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Comores : la compagnie Int’Air Iles dans la tourmente juridico-financière

Le seul appareil dont disposait la compagnie a été rapatrié en République Tchèque officiellement pour une opération de maintenance. Mais la séparation est actée entre le propriétaire de l’avion, Jean Vaclavik, et le patron d’Int’Air Iles, Seffoudine Inzoudine. Des factures non payées sont, au fond, à l’origine de cette rupture brutale de la confiance avec l’avionneur européen Van Air. Un évènement qui en dit sur l’omerta qui règne dans le management des compagnies comoriennes.

La compagnie Int’Air Iles se trouve dans une situation difficile inédite après la décision du propriétaire de reprendre in extremis l’unique avion en service. L’affaire a fait grand bruit aux Comores. Le gérant de la compagnie, Seffoudine Inzoudine, est monté au créneau pour dénoncer « un sabotage » et « une volonté d’en finir avec moi parce que je suis Anjouanais », selon ses mots répétés dans deux messages vidéo relayés sur les réseaux sociaux.

Une maintenance de l’appareil

Le gérant a fait un réquisitoire sévère contre les autorités comoriennes, allant jusqu’à accuser des hommes qui agiraient, selon lui, « en sous mains pour me liquider ». Le gouvernement comorien a préféré ne pas réagir aux propos de Seffoudine Inzoudine, estimant qu’il n’appartiendrait pas à l’Etat d’interférer dans les affaires privées de deux hommes d’affaires. Même si on a appris que des instructions ont été données en haut lieu « pour aider les deux protagonistes à se parler »  et à « faire des propositions de nature à protéger tout le monde y compris le patron de l’avion » de nationalité tchèque.

Tout a commencé après un courrier en date du mois de novembre dernier. L’avionneur a demandé à son allié de rapatrier l’avion pour « une opération de maintenance » en République Tchèque. « Il y a un nombre d’heures qui nécessite une révision. Mais Seffoudine n’a pas donné suite à la demande du propriétaire de l’avion », nous dit une source de l’Agence nationale de l’avion civile et de la météorologie (Anacm).

Le patron d’Int’Air Iles décide alors de poursuivre son allié en justice, à travers, « une assignation en référé heure à heure » au Tribunal de commerce de Mutsamudu qui oblige le juge d’agir en urgence. Objectif de Seffoudine Inzoudine : immobiliser l’appareil à l’aéroport d’Anjouan. Une attitude mal digérée par le propriétaire de l’avion, Jean Vaclavik. Ce dernier fait appel de cette décision devant le juge de fond qui annule la décision prise d’immobiliser l’appareil.

Trois ordonnances du Tribunal de commerce de Mutsamudu

Des factures non honorées se sont accumulées ces derniers mois

Le tribunal de Mutsamudu a justifié sa décision en appel en rappelant le point 15 du contrat qui lie les deux hommes d’affaires. En effet, il est mentionné l’incompétence de la justice comorienne pour tout litige qui sera né dans le cadre de l’exécution des termes du contrat. Le premier juge saisi s’est défendu en disant qu’il est « un juge de forme et non un juge de fond ».  Dans son ordonnance N°10/24 rendue le 10 février dernier, le Tribunal de Mutsamudu a donc non seulement annulé la décision d’immobilisation de l’appareil prise en première instance mais a également ordonné le rapatriement de l’avion en République Tchèque.

Le propriétaire de l’avion, après avoir obtenu l’ordonnance du tribunal, s’est présenté à l’aviation civile comorienne pour demander une clairance pour pouvoir faire rapatrier. «Il nous a présenté une décision de justice, on ne pouvait pas ne pas exécuter. Nous lui avons fourni la clairance pour faire rapatrier son appareil », ajoute notre source de l’aviation civile comorienne. Et, après cette clairance N°24-22/DTA-03/Anacm, les autorités aéroportuaires ont, à leur tour, dégagé la piste pour faciliter le décollage de l’avion.

Une décision mal supportée par le patron d’Int’Air Iles qui a crié au scandale « et une volonté de ne pas protéger les hommes d’affaires comoriens ». Un reproche balayé par des responsables comoriens. « La loi est impersonnelle. Ce n’est pas parce que c’est un étranger qu’on doit lui empêcher de jouir pleinement ses droits. Le contrat, c’est la loi de toutes les parties. Notre pays est membre d’organisations internationales. Nous avons signé de nombreuses conventions. On doit les respecter. En vérité, c’est une histoire de factures. Que Seffoudine règle ses factures avant de commencer par dire quoi que ce soit», nous glisse un technicien proche du dossier.

Des problèmes de gestion interne des compagnies

Selon Jean Vaclavik, le patron d’Int’Air Iles n’a « apparemment pas pris connaissance du contenu du contrat, ou n’a pas respecté les termes du contrat, comme on devait s’y attendre de la part d’un homme d’affaires réputé expérimenté ». Seffoudine Inzoudine se défend en arguant l’obligation de déposer « une caution de 350.000 euros » avant toute opération de rapatriement de l’avion. « Il n’y a ni motivation ni justification de ces 350.000 euros et cela n’a pas été mentionné dans les conclusions transmises au tribunal », souligne l’avocat comorien qui défend les intérêts du propriétaire de l’avion. Mais une source de l’aviation civile comorienne qui a eu accès aux documents souligne qu’il n’est mentionné nulle part le versement de cette caution. « Il n’y a pas une telle disposition », a renchéri le patron de Van Air. La seule caution évoquée est de « 98.400 euros » en cas d’accident ou de perte de l’appareil, selon le contrat consulté par le JDM.

« L’appareil est resté cloué à Wani pendant un mois. Notre souhait était de poursuivre les opérations aux Comores, mais pas avec les avions actuels. Nous n’avons plus la confiance nécessaire pour amener un autre avion, comme nous l’avions prévu. C’est vraiment dommage, car nous avons passé de nombreux mois à négocier la possibilité d’extensions de vols vers Mayotte», a déploré Jean Vaclavik qui parle « d’une situation regrettable ».

Selon d’autres sources, l’idée d’immobiliser l’appareil à Anjouan serait un subterfuge savamment planifié par le gérant d’Int’Air Iles jusqu’à expiration du certificat de navigabilité le 14 février. « Seffoudine se croyait malin car il savait que l’appareil ne pouvait pas voler après expiration de ce certificat le 14 février, il aurait ainsi pu s’approprier l’appareil », ajoute notre interlocuteur qui avance une facture de « 272.000 euros » toujours pas payée par la compagnie comorienne. L’on apprend que le montant total des factures dues est de « 579. 381 euros » si « on prend en compte les frais de maintenance, des frais du personnel navigant, des frais de justice et d’autres frais ».

Une action en justice pourrait prochainement être intentée, selon nos sources, contre Seffoudine Inzoudine. Pour des responsables comoriens, la sortie médiatique du patron d’Int’Air Iles a été disproportionnée « si on analyse les faits » à l’origine de cette rupture brutale de la confiance avec son partenaire tchèque. « Il a dit ce qui l’arrange et dissimulé le côté sombre de cette affaire. Pourquoi n’a-t-il pas dit toute la vérité aux Comoriens. Seffoudine Inzoudine a tué sa propre compagnie et veut politiser l’affaire en cherchant des boucs émissaires », a déploré ce technicien comorien qui a suivi le dossier de début à la fin. Aux Comores, depuis plus de vingt ans, des problèmes de gestion interne des compagnies aériennes domestiques sont toujours à l’origine de leur fermeture.

A.S.Kemba, Moroni

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