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Mamoudzou

Comment transmettre les valeurs de la République aux jeunes ? Le général Menaouine répond

De la fierté d’être français à la maitrise de ses valeurs, il y a parfois un gouffre que tente de combler une version actualisée du service national. Cela débute avec les classes défense que l’Education nationale aimerait voir se multiplier à Mayotte. Il en va du partage des mêmes valeurs des jeunes, mais aussi des adultes au sein de la République. Le général Menaouine était à Mayotte pour parler des nouvelles mesures, dont la montée en puissance du service national universel.

« Faire nation », le terme était lâché par le recteur Gilles Halbout pour signifier qu’en France notamment, « les habitants ne vivent pas ensemble par contrainte mais par choix ». Des valeurs partagées au sein de la République, il en fut beaucoup question lors de la conférence du général Daniel Menaouine, directeur du service national et de la jeunesse. C’est lui qui dirige le groupe de travail sur le service national universel mis en place à la demande du Président de la République. Il était venu au DLEM (Détachement de la Légion étrangère de Mayotte), annoncer le Plan « Ambition armées-jeunesse » pour 2022, qui prend en compte la montée en puissance du service national universel (SNU) et la contribution du ministère au plan gouvernemental « Un jeune-Une solution ». Un nouveau parcours défense est proposé, qui commence par la phase zéro, au collège, avec les classes défense.

Il y a trois classes défense à Mayotte, en partenariat avec des acteurs différents : au collège de Dembéni avec la Légion, à K2 avec la Police nationale, et au collège Boueni Mtiti de Labattoir avec la Base navale. « Mayotte est un territoire où l’on ressent la fierté d’être français, mais on n’en rappellera jamais assez les valeurs. Il faut les connaître et les pratiquer », soulignait Gilles Halbout, un des acteurs du Trinôme académique avec l’IHEDN et les FAZSOI (la Défense dans la région).

Les acteurs militaires et civils du Trinôme académique et du Plan « Ambition armées-jeunesse » 2022

Pour illustrer ce partage et ce sentiment d’appartenir à la même nation, le général Menaouine relatait la réponse d’une élève en zone d’éducation prioritaire en banlieue de Dijon, au ministre de l’Education Nationale Jean-Michel Blanquer qui la sollicitait après le passage de la patrouille de France au-dessus de son établissement : « C’était super, on a eu l’impression d’être des français comme les autres ». Sur le même registre, l’écrivain et ancien syndicaliste Noussoura Soulaimana, rapportait sa sensation après avoir intégré l’IHEDN* : « Quand on vit ça, on a l’impression de participer au pot commun ».

L’autre engagement vers ces valeurs communes, c’est le Service National Universel (SNU)** qui le propose, « 60 jeunes l’ont effectué au lycée de Tsararano, nous avons comme objectif d’en accueillir 200 cette année », rapporte Gilles Halbout. Le SNU a été mis en place en 2019 par le premier ministre Edouard Philippe, comme successeur a minima du service national. C’est sur tous ces thèmes que nous avons interviewé le général Menaouine.

Le Service National Universel et les mesures prises dans le cadre du Plan « Ambition armées-jeunesse », mettent en évidence le vide laissé par la suppression du service militaire. S’oriente-t-on vers une nouvelle version ?

Général Daniel Menaouine : Le Service militaire était un volet du Service national. Il faut avoir l’intelligence de le replacer dans notre époque. Or, ces jeunes demandent moins d’efforts militaires que d’efforts civils. Cela peut prendre la forme de Service civiques, de service à l’aide aux personnes âgées, de services en faveur de la défense de l’environnement et de lutte contre le réchauffement climatique, etc. Et avec l’instauration du Service National Universel, le président de la République ambitionne de toucher 240.000 jeunes, c’est à dire le tiers d’une tranche d’âge de l’année de référence.

Mais en le basant sur le volontariat, ne risque-t-on pas de passer à côté de jeunes qui sont le plus en souffrance, et qui nécessiteraient ce type de formation et d’encadrement ?

Victor Bakam : « Il faudrait généraliser les classes défense à tous les collèges de l’île »

Général Daniel Menaouine : Il faut en effet être volontaire, mais avec une phase de cohésion de 12 jours qui délivre un apprentissage des valeurs que beaucoup méconnaissaient. Passer vers un système obligatoire impliquera de mettre en place un encadrement et des infrastructures d’un niveau bien supérieur. Et quand on oblige, il y en a toujours qui cherchent à l’éviter. Il faut essayer de rendre ce SNU peu à peu incontournable.
Le nouveau parcours défense proposé aux jeunes Français par le Plan « Ambition armées-jeunesse » 2022 s’appuie sur les quatre phases du SNU. La phase initiale pour les jeunes de 13 à 16 ans, avec les activités scolaires et périscolaires dont les programmes des classes de défense et des cordées de la réussite. La phase 1 de sensibilisation, pour les jeunes de 16 à 17 ans, avec les activités obligatoires que sont la Journée Défense et Citoyenneté, et demain la JDM, Journée Défense et mémoire. La phase 2 du service, destinée aux jeunes de 17 à 18 ans, est celle des activités de pré-engagement telles que les Mission d’Intérêt général défenses et mémorielles, les préparations militaires ou les formations de réservistes. Et la phase 3, celle de l’engagement, pour les jeunes de 18 ans et plus, dans les armées, dans le Service Militaire Volontaire en métropole et le service militaire adapté en outre-mer et enfin dans le service civique.

Les intervenants enseignants de cette matinée au DLEM font tous remonter des demandes fortes d’élèves. Pour ne citer que Victor Bakam, principal du collège Boueni M’titi de Labattoir, « on a gagné 500 à 600 élèves en 5 ans. La classe défense créée à Dembéni cette année témoigne d’un besoin d’Etat, dans un rapport qui frise le ‘je t’aime-moi non plus’. Il faut la dupliquer dans les 22 collèges de l’île, ce serait un gros plus vers la citoyenneté, car un jeune qui sort du système scolaire ou qui reste coincé à Mayotte, c’est une grenade qu’on a dégoupillée »… Or, il n’y a que trois classes défense ici.

Général Daniel Menaouine : Je comprends, mais comme je le lui ai répondu, on ne pourra pas créer ici 22 classes défense, comme c’est le cas à La Réunion. Il y en a 380 en totalité en France, il y en a plus ici que dans le 16ème arrondissement de Paris.

Mais en prenant en compte que la population de Mayotte est le tiers de celle de La Réunion, et pour moitié composée de jeunes de moins de 17 ans, nous devrions miser sur 8 ou 9 classes défense ici, non ?

Général Daniel Menaouine : Cela dépend surtout des disponibilités des unités militaires, il n’y en a pas assez, il faut des encadrements. Nous avons envisagé avec le recteur de mettre en place des ateliers défense, et les structures accueillantes pourraient prendre en charge régulièrement un petit effectif de jeunes.

Lors des échanges, Gilles Halbout proposait de dupliquer ce partenariat avec les Sapeurs pompiers, la gendarmerie nationale et le RSMA.

Propos recueillis par Anne Perzo-Lafond

* l’IHEDN : Institut des Hautes Etudes de la Défense Nationale

** Le SNU comporte deux phases obligatoires de deux semaines chacune : un séjour de cohésion et une mission d’intérêt général. Chaque jeune peut ensuite poursuivre une période d’engagement de trois mois minimum, s’il ou elle le souhaite

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