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Tribune de Mansour Kamardine : « La co-construction ce n’est pas pour les chiens ! »

« La rupture entre les Mahorais et l’Etat est presque consommé. Il ne reste que quelques fils d’espoir qui subsistent, notamment en raison de la volonté réelle de quelques responsables nationaux de nous accompagner sincèrement dans notre choix de destin. C’est ce qui a été exprimé au président de la République, qui est le garant de l’unité nationale et territoriale de la France et des Français, lors de la rencontre des ultramarins avec le chef de l’Etat à l’Elysée vendredi 20 octobre. Nous avons exprimé fortement notre préoccupation de politiques de l’Etat fortement déconnectées, voir en opposition, avec les aspirations des citoyens du 101ème département.

En outre-mer en général et singulièrement à Mayotte, les crises sociales sont prévisibles tant les insuffisances sont nombreuses. L’Etat et les gouvernements accusent un retard dans l’appréciation des situations les plus élémentaires. Il a tendance à faire fi des réalités locales même devant l’évidence. Les diagnostics sont faits par d’autres que par les intéressés, par d’autres que par les autochtones, par d’autres que par les communautés de destin vivant sur le territoire. Le recours systématique à une expertise exogène fausse fréquemment l’exposition des vrais enjeux. Pensées et conçues pour la métropole lointaine, les solutions sont plaquées à Mayotte sous le prisme du droit commun ou de l’urgence, sans réelle co-construction avec les acteurs locaux. Globalement, ces modèles nés d’apport extérieur, aux allures de pensée unique, n’ont pas franchement donné des résultats probants. Ils servent de fait à l’Etat à imposer ce qu’il a décidé en amont.

Cour des Comptes, Contrat de convergence, DGOM, CCT, Mayotte, GUyane
Un point plutôt optimiste avait été fait en décembre 2021 sur le Contrat de convergence

La médiocrité, les imperfections, l’oubli et l’amnésie collectifs sont érigés en culture, celle des promesses non tenues. Ceux qui prennent les décisions sont ceux qui défont les espoirs, brisent les destins, organisent de façon consciente ou inconscient le chaos. Mayotte navigue ainsi à vue. Où est passé le Contrat de Convergence de Transformation de Mayotte doté d’un milliard six-cents millions d’euros 2019-2022 ? Quel bilan et quelle évaluation ? Comme par enchantement, il a été effacé de notre mémoire collective et est classé au rang des oublis. S’agissant des fonds européens, après l’épisode ayant conduit à l’éviction du directeur GIP l’Europe à Mayotte, quel bilan tiré de la programmation 2014-2021 ?

Les décideurs agissent en fonction des événements qui se présentent sans pouvoir les anticiper. Ils oscillent en permanence entre recherche de publicité, de « coupables ». Ils s’en remettent systématiquement aux causes habituellement connues pour masquer l’absence de concrétisation des projets. Et nous parlons aussi de moins en moins du « Gaz de Mozambique », du projet de deuxième hôpital sans oublier l’allongement de la piste de l’aéroport Marcel Henry de Pamandzi.

Comme tout projet structurant, l’absence de foncier est érigé, ici, en frein permanent comme si ailleurs notamment en France métropolitaine, il serait gratuit, régulièrement disponible et se ramasserait librement à chaque coin de rue. L’autre raccourci nouvellement popularisé est le sacro-saint manque « d’ingénierie ». Et de s’interroger si c’est l’absence de foncier et le manque d’ingénierie qui sont à l’origine des constructions modulaires tous azimuts ? Le ministère de l’Équipement, berceau de l’ingénierie française dans le secteur du BTP, agrandit ses bureaux de Mtsapéré en s’aidant de construction modulaire aussi coûteuse que les constructions classiques. Le Ministère de l’Éducation n’arrive pas à satisfaire ses propres besoins dont il a à sa charge, l’éducation et la formation des femmes et des hommes devant constituer notre vivier d’ingénieurs.

La préfecture de Mayotte

Depuis deux années, les collégiens de la Commune de Bandraboua ne sont plus scolarisés au collège de Dzoumogné. Ils sont transférés au collège de Hamjago, gonflant de façon artificielle les effectifs de cet établissement. L’établissement accueille aujourd’hui plus de 1560 élèves sur une surface bâtie de 2714 m2, soit 1,73 m2 par élève. La densité d’élèves dans cet établissement est insupportable et la situation n’est pas sans conséquence. Les classes sont naturellement surchargées. Quelle serait l’origine d’une telle situation ? Le collège de Dzoumogné accueille les enfants issus très majoritairement de la commune de Koungou qui ne peuvent pas être scolarisés, faute de places, dans les établissements de Koungou (village) et de Majicavo Lamir. C’est la solution toute trouvée pour faire face à l’explosion des effectifs scolaires dans la commune de Koungou. Il s’agit de la solution miracle avec la promesse de construire deux collèges dans les localités de Bandraboua et Bouyouni. Comme d’habitude, Mayotte est un terrain propice aux promesses et aux études qui n’aboutissent que rarement. Il est bien connu que le temps d’études interminables, est bien différent de celui des événements sociaux à Mayotte qui restent le maître des horloges.

Les experts qui passent ne laissent rien que de piles de documents. Le projet est sur la table depuis un petit moment pour parler du collège du village de Bandraboua. Selon nos diverses sources glanées ici ou là, les études sont bien réalisées et le projet a bel et bien franchi la phase attribution aux entreprises. Un contentieux portant sur le lot gros-œuvre oppose une entreprise localement bien implantée à une entreprise franco-canadienne. Des informations bien concordantes indiquent que le maître d’ouvrage, au lieu de trouver une solution face à ce litige, abandonnerait simplement le projet après avoir englouti énormément d’argent public dans les études et créé des conditions de scolarisation difficiles pour plusieurs centaines d’élèves. Ce projet initié sous mandant de l’ancien recteur n’a pas vocation à être ajourné ou transféré ailleurs compte tenu de l’urgence. Peu importe les desideratas des uns et des autres, la scolarisation des enfants mahorais dans des meilleures conditions est une priorité. Elle ne doit pas être sacrifiée sur l’autel de la recherche d’une hypothétique concurrence sur les marchés publics, raison mise en avant par le maitre d’ouvrage et présidant à l’abandon du projet. Le site du futur collège de Bandraboua est localisé sur l’emplacement des locaux vétustes des anciennes classes préprofessionnelles (PPF) qui accueille depuis quelques années la formation « assistants géomètres » du lycée professionnel de Dzoumogné également vétuste et saturé.

La préfecture de Mayotte

Le séjour d’un préfet à Mayotte est d’une durée moyenne de deux ans, c’est la règle. C’est plutôt « un accompagnateur qu’un développeur ». Il est de coutume qu’à Mayotte, les fonctionnaires de l’Etat passent et repassent en laissant derrière eux de nombreux projets ne voyant jamais le jour. Le projet change au gré du turnover en l’absence d’une permanence de mémoire. Il y a maldonne si ce n’est pas un quiproquo regrettable. Dans une organisation qui se respecte, la continuité de service est le maître-mot et la réalisation des engagements une impérieuse nécessité. C’est une condition première de l’exercice de la démocratie.

Mansour KAMARDINE – député de Mayotte

*Pour consulter l’article, cliquer ICI 

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