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jeudi 2 mai 2024
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Une soirée un peu trop arrosée qui se termine en cauchemar

Un homme de 29 ans comparaissait hier devant le tribunal correctionnel de Mamoudzou pour agression sexuelle avec violence pour des faits commis au début du mois de décembre 2019. Il a échappé de peu à la cour d’assises. Des faits trop souvent présents

Tout commence lors d’une soirée en boîte de nuit, la victime croise le petit ami d’une de ses collègues. Les deux personnes sympathisent, boivent et dansent ensemble jusqu’au bout de la nuit. Puis c’est au moment de rentrer à son domicile que l’homme propose à la jeune fille de la raccompagner, non pas chez elle car trop d’insécurité à une heure aussi tardive, mais chez lui ou plutôt chez un copain. La jeune femme accepte sans trop se méfier sachant qu’elle connaissait un peu l’individu. Arrivée sur les lieux, la jeune femme fatiguée et sans doute bien alcoolisée s’endort sur le lit.

Ce n’est que deux ou trois jours après, alors qu’elle se rend au CHM pour faire des analyses, que le médecin qui l’examine constate plusieurs hématomes sur ses cuisses, ses bras et qu’elle semble choquée et bouleversée, se mettant à pleurer sans raison apparente. Elle se met alors à dénoncer des faits de viol à son encontre. Le médecin prévient aussitôt la police qui se rend à l’hôpital pour prendre sa plainte. Elle aurait subi deux pénétrations forcées sans protection. « Elle était d’accord pour avoir un rapport sexuel, raconte l’accusé. On voulait garder ça entre nous car elle connaissait ma copine. Comment expliquez-vous les hématomes sur les cuisses et les bras ? Interroge le président du tribunal, Bruno Fisselier. Je ne sais pas comment c’est arrivé. J’étais doux avec elle », répond l’accusé.

la salle d’audience B du tribunal judiciaire

A entendre son récit, on a l’impression que la jeune fille l’aurait aguiché toute la soirée. « Elle m’a proposé d’aller danser. Puis à un moment on s’est même embrassés, déclare-t-il. On est allés dehors et je lui ai demandé si elle voulait m’accompagner chez moi et elle a dit oui ! – Une fois chez vous la relation sexuelle que vous avez eue était-elle consentie ?, Poursuit le président du tribunal –  Pour moi oui. Puis à un moment j’ai senti qu’elle était ailleurs, pas en état, du coup j’ai arrêté. Je n’ai pas vu qu’elle n’avait pas envie. Elle a menacé d’appeler la police. Je me suis mis à pleurer, j’avais peur », explique l’accusé.

Souvent les victimes n’ont pas la force de déposer plainte

Arrivée depuis seulement deux mois dans l’île, cette jeune fille totalement choquée n’avait qu’une seule envie c’était de retourner en métropole et fuir ce qui venait de lui arriver. Dans sa déposition, une de ses colocataires avait déclaré qu’elle n’avait pas voulu signer le bail et voulait rentrer tout de suite. Qu’elle a eu un changement brutal de comportement, elle se mettait à pleurer et était devenue l’ombre d’elle-même. Les analyses et les conclusions des experts psychiatriques et psychologiques confirment qu’elle aurait subi un traumatisme, atteinte d’hyper vigilance et une réactivité physique à l’angoisse.

Face aux propos de l’accusé, qui maintient que c’était une relation consentie « Elle n’a pas dit non ! » insiste-t-il, un des assesseurs demande « C’est quoi son intérêt de vous accuser ? – Je ne comprends pas pourquoi ça m’est arrivé c’est la première fois », se justifie-t-il. Lui aussi a également été examiné par des experts concernant sa personnalité et le moins que l’on puisse dire c’est que les conclusions sont « catastrophiques » selon le procureur de la République, Yann Le Bris. Il en ressort ainsi une incapacité à faire son introspection, une immaturité. Il nie l’agression sexuelle, n’éprouve ni regrets, ni remords.

Le procureur de la République, Yann Le Bris

Yann Le Bris prend alors la parole pour son réquisitoire. « La véritable question est de savoir si oui ou non il y a eu consentement pour un rapport sexuel. Le constat montre que non et que c’est une relation contrainte. Cette affaire aurait pu aller devant une cour d’assises… Deux personnes alcoolisées ont une relation amicale mais cela n’implique pas une relation sexuelle. La présence d’hématomes sur les cuisses est caractéristique d’une agression. L’émotion, le choc l’ont empêché de déposer plainte. Les déclarations de ses colocataires vont dans ce sens. De plus les constats à la fois médicaux et psychologiques ainsi que les déclarations à la police plaident en sa faveur. Elle ne voulait pas de relation sexuelle, mais elle a été incapable de se faire entendre. Quant à l’accusé, il a un discours fluctuant. Il a reconnu en garde à vue tout d’abord un viol, puis s’est rétracté et est devenu plus évasif. Cela montre son incohérence. Par ailleurs, son attitude à l’audience et son absence de regrets ne vont pas en sa faveur », complète le procureur. Le ministère public a ainsi requis cinq ans de prison.

Élodie Gibello-Autran, avocate de la défense, prend alors à son tour la parole pour sa plaidoirie. « Dans cette affaire, je pense que les deux disent la vérité. Mon client n’a pas le sentiment de l’avoir agressée. Il pensait qu’elle était d’accord pour avoir une relation sexuelle. D’ailleurs ils se sont embrassés, ont dansé collé-serré et elle a même décidé de repartir avec lui. Ils n’avaient pas la même grille de lecture. Je pense qu’elle a été dépassée par les événements. Elle était là parce qu’elle avait choisi d’être là. Elle s’est mise en danger car elle le connaissait à peine et ne lui a pas dit clairement non. Quant à l’accusé, il a été dans l’incapacité de comprendre qu’elle ne voulait pas de relation sexuelle. Il n’a pas réussi à entendre l’autre. La grille de lecture était faussée ». Puis maître Gibello-Autran poursuit. « Cinq ans de prison c’est énorme par rapport à la teneur du dossier. Vous ne pouvez pas ne pas tenir compte du contexte et de la personnalité de mon client. Je pense qu’une justice loyale est une justice équilibrée qui fait avancer les choses. Il a déjà fait presque deux ans de prison », conclue-t-elle.

Après avoir délibéré, le tribunal a reconnu coupable l’accusé des faits qui lui étaient reprochés et l’a condamné à cinq ans de prison avec mandat de dépôt, l’interdiction du territoire français durant cinq ans (une fois sa peine purgée) et à indemniser la victime à hauteur de 10.000 euros.

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Plusieurs enquêtes montrent que les violences sexuelles sont en constante augmentation dans l’île

Selon l’Insee-ONDRP-SSMSI, enquêtes Cadre de vie et sécurité Mayotte 2020 et France métropolitaine 2019, « 6 % des adultes déclarent avoir été victimes de violences physiques commises au sein du ménage et/ou de violences sexuelles dans ou hors ménage en 2018 ou 2019. C’est deux fois plus que dans l’Hexagone. Les deux tiers des victimes sont des femmes ».

En outre, 4% des personnes ne vivant pas seules au sein d’un ménage seraient par ailleurs violentés physiquement ou sexuellement. Aussi, « En dehors du ménage, 4 % des adultes déclarent avoir subi des violences sexuelles en 2018 ou 2019 ».

Sources : Insee-ONDRP-SSMSI, enquêtes Cadre de vie et sécurité Mayotte 2020 et France métropolitaine 2019.

Autre constat, « 9 % des adultes de 18 à 75 ans déclarent qu’on a cherché à les embrasser ou les caresser contre leur volonté, ou avoir subi d’autres gestes déplacés », toujours d’après ces enquêtes.

L’Insee précise également que « certaines personnes refusent de répondre. Ces refus étant beaucoup plus fréquents à Mayotte que dans l’Hexagone. Une part de ces refus renvoie à la situation de personnes subissant des violences physiques ou sexuelles au sein du ménage mais qui préfèrent ne pas répondre à ce sujet sensible ».

De plus, le site ville-data.com indique que les viols, agressions et harcèlements sexuels seraient en augmentation de 73% dans le département de Mayotte pour l’année 2021. « Le nombre total de viols, agressions ou harcèlements sexuels était de 391 l’an dernier contre 226 en 2020, 320 en 2019, 248 en 2018, 232 victimes en 2017 ».

Enfin, selon le service statistique ministériel de la sécurité intérieure (interstats), le nombre de violences sexuelles enregistrées est en forte hausse en 2021 sur l’ensemble du territoire avec 33% d’augmentation. Elle est plus marquée en Guadeloupe (+58 %), à Mayotte (+54 %) et en Martinique (+49 %).

B.J.

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