« Ce midi un éleveur m’a appelé pour me signaler 15 avortements dans son troupeau ». Philippe Mérot, chef du service alimentation de la Daaf (direction de l’alimentation, de l’agriculture et des forêts, un service de l’Etat) constate une forte augmentation de ce symptôme de la fièvre de la vallée du Rift (FVR). En général, une cinquantaine de cas sont signalés par an. Depuis janvier, c’est un à deux par jour. La mort du veau avant la naissance est un des symptômes pouvant indiquer la présence du virus chez une vache, ainsi qu’un syndrome grippal ou des difficultés à se déplacer. Au lycée de Coconi, établissement agricole dépendant de la Daaf, environ un quart du cheptel a été diagnostiqué positif. L’établissement a donc opté pour une attitude modèle afin de montrer l’exemple aux autres producteurs.
« Le lait n’est plus commercialisé sans être pasteurisé et chaque veau vendu est contrôlé pour être sur qu’il ne soit pas positif », illustre Philippe Mérot qui note que « cela pose des problèmes financiers car la vente du lait est une de leurs ressources. Mais ils donnent l’exemple de ce qu’il faut faire. Il faut que les éleveurs comprennent le but des actions qu’on leur demande. »
Parmi ces actions, signaler à leur vétérinaire la présence de symptômes inquiétants, notamment les fameux avortements. Comme la maladie peut se transmettre à l’homme, il est aussi important de « se protéger, avec des gants, un masque, des lunettes » pour manipuler les animaux, mais aussi pour découper la viande crue. Car seule la cuisson peut tuer le virus, qui résiste à la congélation ainsi qu’au caillage du lait.
Pour aider les agriculteurs à faire face à ces difficultés, l’Etat a mis en place un certain nombre d’aides. Ainsi en cas d’avortement, la prise en charge des soins médicaux à la vache est financée par l’Etat. La Daaf a fourni aux vétérinaires des dispositifs insecticides et des répulsifs pour protéger le bétail des moustiques, un des vecteurs de la maladie.
Il est important de noter que si elle peut être grave dans certains cas, la maladie n’est pas un motif d’euthanasie des bêtes contaminées, il n’y a donc rien à craindre à signaler le bétail malade, au contraire. « Il faut que les éleveurs signalent les avortements et les animaux malades au vétérinaire pour pouvoir protéger les animaux » explique le responsable. Le principal risque, ce sont les pertes économiques liées aux pertes de veaux. En cas d’avortement, ceux-ci sont enterrés avec de la chaux vive, elle aussi financée par l’Etat. L’enjeu est de contenir la maladie jusqu’à la fin de la saison des pluies, période la plus propice à sa propagation. « On a encore trois mois à tenir » soupire le fonctionnaire.
Dans les jours à venir, une vaste campagne de communication, mobilisant télé, radio et communiqués traduits en shimaoré devrait être déployée pour toucher les éleveurs le plus largement possible.
Quid des particuliers ?
La maladie se propage en premier lieu à cause des moustiques qui piquent le bétail, avant que ce dernier ne transmette le virus à l’homme. Il existe donc aussi des leviers à portée de tout un chacun pour aider à contenir l’épidémie.
Patrick Rabarisson est chef de la lutte antivectorielle à l’ARS Mayotte. « Il existe des gestes simples que l’on peut faire chez soi » explique ce spécialiste. En premier lieu, éviter tout dépôt d’eau stagnante, vider les récipients une fois par semaine, « ramasser les déchets, les noix de coco qui traînent, c’est à proscrire ». En effet, si chaque espèce de moustique a ses lieux de prédilection pour pondre, chacune des 44 espèces recensées à Mayotte est un vecteur potentiel du virus. Ce responsable de l’ARS Mayotte souligne toutefois que la transmission par les moustiques reste minoritaires au regard de celle liée au contact avec la viande ou le lait cru. En outre, il insiste sur le fait que le transmission d’homme à homme n’est pas possible, ni de l’homme au moustique. « L’homme est une impasse pour le virus, c’est pourquoi on n’a jamais vu d’épidémie de la FVR en ville » rassure-t-il.
Y.D.