Sous contrôle judiciaire depuis l’accident, Mohamed est toujours qualifié par son entourage, ses amis, son quartier mais également par la famille de la victime comme une personne gentille et serviable. Les faits remontent à avril 2014, il a involontairement causé la mort d’une personne. Il emprunte le scooter de son ami, les clés sont dessus, il est autorisé à l’emprunter malgré une méconnaissance des règles élémentaires de la sécurité routière et un état d’ivresse manifeste.
Quelques centaines de mètres suffisent à ce que le pire scénario se produise. Devant lui allant dans la même direction un cycliste bien visible sur la route à double sens de la rue Saïd Kafé du quartier de M’tsapere. Un coup d’accélérateur un peu trop vif pensant que le vélo se préparait à tourner à gauche, arrivé à son niveau le cycliste ne bifurque pas, il est toujours sur la même voie, Mohamed double par la droite, percute le pédalier et c’est le drame. La victime décèdera d’un traumatisme crânien en mai 2014.
Célibataire au moment des faits, le prévenu est désormais en couple avec un enfant de sept mois. Une enquête de personnalité de décembre 2014 ne révèle rien d’alarmant. Il avait perdu son père peu avant l’accident, s’était mis à consommer un peu plus d’alcool que d’habitude. Il mesure parfaitement la gravité de son comportement. Mohamed est prêt à assumer. Il se tient droit, les mains jointes en bas du dos, il s’exprime… « J’ai arrêté de boire depuis l’accident mais je n’étais pas alcoolique, le klaxon du scooter ne marchait pas… ». Le président du Tribunal le coupe, perplexe, et relit la déposition de plus de trois ans qui mentionne que le scootériste avait bien déclaré klaxonner. À peine désarçonné le prévenu à la barre de rétorquer : « C’est lui qui a fait l’erreur, c’est pas moi, je roulais un peu trop vite mais je sais pas à combien, j’ai klaxonné mais je crois que ça marchait pas… ».
« Dieu n’a rien avoir dans tout ça »
Le ton n’est pas désinvolte mais semble un peu agacer le procureur. Le parquet rappelle immédiatement au jeune homme à la barre les six bières consommées avant de prendre le scooter voyant qu’il cherchait plus ou moins à se justifier et à creuser du côté du destin et de la fatalité. Cette fatalité semble faire l’unanimité du côté de M’tsapere. Absente de l’audience, la mère de la victime ne s’est pas constituée partie civile. Selon les dépositions, elle semblait plus troublée par les 3000€ nécessaires à la récupération du corps de son fils. Cette somme a été payée par Mohamed.
« C’est le destin, c’est Dieu qui l’a voulu, je veux juste que cette procédure se termine » disait-elle au moment de sa déposition. Le prévenu rebondira assez aisément sur cette citation pour plaider encore une fois Dieu et le destin… « Je regrette d’avoir tué ce monsieur, je ne sais pas ce que je peux faire, je sais pas pourquoi ça m’arrive ». Ce qui fait immédiatement réagir un des assesseurs: « Le fait de ne pas avoir le permis aurait pu influencer l’accident ? » Non selon le prévenu. « Quelle est l’influence de l’alcool ? Fait-on des choses qu’on ne ferait pas si on n’avait pas bu ? » Le tribunal, lui, ne compte pas engager la responsabilité du Tout Puissant… « Dieu n’a rien avoir dans tout ça, on ne parle pas d’un accident banal de la route, on parle d’un décès, il faut être sérieux ! » tonne le procureur. Le magistrat requiert contre le prévenu un sursis avec mise à l’épreuve de deux ans, une obligation de travailler, de se former et d’indemniser la famille endeuillée.
Me Simon plaide pour son client que « la faute à pas de chance » ça existe mais qu’il ne faut évidemment pas occulter la responsabilité pénale. Le rapport entre le prévenu et la famille de la victime ne s’est pas dégradé au fil des ans et d’ajouter que donner de l’argent ne calme pas la douleur. Mohamed ne veut pas échapper à la justice, il est toujours là depuis trois ans et n’a jamais raté une seule convocation.
Il est condamné à dix-huit mois de prison avec sursis et sa demande de non-inscription au casier judiciaire est rejetée.
NM