Que faire lorsqu’une situation dégénère, et que les forces de l’ordre ne sont pas sur place ? Quelles sont les limites de l’assistance à personne en danger ? Que risque-t-on à voler au secours de quelqu’un, en attaquant son agresseur ? La justice doit-elle se montrer indulgente face à de tels scénarios ? Autant de questions que le procès d’O.A. et de S.A. semblait aborder ce mercredi au tribunal, en filigrane. Les faits remontent à l’année 2016. Un policier n’étant pas en service indique à ses collègues qu’un individu serait victime d’un coup de feu, avec un impact de plomb au niveau du plexus. Alors, la victime (S.A.) désigne O.A. comme étant l’auteur du tir. Immédiatement, celui-ci se défendra en expliquant qu’il intervenait pour porter assistance à la femme de S.A., lequel l’aurait agressée.
Selon la femme en question, le conjoint (S.A.) lui aurait reproché, une fois rentré, de ne pas s’occuper de ses enfants, et de passer trop de temps avec les voisins. Il n’en faudra pas plus pour qu’il commence à la battre, et tente de l’étrangler. La femme parviendra à s’enfermer dans les toilettes, avant de s’enfuir dans le jardin. C’est alors que le mari empoigne une pelle, et la frappe avec le manche.
Dans un déferlement de cris, les voisins tentent de s’interposer. C’est alors que O.A. intervient, et tire un coup de feu (des balles de plomb) quasiment à bout portant, à environ 1,5m.
La femme victime des violences conjugales expliquera ensuite aux enquêteurs que ce n’était pas là une première, et que leur union résulte d’un mariage forcé arrangé par leurs deux familles.
O.A., le franc-tireur inscrit depuis plusieurs années dans un club de tir de l’île, dira à la barre qu’il ne se trouvait pas à 1,5m mais plutôt à 10m.
« Je n’ai tiré qu’une seule fois. J’ai tiré pour sauver la dame » déclarera-t-il à la barre.
Pour le président d’audience Kamel Souhail, « le fait d’avoir sortie une arme, même factice, constitue une violence avec arme, ce n’est pas un geste anodin ».
Bien que les situations soient extrêmement différentes, le substitut du procureur demandera la même peine pour chacun des prévenus, l’individu violent qui frappait sa femme, et le justicier auto-proclamé lui ayant tiré dessus. Elle demandera ainsi 8 mois d’emprisonnement pour tous deux « au vu de la gravité des faits reprochés ».
Les deux hommes seront finalement tous deux déclarés coupables par le juge, mais seront condamnés de façon inégale. Tandis que le mari violent écopait de 9 mois d’emprisonnement ferme et une interdiction de port d’arme de 5 ans, le justicier se voyait lui condamné à six mois intégralement assortis de sursis, et une interdiction de port d’arme de trois ans. Le message en somme d’une justice indulgente et compréhensive, mais qui n’est pas sans risque, face à la détermination toujours plus grandissante de certains justiciables à se faire justiciers, en cette période particulièrement trouble…
Mathieu Janvier