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Mamoudzou

Informatisation du service de réanimation du CHM : entrée dans un club restreint

Entre la grande feuille A2 où était stocké le dossier du patient admis en réa, et l’ordinateur interactif qui permet la traçabilité, il y a un écart quasiment séculaire que franchit le CHM... comme seulement un quart des services des établissements hospitaliers de France. « Je ne peux pas envisager de retour en arrière », confie le docteur Renaud Blondé en charge du service de réanimation.

Comme tous les jours, dans une chambre du service de réanimation, l’infirmière et l’aide-soignante s’activent pour prodiguer leurs soins. La malade, allongée sur le ventre, est placée sous coma artificiel. De temps en temps, elles jettent un coup d’œil à un écran multicolore, où s’affichent tout un tas de données, « elles font toutes référence à la patiente, et nous permettent de voir les nouvelles prescriptions du médecin en temps réel, d’observer ce qui a changé depuis la veille, et d’avoir une traçabilité parfaite de son parcours de soins. Avant, tout était sur un papier, il fallait changer de feuille à chaque relève ». « Avant », c’était lors de la première vague de l’épidémie en mars, lorsque le service n’était pas informatisé.

Lorsque Renaud Blondé, Chef du Service de Réanimation, et Christophe Heuberger, Directeur général de Terenui, éditeur du logiciel de réanimation Grimoires, exhibent la feuille géante qui étaient utilisée, et renouvelée chaque jour, pour synthétiser les informations sur le patient, on se dit qu’on est passé de l’ère de la trottinette à celle du scooter, « nous avons évolué d’un avion Caravelle à un 787 flambant neuf », illustre Renaud Blondé. Le plus incroyable, c’est que seulement 25% des services de réanimation en France ont sauté le pas, les autres en sont encore au papier.

Le docteur Blondé (à gauche) et l’ingénieur Christophe Heuberger, présentent l’informatisation (dans leur dos) des données synthétisées auparavant sur une feuille

Stabilité de l’équipe médicale en réa

A cela plusieurs raisons. « L’étendue des données à intégrer est complexe : environ 8.000 sont à traiter, nous n’en retenions que 400 à 500 avec le papier. Il s’agit de d’assistance respiratoire, de dialyse, de l’ensemble des prescriptions, des posologies, des analyses bactériologiques, etc. Surtout que sur les réanimations pédiatriques, il faut doser au millilitre prés. Il fallait pouvoir prendre en charge tout ça, c’est ce que nous avons fait avec le logiciel Grimoires », informe Christophe Heuberger.

Renaud Blondé a une autre explication : « En France, l’hôpital va mal, tous les services de réanimation n’ont pas une équipe médicale complète, et ce sous-effectif ne permet pas de dégager quelqu’un sur 3 mois pour initialiser toutes les données comme nous avons pu le faire entre les deux vagues, grâce à une équipe qui est restée la même depuis 6 ans. »

Une autre raison tient dans la spécificité du Centre Hospitalier de Mayotte (CHM), financé par une Dotation Globale de Fonctionnement*, et non à l’activité comme l’ensemble des hôpitaux du pays, en dehors de Saint-Pierre et Miquelon et Mayotte donc. Régime plus favorable, selon la Chambre Régionale des Comptes, la dotation globale a permis « d’avoir davantage de marges de manœuvre », explique encore le chef de la Réanimation.

Une formation qui a surfé sur les vagues

Le CHM à Mamoudzou

L’investissement de 200.000 euros de l’ARS Océan Indien, « avant la bascule », a permis d’équiper les 16 chambres du service. « Alors que les hôpitaux parisiens n’ont pas encore informatisé leur réa, et qu’à La Réunion, sur 10 services de réa, seul Saint Pierre est informatisé, je peux vous dire que ça constitue un sacré facteur d’attractivité pour contrer le turn-over à Mayotte ! », s’exclame le médecin.

Il évoque ce qu’il appelle la « première vaguelette de Covid » en mars 2020, « où 50 patients ont été intubés », contre 182 de celle qui a touché Mayotte en ce début d’année, « nous avons pu former le personnel entre les deux, en novembre 2020, malgré l’incertitude liée aux motifs impérieux pour voyager. » La « très forte interconnexion avec tout le dossier patient sur l’ensemble de l’hôpital », est un plus souligné par l’ingénieur.

L’informatisation diminue le risque d’erreur lié à la fatigue notamment, « par exemple, avant, si le service était sous-tension, l’infirmière pouvait avoir du mal à me délivrer le bilan biologique, là, j’ai tout sous la main », se réjouit le médecin.

Un système qui évite au personnel soignant de revenir régulièrement dans la chambre pour contrôler l’évolution de l’état de santé du patient, « ce qui limite la transmission du virus. »

Nous avons même eu droit à une démo, puisque le docteur Blondé lançait une nouvelle transmission depuis son bureau, alors que dans la chambre de la patiente l’ordinateur de bord du « 787 » affichait « Alerte modification » pour les infirmières. On peut dire que le rythme de croisière est atteint.

Anne Perzo-Lafond

* La DGF*, dite « budget global » est une dotation forfaitaire rémunérant la part des dépenses prises en charge par la caisse de sécurité sociale.

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