« Ce qui est très appréciable c’est que nous avons des jeunes filles qui dénoncent des comportements et que les parents les ont crues ». Le substitut du procureur, à l’instar de la plaidoirie de l’avocate des parties civiles, est revenu longuement dans son réquisitoire sur le courage des jeunes filles qui ont refusé l’omerta.
Un procédé d’agression rodé
Fréquentant alors une école coranique de Ouangani, les jeunes filles vont être agressées sexuellement à plusieurs reprises par le fundi de l’établissement entre janvier et mai 2021. Les trois victimes, accompagnées de leurs parents à la barre, vont successivement décrire le même procédé de prédation. « Après la fin des cours, il me conduisait dans sa chambre, il me disait de faire son lit et de laver ses habits », témoigne l’une des mineures. D’ailleurs dans sa plaidoirie, l’avocate des parties civiles fait état « d’un piège tendu en les isolant dans sa chambre ».
La présidente du tribunal multiplie les questions pour tenter de comprendre « les mauvaises choses » perpétrées par le prévenu. « Il m’a déshabillé de force, il s’est déshabillé. Ensuite, il m’a fait des choses pas bien », murmure l’une des mineures. « Vous étiez toutes les trois ensemble quand cela se passait ? », demande la présidente. « Non, mais nous en avons parlé entre nous », précise l’une des jeunes victimes.
Des gouroua réitérés sur les victimes
Si les expertises médicales révéleront qu’aucun viol n’a été perpétré, le prévenu reconnaîtra avoir pratiqué des gourouas sur les trois mineures. « Les avez-vous déshabillées et fait un gourouas sur elles ? Le reconnaissez-vous », interroge la présidente. « Oui », soupire dans un sanglot l’ex-fundi. Pour se dédouaner de ses actes, il invoque à plusieurs reprises un « coup de machette » qu’il aurait reçu à la tête. Alors que la juge tente de comprendre les motivations de ses agressions, le prévenu revient inlassablement sur les conséquences de ce coup porté à sa tête qui aurait modifié son comportement, lui qui n’avait pas eu jusqu’alors « de relations sexuelles ». « Ce n’était pas de ma volonté », concède-t-il. Des propos qui seront contrés du tac au tac par l’avocate des parties civiles, « au-delà de votre volonté, il y a de la souffrance », assène-t-elle.
User de son autorité religieuse pour abuser
Le traumatisme, toujours vivace chez les victimes continue d’œuvrer en silence. Les parents font état de troubles de l’alimentation, du sommeil, ainsi que des angoisses persistantes. Dans son réquisitoire le substitut du procureur note la peur des jeunes filles vis-à-vis des hommes, « elles sont marquées dans leur chair, leur comportement a changé ». « On a ici un fundi autoproclamé, un sachant qui ne s’est pas uniquement contenté d’enseigner et de transmettre des connaissances. Il a décidé d’user de son autorité pour
contraindre ces jeunes filles et les abuser », déclare le substitut du procureur. Au regard de la position d’autorité religieuse qu’incarnait le prévenu, 8 années d’emprisonnement sont demandées ainsi qu’une interdiction définitive du territoire.
Si l’avocat de la défense récuse la lourdeur de la peine, prétextant « qu’on n’est pas là pour faire un exemple mais pour aider cette personne qui a compris qu’elle avait fait quelque chose de grave », le tribunal après délibérations décidera de condamner le prévenu à 5 ans d’emprisonnement ainsi que son inscription au fichier des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes et une interdiction du territoire français pendant 5 ans.
Pierre Mouysset