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Mamoudzou
lundi 20 janvier 2025

Du plomb dans l’aile et manifestement dans l’eau !

Mercredi 6 décembre, le Préfet de Mayotte et le directeur général de l’Agence régionale de santé (ARS) de Mayotte avaient tenu une conférence de presse en urgence pour annoncer « la présence de plomb dans les eaux traitées, au-delà des seuils d’alerte ». Dès le lendemain, l’alerte de précaution avait été levée suite à de nouvelles analyses dont les résultats s'étaient avérés conformes. Depuis le 14 décembre au soir, deux nouvelles alertes ont été émises interdisant la consommation de l’eau dans le Sud-est de l’île. 

Vendredi 15 décembre, alors qu’une conférence de presse se tenait en la salle Erignac de la Préfecture de Mamoudzou en présence du Préfet de Mayotte, Thierry Suquet, pour le départ de Gilles Cantal, Préfet délégué en charge de la mission eau, très peu d’informations, en comparaison avec la première alerte au plomb du 6 décembre, ont été transmises à propos de cette nouvelle alerte au plomb qui concerne les eaux du sud-est de Mayotte.

Borne, dessalement
Elisabeth Borne lors de la visite de l’usine de dessalement de Petite-Terre (®MLG)

Cette 2ème alerte au plomb, signalée une semaine jour pour jour après la visite de la Première ministre, Elisabeth Borne, du Ministre de la Santé et de la Prévention, Aurélien Rousseau et du Ministre chargé des Outre-mer Philippe Vigier, concerne les communes de Tsararano, Ongojou, Dembeni, Iloni, Hajangoua, Hamouro, Ngnambadao et Bandrélé village. 

Ces communes, qui n’avaient déjà pas été épargnées par la première alerte au plomb survenue le 5 décembre dernier, sont spécifiquement concernées lors de cette 2ème alerte, où la quantité de plomb dans l’eau du robinet des usagers dépasse la limite des 10 microgrammes par litre (µg/L) fixée par le code de la santé publique.

Comment expliquer cette deuxième alerte au plomb sur des communes déjà concernées par une première alerte, une semaine après la visite ministérielle du 8 décembre dernier ? Alors que de nouveaux prélèvements confirment, ce lundi 18 décembre au soir, les résultats de cette deuxième vague d’analyses, l’alerte de non potabilité reste maintenue jusqu’à nouvel ordre en attente des prochains résultats.

La qualité des eaux de Mayotte fait l’objet d’un contrôle « très serré et surveillé » 

Conférence presse eau plomb
De gauche à droite, Gilles Cantal, Préfet de l’eau, Thierry Suquet, Préfet de Mayotte et Olivier Brahic, Directeur général de l’ARS Mayotte, réunis lors d’une conférence de presse du 6 décembre 2023 suite à une alerte au plomb dans 55% des eaux distribuées à Mayotte (©M.Hangard)

Dans le cadre de la crise de l’eau, l’ARS avait déclaré avoir multiplié par plus de 2 les contrôles réalisés sur la ressource, « pour garantir la sécurité sanitaire des citoyens, soit l’équivalent de plus de 600 contrôles par an ». Ces prélèvements sur les ressources en eau font l’objet d’analyses tripartites entre le Laboratoire Vétérinaire et d’Analyses Départemental de Mayotte (LVAD 976), le Laboratoire Départemental des Eaux et d’Hygiène du Milieu (LDEHM) de La Réunion et le Laboratoire Départemental d’Analyses de la Drôme (LDA 26) dans l’Hexagone. 

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De gauche à droite Mikaël Vacher, Marie-Pierre Mouton et Félix Massat, directeur scientifique du LDA. (©C.Matras)

D’après Félix Massat, directeur scientifique du Laboratoire Départemental d’Analyses de la Drôme, que nous sommes parvenus à contacter, « les protocoles d’analyses de notre laboratoire sont corrects et sont accrédités COFRAC, permettant de donner une garantie aux résultats. » 

Cependant, à l’évocation d’une alerte émise au sujet du plomb, puis infirmée par de nouvelles analyses, puis réitérée jeudi 14 décembre et confirmée ce lundi 18 décembre au soir, Félix Massat explique que la question du prélèvement n’est pas négligeable : « La question des conditions de réalisation des prélèvements sur la ressource pourrait se poser, notamment sur la temporalité de leur réalisation et leur localisation exacte. » 

Mais le directeur scientifique l’affirme : « Les équipes locales mettent tout en oeuvre pour surveiller étroitement la qualité de l’eau dans ce contexte. »

Alors qu’aucune canalisation en plomb pour la distribution de l’eau potable n’existe à Mayotte et que l’eau distribuée subie de très nombreux prélèvements, la présence de plomb dans les eaux distribuées suscite d’autant plus interrogations. 

A Mayotte, l’eau utilisée pour la production des eaux de consommation humaine provient de ressources profondes exploitées par des forages et des ressources superficielles, comme les rivières, les retenues collinaires et l’eau de mer.

Pourtant, le 30 octobre 2023, le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) avait rendu un avis défavorable à l’utilisation de l’eau du fond des retenues collinaires pour la production d’eau destinée à la consommation humaine (EDCH), en dépit de la situation exceptionnelle de pénurie d’eau à laquelle est confrontée la population de Mayotte. 

Lors de la conférence de presse sur l’alerte au plomb du 6 décembre dernier, le préfet de Mayotte déclarait : « Évidemment si les retenues présentent des traces de métaux lourds, on ne les utilisera plus. »

Malgré cela, à l’heure où nous écrivons cet article, les causes de cette contamination des eaux par le plomb n’ont pas été démontrées et l’utilisation des ressources superficielles, se poursuit alors même que l’alerte de précaution relative à l’interdiction de consommer l’eau pour les usagers des communes du sud-est de Mayotte, est toujours en cours.

Alors que le territoire connaît un stress hydrique sans précédent, les eaux exploitées pour produire de l’eau potable, bénéficient-elles d’une protection suffisante ? 

Rivière, Mtsapéré
Enfants se rinçant dans la rivière de Mtsapéré, contaminée par de nombreux déchets (plastiques, batteries…)/ ©M.Hangard

Face à une contamination de la ressource au plomb et au niveau toujours timide des ressources en eau disponibles, la question de la protection des zones de captages et du contrôle des installations d’eau potable se pose encore et toujours. 

Ces nouveaux résultats d’analyse viennent donc confirmer cette alerte au plomb suspectée dans les eaux distribuées dans le sud-est de l’île depuis le 14 décembre au soir. Ces communiqués posent des interrogations manifestes et amplifient des doutes qui perdurent sur la qualité de l’eau distribuée et la protection des ressources, que les acteurs de l’eau devront éclaircir. 

Mathilde Hangard 

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