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Des assises de la jeunesse: « Pour élaborer les politiques de demain, il faut discuter avec le jeune d’aujourd’hui »

A Mayotte où l’âge moyen de la population est de 23 ans, contre 41 ans en métropole, des outils adaptés doivent être mis en place en tenant compte de la population cible. Pour Issihaka Abdillah, ancien conseiller départemental et chroniqueur habituel de ces colonnes, on réfléchit sur des politiques portées sur la jeunesse sans les principaux concernés.

JDM : Vous aviez déjà encouragé la tenue d’Assises de la Jeunesse en mars 2020, lors de la présentation des Brigades de vigilance citoyenne par le préfet Colombet.

Issihaka Abdillah : Oui, car contre la délinquance, on a tenté beaucoup de dispositifs, comme celui dont vous venez de parler. On peut aussi citer l’accroissement des forces de l’ordre, la prévention par les associations, le rappel à la loi du procureur. Il faut faire un bilan. Voir ce qui marche et ce qu’il faut abandonner. S’il existe des points positifs, ils sont dilués dans le volume de jeunes sur ce territoire. Les gens commencent à toucher du doigt le problème : avec 60% d’une population de moins de 25 ans, il faut parler avec les jeunes. Il y a davantage de jeunes que d’adultes à Mayotte, ce qui veut dire qu’il faut adapter les moyens à cette pyramide des âges.

JDM : Beaucoup vont crier « encore des Assises ! » Où cela va-t-il nous mener ? 

Issihaka Abdillah : Jusqu’à présent nous réfléchissons aux mesures entre adultes, il faut associer les jeunes et les écouter. On ne les connaît pas. Les décideurs n’ont pas grandi comme eux au milieu des réseaux sociaux, un téléphone perpétuellement dans la main. Ils peuvent nous aider dans le combat contre les violences. Et il faut drainer tous les jeunes, sans distinction de nationalité, d’âge, ou autre, car de toute façon, ils sont sur le territoire.
On peut s’interroger sur le modèle à venir : la France est-elle prête à accueillir un futur adulte qui aura passé sa vie en prison ou dans la délinquance ? Donc stigmatiser les jeunes ne sert à rien, ils sont le monde de demain. Et l’échange doit permettre de leur faire accepter notre cadre de développement. Donc pour fixer les politiques de demain, il faut discuter avec le jeune d’aujourd’hui.
D’autre part, on peut se demander si le monde qui nous entoure, le jeune se l’est approprié. On peut plutôt penser qu’il le subit, comme les levers à 4h du matin pour aller en cours. D’autre part, le lycéen sans papier, celui qui mène ses études jusqu’au Bac, sait-on comment il vit ?

Mission locale
Mettre en place des stratégies pour éviter l’impasse

JDM : Justement, son avenir s’assombrit lorsque s’approche la fin de sa scolarité. On lui vend un mirage. Il n’y a guère de solution…

Issihaka Abdillah : Mais il y a des pistes à étudier. D’un côté, on a un hôpital neuf et vide de praticiens à Anjouan, d’un autre des jeunes diplômés à Mayotte qui devraient pouvoir se former pour partir travailler là bas. Par exemple, un bachelier comorien sans papier doit pouvoir bénéficier d’une formation spécialisée, pourquoi pas à l’Institut de Formation en Soins Infirmiers, qui pourrait ensuite les orienter vers la Croix rouge ou le Croissant rouge. Avec une garantie d’emplois chez eux. Pour encadrer leur professionnalisation, il y a Médecins du monde ou médecins sans frontières, ici ou là-bas. Même chose pour les enseignants, un jeune bachelier peut passer par l’organisation nationale de la francophonie, ou le Réseau éducation sans frontière. Tous les leviers doivent être actionnés, ONICEF, les ONG, PIROI, etc. Dans l’idéal il faudrait que cela prenne place au sein d’une coopération fluide avec les Comores, mais ce n’est pas le cas, il faut donc mettre sur pied un cadre précis.

Qui doit piloter ces Assises ?

Issihaka Abdillah : Soit le rectorat, soit le conseil départemental, soit l’Association des maires, soit les trois ! En tout cas, cela doit toucher l’ensemble des jeunes de l’île par le biais d’ateliers tournants ou autre. On a raté l’occasion en 2020, il faut les organiser sans tarder. On attend trop souvent de décliner des programmes nationaux. Or, en dehors de l’avancée considérable sur l’apprentissage, on ne parle pas vraiment de politique de la jeunesse. Comment les toucher ici ? Par exemple pour les JO 2024, quel jeune de Mayotte représente le territoire ? Comment leur donner le bon niveau d’information, quel est le bon vecteur ?

Cela permettrait également de toucher une autre problématique, la parentalité…

Issihaka Abdillah : Oui, ce serait un cadre d’observation privilégié pour connaitre les conditions de vie dans les familles. Cela serait une vraie radiographie de la société mahoraise. Dans nos lectures quotidiennes, le jeune n’existe qu’à travers les actes délictuels qui sont largement minoritaires parmi tous ces jeunes.
C’est toute la difficulté de compréhension par Paris : si 10% de la population est susceptible de commettre des délits, l’impact ne sera pas le même dans le Lot qu’à Mayotte où 60% des habitants ont moins de 25 ans.

Les Assises de la Jeunesse telle que vous les voyez ont un volet régional sur les débouchés. Or nos liens sont peu développés.

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Issihaka Abdillah : L’ouverture de Mayotte sur sa région est une donnée indispensable. Le jeune diplômé devra être employable. Notre économie peut-elle absorber cette jeunesse ? Les a-t-on préparé à s’insérer en Afrique, en océan Indien ? Que connaissent-ils de l’Afrique ? Est-ce que le jeune mahorais se représente le monde et même sa sous-région ? Il faut commencer par envoyer nos techniciens dès qu’on commande une infrastructure à l’extérieur pour qu’ils se forment en même temps. Par exemple, les raffineries de pétrole au Mozambique utilisent des métiers très spécialisés, chaudronniers, soudeurs, etc. Or, c’est un pays avec lequel nous avons une bonne entente, il faut penser en permanence coopération pour sortir de nos frontières iliennes.

Propos recueillis par Anne Perzo-Lafond

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