La Réunion : l’inquiétude monte sur les requins, face aux vigies hors-jeu

Le dispositif des Vigies Requins Renforcées cède la place à une nouvelle brigade, alors que la présence de squales atteint un niveau sans précédent au large de l'île.

Le 30 avril 2025 marquera la fin d’un dispositif emblématique de la sécurisation des plages réunionnaises. En place depuis 2015, les Vigies Requins Renforcées (VRR) cesseront leurs activités, remplacées par la Brigade de Sécurité des Activités Nautiques (BSAN), placée sous la responsabilité de l’association Ressac. Si cette évolution a été décidée à la suite d’une évaluation jugée concluante par les autorités, elle intervient alors que les conditions environnementales font planer un risque inédit d’attaques de requins sur les côtes de l’île.

Le passage du cyclone Garance, le 28 février dernier, a bouleversé l’écosystème côtier. Boues, déchets et eaux troubles ont attiré de nombreux squales, en particulier des requins bouledogues et tigres, à l’origine d’attaques meurtrières sur l’homme, à proximité des zones fréquentées par les surfeurs et baigneurs. Selon le Centre Sécurité Requin (CSR), trente-deux requins ont été capturés en un mois, un chiffre inhabituel qui alimente les inquiétudes.

Un dispositif reconnu, mais désormais désarmé

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Grâce aux vigies, la sécurité des surfeurs face aux requins était assurée grâce à un réseau de stations d’écoute en mer, une surveillance sous l’eau réalisée par des plongeurs, mais aussi l’utilisation de technologies anti-requins, adossées aux planches de surf

Mises en place en 2015, les Vigies Requins Renforcées ont contribué à la reprise progressive du surf sur l’île, fortement touchée par une série d’attaques meurtrières au début des années 2010. Composées d’apnéistes et de surfeurs formés à la détection des requins, les équipes assuraient une veille en mer, épaulées par des moyens technologiques. Depuis la mise en place de ce dispositif, salué pour son efficacité, les autorités n’ont enregistré aucun accident sur les spots surveillés. La dernière attaque meurtrière de requin remonte au 9 mai 2019, où Kim Mahbouli, un surfeur de 28 ans, avait été tué à Saint-Leu.

La disparition des Vigies, effective à la fin du mois d’avril 2025, suscite toutefois des interrogations. Le directeur du dispositif, Hervé Geollot, s’inquiète du sort des vingt-quatre salariés concernés. « Fermer un dispositif de cette ampleur nécessite un accompagnement financier, sur lequel nous n’avons pour l’instant aucune visibilité« , déplore-t-il. Au-delà de la question sociale, c’est aussi l’efficacité du nouveau système qui interroge, alors que les conditions de surveillance s’annoncent plus complexes.

« Un risque d’attaque sans précédent »

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Le cyclone Garance a fortement troublé les eaux en remuant les fonds marins, réduisant la visibilité en mer et apportant de nombreux débris vers les plages

La Brigade de Sécurité des Activités Nautiques est conçue pour assurer une couverture plus large que celle des VRR, en incluant l’ensemble des activités nautiques entre Boucan-Canot et Saint-Pierre. En théorie, elle vise à mutualiser les moyens de prévention et d’intervention. Mais son déploiement coïncide avec une intensification du risque, ce qui pourrait compromettre son efficacité dès ses débuts.

D’autre part, les conditions environnementales post-cycloniques rendent la surveillance plus difficile. Les fortes pluies ont charrié des sédiments et des déchets en mer, réduisant la visibilité et attirant les requins près des côtes. Le CSR alerte ainsi sur un « risque d’attaque sans précédent » et déconseille toute activité nautique en dehors des zones aménagées, telles que les lagons de Boucan-Canot ou la piscine naturelle du Baril.

Une sécurité sous tension

Dans ce contexte, la BSAN devra composer avec un niveau de menace élevé, tout en instaurant la confiance des usagers. Le président de la Ligue Réunionnaise de Surf, Thierry Martineau, reste prudent : « Nous ne savons pas encore si ce nouveau dispositif sera aussi réactif et couvrira l’ensemble des spots de l’Ouest« , souligne-t-il.

En toile de fond, se pose aussi la question de la durabilité de ces dispositifs. À mesure que les épisodes météorologiques extrêmes se multiplient, les conditions d’accès à l’océan deviennent de plus en plus imprévisibles. La sécurité des pratiquants dépendra donc non seulement de la réactivité des brigades en place, mais aussi de la capacité des autorités à adapter les moyens aux évolutions climatiques et écologiques.

Mathilde Hangard

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