Dans le cadre d’un contrôle renforcé de la qualité de l’eau, l’ARS a également instauré un contrôle spécifique des métaux lourds, suite à deux alertes émises, les 5 et 15 décembre dernier, qui révélaient une teneur anormalement élevée de plomb, détectée dans les eaux distribuées des communes de Bouyouni, Sohoa, Sada et Bandrélé. Par précaution, dans le but de prévenir un éventuel risque pour la santé des usagers, les autorités sanitaires avaient adopté des restrictions d’usage de la ressource.
Jusqu’alors, si toutes les pistes étaient ouvertes, pour connaître l’origine de ces contaminations de l’eau par du plomb, telle qu’on aurait pu le supposer en imaginant, une contamination environnementale de la ressource, Olivier Brahic, directeur de l’agence régionale de santé (ARS) de Mayotte, a indiqué à notre rédaction que « grâce aux investigations menées, nous avons pu caractériser et identifier la source de cette contamination de l’eau au plomb, qui est très clairement la robinetterie. »
Ainsi, les mesures de précaution émises en décembre 2023 ont été levées. L’eau distribuée à Mayotte est potable et conforme aux exigences requises pour la consommation humaine, y compris dans les villages de Tsararano, Ongojou, Dembeni, Iloni, Hajangoua, Hamouro, Ngnambadao, Bandrélé et de Sada.
Les robinets en laiton coupables de transmettre du plomb !
Olivier Brahic l’explique : « Sur l’ensemble des contrôles réalisés, lorsque nous avons réalisé des analyses sur des robinets du territoire, les résultats ont révélés, au premier jet, une quantité de plomb dans l’eau anormalement supérieure aux limites autorisées. D’après l’ARS, « cela concerne à la fois les robinets de particuliers, comme les robinets mis en place sur les rampes d’eau par la Société mahoraise des eaux (SMAE) ».
Le directeur général de l’ARS explique que les différentes comparaisons des robinets suspects ont démontré que « le robinet en laiton est à l’origine d’un relargage de plomb au sein de la ressource en eau » et déclare que « les robinets conçus 100% en zinc ne sont pas concernés. »
De multiples contrôles de la ressource en eau pour protéger la population
A date des dernières connaissances sur ces investigations, les autorités sanitaires se veulent rassurantes en ce que ces éléments indiquent que la ressource en eau n’est pas polluée avant qu’elle se dirige dans le conduit de certains robinets.
Le directeur de l’ARS affirme que l’ensemble de ces contrôles sont le fruit d’une volonté de « protéger au mieux la population« . En effet, l’ARS insiste sur le fait que ces alertes témoignent d’un effort accru des autorités à contrôler scrupuleusement la ressource pour garantir la qualité de l’eau distribuée : « Depuis le 5 décembre, 171 prélèvements ont été réalisés, alors que la règlementation nous impose d’en réaliser entre 70 et 90 par an » déclare Olivier Brahic.
Et maintenant… qu’allons-nous faire pour contrôler les robinets de l’île ?
La règlementation nationale applicable à la mise sur le marché et à l’utilisation des matériaux et objets entrant en contact avec l’eau, comme les robinets, est dense et complexe.
Premièrement, la Préfecture et l’ARS de Mayotte vont émettre des rappels à la règlementation à destination des installateurs et revendeurs de robinets à Mayotte pour le respect des normes en vigueur.
Il est notamment recommandé « à tous les particuliers ou professionnels, équipés de robinets vieux de plus de vingt ans de les changer ». L’ensemble des robinets des « rampes d’eau » vont être remplacés par la SMAE.
Aussi, l’ARS de Mayotte assure que le contrôle sanitaire de l’eau spécifique aux métaux lourds va être poursuivi durant plusieurs semaines afin de surveiller l’évolution de la situation : « Toutes unité de distribution d’eau potable (UDI) vont continuer d’être testées et nous transmettrons des messages de précaution autant que cela s’avèrera nécessaire » assure Maxime Ransay-Colle, conseiller médical à l’ARS.
Du plomb retrouvé seulement « au premier jet de certains robinets »
L’ARS insiste sur le fait qu’une faible quantité de plomb a été retrouvée suite aux analyses réalisées, « seulement au premier jet de certains robinets, de particuliers et des rampes d’eau ». C’est la raison pour laquelle, à titre de précaution, l’ARS recommande aux usagers de « laisser couler le robinet pendant dix secondes afin de purger l’eau qui aurait pu y stagner. »
D’après le Dr. Ransay-Colle, il n’y a pas de risque d’être malade : « Une faible teneur en plomb a été retrouvée dans l’eau en sortie de certains robinets, il faudrait donc avoir ingéré une quantité gigantesque de plomb, de façon chronique, pour être supposément exposés à un risque sanitaire à moyen et long terme. »
Laisser couler l’eau 10 secondes, une recommandation valable dans tous les départements français ?
Olivier Brahic le rappelle : « Cette conformité ou non conformité au plomb n’est pas spécifique à Mayotte ». Le directeur de l’ARS cite l’exemple de plusieurs écoles de l’agglomération lyonnaise, en septembre 2023, dont les contrôles sanitaires de l’eau avaient révélé une quantité de plomb très anormalement supérieure aux limites autorisées. Même cas d’école, puisqu’après investigations, cette contamination au plomb avait été décelée dans les robinets de ces établissements scolaires.
Olivier Brahic conclut qu’à date des connaissances de ces investigations, « la ressource en eau n’est pas en tant que telle à l’origine de cette contamination au plomb. »
En revanche, à notre question sur un éventuel lien de causalité entre les principes physico-chimiques de la ressource en eau à Mayotte et les matériaux métalliques, comme causes, d’une contamination de la ressource au plomb, le Directeur de l’ARS l’admet : « Le type d’eau que nous avons à Mayotte, propre à notre territoire, peut favoriser une corrosion plus importante sur des matériaux métalliques et donc un relargarge plus important sur la robinetterie, à l’origine d’une contamination de plomb. »
Le message est donc clair : mieux vaut attendre 10 secondes avant de consommer l’eau qui coulerait de nos robinets, bien que le risque de retrouver une faible quantité de plomb, ne soit pas systématique, puisqu’il dépend du type des installations concernées.
Enfin, si la provenance des robinets incriminés sera certainement dévoilée après de plus amples investigations, des messages de prévention seront transmis par les autorités sanitaires.
Alors laissons couler l’eau 10 secondes en sortie de robinet mais attention pas trop, car même si la pluie est arrivée, l’eau reste notre bien le plus précieux.
Mathilde Hangard