre déléguée aux Outre-mer qui en assurera la déclinaison : « Je reviens à Mayotte dans un mois quand la paix publique sera rétablie pour le lancement de l’opération », indiquait Marie Guévenoux.
On peut regretter que la lutte contre l’insécurité n’ait pas été priorisée lors de cette visite, mais au moins n’est-elle pas oubliée, et mériterait une stratégie commune avec les plus dynamiques des acteurs locaux.
Anne Perzo-Lafond