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Quelle contribution militaire pour encadrer la jeunesse de Mayotte ?

Au ministère des Armées, il ne fut pas seulement question de surveillance militaire en appui de la Lutte contre l’immigration clandestine pour les élus. Mais également, dans le droit fil du discours de politique générale du Premier ministre, du retour à l’autorité qu’incarne l’armée.

Nous avions évoqué avec le sénateur Thani Mohamed Soilihi l’entrevue organisée au ministère des Armées pour renforcer la surveillance en mer et limiter au maximum les flux migratoires. Nous avons obtenu des précisions supplémentaires, notamment sur une coopération inter-armée avec les pays de la zone. Mandaté par le président Ben Issa Ousseni, Zoubaïr Ben Jacques Alonzo, qui est son directeur de cabinet, revient plus en détail sur les points essentiels.

Souvent considérés comme îlot autarcique à Mayotte, les militaires ont fait savoir que leur participation au quotidien des mahorais était bien plus perméables qu’on ne le croit : « Ils nous ont expliqué qu’ici, ils ne sont pas sur un terrain d’opération avec des ennemis en face, ils interviennent donc aux côtés de la gendarmerie nationale, en soutien. On ne le sait pas assez ».

Cérémonie de passation de commandement à la Base navale de mayotte le vendredi 4 aout 2023, présidée par le général de brigade Jean-Marc Giraud (à gauche)

Constat a été fait de la mobilisation de plusieurs moyens nautiques français sur diverses opérations, et notamment en mer Rouge où une nouvelle attaque des rebelles houthistes s’est produite cette semaine. Un des militaires conseillers du ministre Lecornu indiquait malgré tout une permanence d’un bâtiment militaire dans la région : « Le vrai sujet c’est une patrouille permanente dans cette zone du canal du Mozambique pour intercepter les départs vers Mayotte. Une frégate y sera en permanence affectée ou un autre patrouilleur. D’autre part, ils vont s’impliquer à Mayotte même en mettant à disposition leurs moyens techniques sur l’entretien des intercepteurs, ce qui va permettre d’en voir 3 ou 4 opérationnels, au lieu de deux actuellement. » Ce n’est pas la première fois que le problème d’un déficit de présence sur l’eau d’intercepteurs est évoqué, le signe sans doute qu’il en faut davantage, accompagnés de moyens humains.

Pour compenser la faiblesse de la flotte nautique française, des moyens technologiques de pointe devraient être mis en place, « ils ont parlé de moyens de détection longue portée », et une coopération militaire avec les pays de la zone devrait voir le jour, « un exemple nous a été donné avec la Tanzanie. Nos militaires vont donner aux pays de la zone des renseignements précis pour que leur armée intervienne en cas de création de filière migratoire ou autre. » Un premier pas intéressant vers ce que nous avons toujours demandé, une coopération dans tous les domaines, notamment militaire et judiciaire.

A Mayotte aussi, « tu casses, tu répares »

Rappelons que l’armée est présente à Mayotte à travers le Détachement de la Légion Étrangère de Mayotte (DLEM), la Base navale et les Régiment du service militaire adapté (RSMA).

Les intercepteurs trop souvent immobilisés, comme celui-ci au chantier du STM, lors de la venue de Gérald Darmanin à Mayotte

Des drones ont également été annoncés, mais restons prudents, car l’idée date de 2009, émise par celui qui dirigeait ce ministère des Armées, Hervé Morin, sans qu’il n’y ait eu de suite. D’autre part, attendons de savoir si les drones annoncés sont eux-aussi, mobilisables à longue portée.

« Les limites de la technologie actuelle et la nécessité d’une mise à jour sont clairement ressenties par les agents sur le terrain », souligne un article de la Voix du gendarme consacré à Mayotte.

Autre axe engagé avec les militaires, leur participation à l’encadrement des jeunes, car beaucoup basculent dans la délinquance. « Dans son discours de politique générale, le Premier ministre évoquait le ‘réarmement civique’ de la jeunesse, et notamment le rétablissement de l’autorité, qu’elle soit parentale ou de l’Etat. En citant les TIG, Travaux d’intérêt Général, mais aussi une nouveauté, les TIE, Travaux d’Intérêt Éducatif, pour les mineurs de moins de 16 ans. Nous avons demandé que Mayotte soit une terre d’expérimentation vu l’ampleur de la délinquance juvénile qui échappe aux mailles du filet judiciaire. »

Analysant la violence des jeunes comme « un moyen comme un autre de tromper l’ennui », Gabriel Attal avait illustré ainsi les nouveaux TIE : « Tu casses, tu répares. Tu salis, tu nettoies. Tu défies l’autorité, on t’apprend à la respecter. »

 Frapper à toutes les portes

Armées, Sébastien Lecornu, Mayotte
Echanges sur la contribution des militaires à la situation à Mayotte au ministère des Armées

Si les militaires ont expliqué que « l’armée ne fait pas l’éducation de ces jeunes, et ne leur donne pas de punitions », et que les SMA (Services militaires adaptés) ne pouvait prendre que des jeunes ayant la nationalité française, des biais peuvent être tentés, selon Zoubaïr Alonzo, « nous demandons de chercher des solutions innovantes et adaptées au territoire ». Et des messages ont semble-t-il été passés : « Le Premier ministre a demandé aux militaires de travailler sur la possibilité d’exécuter les TIG dans un cadre militaire. Nous avons là aussi demandé que Mayotte soit intégrée à la réflexion. » Il nous fait part de son sentiment qu’une réflexion poussée est en cours pour notre département.

 Et également, que le ministre de l’Intérieur est un soutien permanent, « il nous accompagne, et nous incite à frapper à toutes les portes. » Après les Armées, les élus départementaux et parlementaires envisagent donc de solliciter la Justice, « il faut que nous soyons reçus dans ce ministère car il faut voir comment impliquer les parents démissionnaires. Et il faut isoler ces jeunes délinquants de leur milieu pour casser leurs habitudes et qu’ils construisent autre chose. Il faut juste amorcer la pompe. »

 Enfin, la problématique de la cession du foncier pour aménager de nouvelles infrastructures, soulevée de manière appuyée par Gérald Darmanin, a été abordée, le président Ben Issa Ousseni souhaitant faire passer le message d’un déficit de communication entre les services de l’État et le conseil départemental, et se disant prêt à entamer les démarches.

 Un bilan positif pour le conseil départemental qui salue « un bon accueil dans tous les ministères » qui semblent « au fait des problématiques de Mayotte ».

 Anne Perzo-Lafond

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