L’idée aurait pu être bonne : rassembler « 500 frères mahorais » pour lutter contre la délinquance aurait pu séduire une population mahoraise qui souffre de plus en plus de la violence quotidienne qui sévit sur notre territoire. Il y a quelques années, les « 500 frères guyanais » avaient réussi ce tour de force de faire nettement chuter la délinquance qui sévissait également violemment sur leur territoire. Mais à Mayotte, le mouvement manquait clairement d’organisation. Le caractère anonyme de l’appel lancé sur les réseaux sociaux l’a décrédibilisé aux yeux de beaucoup. Une page Facebook nommé « collectif anti-criminalité 500F » a bien été créée, mais elle est restée désespérément vide puisque n’y figurait que les points de rassemblement. Contacté, l’administrateur de la page nous a indiqué qu’il n’était justement que cela : un administrateur de page qui, de surcroît, était basé en métropole. Aucun leader donc à la tête de ce mouvement qui, à Mamoudzou, n’a rassemblé qu’une petite cinquantaine de personnes arrivées au compte-gouttes tandis que d’autres, lassés d’attendre, s’en allaient, déçues.
Faute d’organisateur, le rassemblement a fait chou blanc
« Les gens ne veulent pas se bouger, mais demain ils viendront encore pleurer sur la page Facebook Info Route parce qu’ils se seront faits caillassés », se sont exclamées plusieurs personnes présentes. « Moi je suis choquée de ne voir que si peu d’homme alors que le collectif s’appelle « les 500 frères » », a affirmé l’une des manifestantes qui espérait que « la présence d’hommes courageux viendrait rétablir la balance face aux délinquants ». « Je n’ai plus confiance dans l’Etat qui est muselé par trop de normes. Notre île en est à un point où, soit il faut modifier la loi, soit il va falloir agir dans l’illégalité », a-t-elle ajouté. Un autre manifestant a fait part quant à lui de la lassitude de la population. « Il y a eu tellement de manifestations et autres mouvements qui n’ont abouti à rien que les gens sont lassés. Nous ne sommes pas écoutés de toute façon ! », a-t-il déclaré. « Un grand nombre de Mahorais quittent tout simplement l’île, faute de solution à ce problème », nous a confié encore une autre personne. Il est vrai que les 45 jours de manifestation contre l’insécurité de 2018, qui se sont soldés par la venue de l’ancienne ministre des Outre-mer Annick Girardin, n’ont nullement résolu la problématique de l’insécurité sur l’île. Où en est son fameux « plan pour l’avenir de Mayotte » aujourd’hui ? Nul ne saurait le dire… Mayotte a connu une phase de répit après ce mouvement, certes, mais quelques mois plus tard à peine, les violences sont reparties de plus belle et semblent atteindre leur paroxysme actuellement sans qu’aucune solution concrète ne soit visible à l’horizon…
En outre, faute de la présence d’un leader ou, au moins, d’un coordinateur pour lancer et animer le débat, les personnes qui avaient fait le déplacement se sont contentées de faire acte de présence sans que rien n’ait finalement été proposé…Les manifestants, dépités, sont repartis chez eux bredouilles !
De plus gros rassemblements dans le sud et en Petite-Terre
D’après nos informations, l’appel du collectif anti-criminalité semble avoir été davantage suivi dans le sud, dans le nord à Dzoumogné et en Petite-Terre. N’ayant pas le don d’ubiquité pour nous rendre sur les 4 points de rassemblement en même temps, nous avons tenté de nous renseigner sur les réseaux sociaux, mais nous nous sommes heurtés à une animosité manifeste. « C’est top secret » ou encore « elle va en parler à la police », « ça sent le poulet à plein nez » sont les uniques réponses que nous avons pu obtenir. Sans oublier le fameux « les délinquants aussi sont sur les réseaux ». Il semblerait donc qu’une partie de la population songe à préparer des actions en marge de la légalité pour résoudre le problème de la délinquance à Mayotte. A moins que ce ne soit là que paroles en l’air d’internautes devenus très soupçonneux ! En tout cas, si des actions ont véritablement été proposées, leurs initiateurs semblent vouloir garder le secret. Etrange pour une manifestation qui se voulait publique à l’origine…
Nora Godeau