Que ce soit pour conjurer la prise de paroles de Marine Le Pen accusant le week-end dernier le gouvernement de faire de la com’, ou parce qu’elle avait annoncé un suivi régulier de l’opération Place Nette mise en place le 16 avril à Mayotte, Marie Guévenoux a demandé à son cabinet de s’expliquer devant les journalistes sur plusieurs points.
Après une semaine de renfort des forces de l’ordre se montant à 1.700 policiers et gendarmes, les actions sont engrangées à Mayotte, plaident-ils : plus de 25O habitats insalubres sur 1.300 sont détruits, 400 contrôles effectués menant à l’arrestation d’une cinquantaine de délinquants, « dont 6 chefs de bande », et à la saisie de 50 armes, dont la nature n’est pas précisée. Rappelons que l’objectif affiché est de mettre 60 individus dangereux hors d’état de nuire. En matière d’immigration clandestine, 350 reconduites ont été menées. La multiplication annoncée des interpellations impose de se doter d’un 4ème local de rétention administratif.
On attend toujours davantage de précisions sur le « rideau de fer sur l’eau », annoncé avec faste par Gérald Darmanin. Nous avons de nouveau sollicité les services de la ministre, avec la même réponse décevante, évoquant des moyens aériens et maritimes, « un avion de l’armée de l’air équipé de radars survole la zone », et les deux vedettes de la gendarmerie maritime, rien de nouveau puisque l’Odet et la Verdon sont déjà basées à Mayotte. Aucune précision sur le bâtiment militaire qui croise dans le Canal du Mozambique.
5 millions d’euros pour les relogements d’urgence
Si on ne peut enlever à cette ministre sa présence permanente sur le sujet Mayotte, il faut relativiser les « succès » annoncés qui prennent des allures de boomerang inutiles. En effet, si les démolitions de plus de 250 cases en tôle insalubre ou illégales fait son effet sur les médias nationaux et les associations comme UNICEF, avec remontage de bretelles par les seconds, elles rythment l’année à Mayotte. Comme nous l’avons répété, que ce soit Wuambushu ou Place-nette, il s’agit d’une accélération de ce qui se pratique quasiment au quotidien ici : interpellations des agresseurs, lutte contre les entrées irrégulières sur le territoire, démolition d’habitat illégal pour aménager les communes.
Mais pour mener ces trois objectifs en accéléré, le nombre de forces de l’ordre est encore insuffisant. A force de courir trois lièvres à la fois, les caillassages sont toujours bien présents, 8 bus en ont fait les frais ces deux derniers jours, incitant les chauffeurs à débrayer ce mardi. Privant les jeunes de scolarité.
Pour le deuxième volet qu’est la démolition d’habitat insalubre et/ou illégal, c’est le relogement qui bloque toujours, pourtant imposé par l’article 197 de la loi ELAN, comme le rappelait son cabinet. Et pas seulement parce qu’il en manque. Mais parce que les occupants savent que la durée proposée est de courte durée et préfèrent reconstruire ailleurs. Nous sommes un peu dans la logique des reconduits à la frontière dont 50% environ reviendront à Mayotte.
A souligner que, comme une réponse aux associations dont l’UNICEF, pour booster les capacités de relogement d’urgence, une enveloppe de 5 millions d’euros est débloquée.
Des sujets que maitrise la population mahoraise et qu’il faut aborder sous cet angle sous peine de passer pour des marchands de com’ tel que le pointent les sympathisants RN, et d’apporter des voix à leur moulin.
Six ans de digestion pour le « Département-Région »
Deuxième grand thème abordé par le ministère des Outre-mer, le projet de loi Mayotte. Le calendrier était contraint, la ministre vient de lui redonner du souffle. Les deux projets seront examinés par les élus le 22 mai, et transmis au conseil des ministres : « Cela va donner un délai supplémentaire aux élus et permettre d’éventuels ajustements. » Le projet de loi constitutionnel portera donc sur la suppression du droit du sol qui continue à être la boussole du ministre de l’Intérieur et des Outre-mer, et les quatre grands axes du projet de loi ordinaire avaient été annoncés et recueillis l’approbation des élus, « nous attendons les détails », nous avait indiqué le président du conseil départemental, Ben Issa Ousseni. Il portera sur la lutte contre l’immigration clandestine, l’organisation des forces de sécurité intérieure, le développement économique et social et l’évolution institutionnelle.
Nous pourrions facilement ironiser sur cette dernière en disant que six ans ont été perdus depuis le « toilettage institutionnel » proposé par le vieux sage Soibahadine Ibrahim Ramadani à qui certains prêtaient des volontés de dictateur, pour ne faire que paraphraser de Gaulle. Les élus souhaitent en effet renommer le département pour que ses compétences de Région soient reconnues. Un « Département-Région » donc, avec modification du mode de scrutin, et du nombre d’élus pour exercer lesdites compétences nouvelles. Le nombre de 38 avait été donné.
Rappelons que Mayotte a accédé à la départementalisation sous un format de collectivité unique, sans récupération de toutes les compétences, même celles de département, quand la Guyane et la Martinique ont fondu leurs deux assemblées après les avoir exercées.
La ministre revient à Mayotte en fin de semaine prochaine.
Anne Perzo-Lafond