Le colloque « Mayotte entre passé, présent, avenir » s’est ouvert mardi

Pendant deux jours, mardi 8 et mercredi 9 avril, l'Université de Mayotte organise un colloque "scientifique international en sciences sociales", pour questionner le passé, le présent et l’avenir de Mayotte, en s’appuyant sur des recherches menées sur la vie quotidienne de ses habitants. Le but : mieux comprendre les spécificités de l'île pour agir en conséquences.

Ce mardi 8 avril et mercredi 9 avril, l’Université de Mayotte accueille un colloque inédit qui rassemble des chercheurs et des experts pour interroger les multiples facettes de ce territoire insulaire unique, en pleine mutation. L’événement était très attendu dans un contexte de crise sociale intense, notamment avec la grève en cours, et à peine quatre mois après le passage dévastateur du cyclone Chido.

Intitulé « Mayotte entre passé, présent, avenir », cet événement se penche sur les défis sociaux, économiques et environnementaux auxquels l’île est confrontée, tout en réfléchissant à son avenir à travers ses spécificités culturelles et historiques. Mayotte, devenue département français en 2011, est aujourd’hui en proie à une série de défis complexes, entre héritage colonial, fractures sociales et aspirations à un avenir meilleur. Ces problématiques se sont intensifiées, notamment après le passage dévastateur du cyclone Chido, le 14 décembre 2024, qui a exacerbé la vulnérabilité de la population.

Comprendre Mayotte à travers les réalités quotidiennes de l’île 

Les caillassages font partie des actes de délinquance quotidiens de l’île qui entravent le quotidien des habitants

Le colloque s’appuie sur une approche multidisciplinaire, en particulier anthropologique, mais aussi en faisant appel à des disciplines telles que le droit, les sciences de l’éducation, la géographie, la sociologie, l’économie, la biologie, l’histoire et la linguistique. L’objectif est de mieux comprendre les réalités vécues par les habitants de Mayotte à travers une multitude de thématiques : l’économie, les mutations territoriales, l’éducation, la santé, la religion, l’immigration, et bien plus encore.

Mardi, l’un des moments forts de ce colloque a été l’intervention de Virginie Briard, seule et unique pédo-psychiatre de l’île, qui a abordé la complexité de son travail et des prises en charge sur le département à travers une présentation intitulée « Rencontre clinique muzungu/mahorais ». Le Dr. Briard a mis en lumière les difficultés liées à la discontinuité des soins en raison des événements qui perturbent le quotidien des habitants, tels que les barrages, les caillassages, la crise de l’eau, mais aussi les conséquences sur la vie des habitants suite au passage du cyclone Chido.

Une forte discontinuité des soins en raison des événements sociaux 

Ces perturbations, combinées à des modèles pédagogiques et religieux divers, forcent les professionnels à adapter leurs pratiques mais surtout devoir annuler leurs consultations, entraînant de dangereux retards de prise en charge, où d’autres événements futurs viennent parfois ajouter de la vulnérabilité dans le quotidien des patients, pour certains déjà fragiles. « Il y a une grande discontinuité des soins et discontinuité de pensée à cause de toutes ces problématiques sociales, qui entravent la circulation des personnes et qui conduisent à annuler des consultations. La précarité par rapport à la crise de l’eau chronique sur le département ou l’organisation de fêtes religieuse qui s’ajoutent au dernier moment, font que nous sommes souvent contraints d’annuler des consultations.« , se désole-t-elle.

Le Dr. Briard a également souligné les défis internes à son service de pédopsychiatrie, qui a récemment dû déménager dans des locaux inadaptés, aggravant cette situation pour prendre en charge les patients de l’île. « Nous devons aider ces patients, ne pas les oublier. Parfois, nous avons l’impression d’être plus demandeurs que les patients eux-mêmes pour garantir la continuité des soins dans un contexte souvent chaotique« , confie-t-elle.

Repenser le territoire à travers de nouvelles perspectives

Mayotte, colloque, université de Mayotte,
La salle était comble dès la matinée

Au-delà des témoignages et analyses, ce colloque permet aussi de prendre du recul pour repenser Mayotte dans une optique plus globale. C’est ce qu’ont exploré Olivier Chadoin, professeur de sociologie à l’ENSAP Bordeaux, et Anthony Goreau-Ponce, maître de conférence en géographie à l’Université de Bordeaux. À partir de recherches menées en 2024, ils ont suggéré que Mayotte pourrait devenir un véritable laboratoire scientifique et politique. En effet, plutôt qu’en étant perçue, comme une île ternie par les crises successives, Mayotte pourrait justement se positionner comme un modèle de solutions sociales, économiques et environnementales innovantes, dans un contexte social difficile.

Mercredi 9 avril, une deuxième journée de ce colloque sera consacrée à des débats autour de thèmes tels que la situation des établissements scolaires, la place de la laïcité, et la question de l’environnement à Mayotte. Des problématiques plus que jamais essentielles, notamment après le passage du cyclone.

La rédaction

Partagez l'article :

Subscribe

spot_imgspot_img

Les plus lus

Publications Similaires
SIMILAIRES

Mamoudzou-Koungou : la frontière est tracée

Après des décennies de flou, les limites communales fixées en 1977 sont enfin matérialisées sur le terrain.

Internet très haut débit : Orange lance son réseau de fibre optique

Orange a annoncé ce mercredi 27 août que ses premiers raccordements à son propre réseau de fibre optique débuteront le 1er décembre prochain. Environ 6 000 foyers seront concernés dans les communes de Koungou, Mamoudzou, Tsingoni, Dzaoudzi et Pamandzi, tandis que le reste du territoire accédera au très haut débit grâce au déploiement de la 5G. Reste à savoir si le déploiement du réseau se fera de manière coordonnée avec celui de l'opérateur Mayotte THD, désigné par le Département pour déployer le réseau public sur l’ensemble de l’île.

Le Préfet annonce le démantèlement du camp de Tsoundzou 2

Le représentant de l’État évoque une situation comparable à celle de l'ancien camp de Cavani et promet des hébergements d’urgence pour les personnes vulnérables.

RSP Sécurité à Mamoudzou : plus de cinq mois sans salaire, les agents montent à Matignon

Privés de salaire depuis février, les 120 agents de RSP Sécurité manifestent et alertent le gouvernement sur la gravité de la situation.