Les bulletins de l’ARS Mayotte se suivent et se ressemblent, imitant de mauvaises copies d’élèves, barrées de flèches rouges, témoin d’une hausse des indicateurs. Mais il y a des variables non négligeables à intégrer. Le nombre de personnes testées par exemple. Si, comme ce fut le cas début janvier, ce nombre augmente dans la même proportion que le nombre de tests positifs, on ne peut pas parler d’aggravation de circulation, mais de l’application de l’adage, « quand on cherche, on trouve ».
Et il y a des situations où on trouve plus que ce que l’on cherche. C’est le cas du dépistage dans un cluster : sur 20 personnes testées, on a davantage de chance de tomber sur des cas positifs, que sur la même opération effectuée au hasard dans la rue.
Nous avons donc contacté l’ARS Mayotte pour connaître le profil des personnes dépistées actuellement.
Mêmes s’il a diminué ces derniers jours, le taux de dépistage reste élevé, autour de 2.800 pour 100.000 habitants, « nous sommes un des départements les plus testés ». L’inflation des tests début janvier peut s’expliquer par une évolution du mode de dépistage. Tout d’abord, « nous utilisons proportionnellement moins les PCR, et davantage les tests antigéniques.» Avec des résultats obtenus plus rapidement, ils permettent de gagner du temps sur les dépistages des cas contacts. Ces derniers ayant également plus de chance d’être positifs que la moyenne des habitants.
Les urgences pèsent dans la balance
Autre variation notable et susceptible de modifier les données, celle du profil des personnes détectées : « Nous avons beaucoup moins de tests de voyageurs et davantage de tests pratiqués aux urgences. » La probabilité de trouver des cas positifs chez les voyageurs était plus faible, alors qu’elle grimpe en flèche aux urgences. Ce qui peut expliquer la flambée du taux de positivité.
C’est pourquoi l’ARS va chercher ailleurs voir si le virus y est. « Nous avons dépisté ce mardi à Vahibé et à Acoua pour voir si le virus circule dans ces zones ».
Mais le plus gros impact sur le taux de dépistage, fut la modification depuis décembre des méthodes utilisées, indique Santé Publique France. Auparavant, dans le calcul des indicateurs étaient prises en compte uniquement les personnes testées positives pour la première fois depuis le 13 mai et celles testées négatives pour la première fois depuis le 13 mai. Ainsi, étaient exclues les personnes multi-testées négatives avec comme conséquence une sous-estimation croissante au cours du temps du nombre de personnes testées. Ce qui semble logique, mais qui conduisait à une sous-estimation du taux de dépistage et donc à une surestimation du taux de positivité. Aujourd’hui, on comptabilise les personnes ayant eu un test ou plus pendant 7 jours, et qui n‘ont jamais été testées positives dans les 60 jours précédents, et les personnes re-testées positives pour la première fois depuis plus de 60 jours (cas de réinfections, « très rare mentionne Santé publique France »). Cette nouvelle définition a mécaniquement augmenté le taux de dépistage, cela s’est vu dans les chiffres notamment à Mayotte, et induit une diminution du taux de positivité. Ce fut le cas en janvier, mais la flambée épidémique de ces derniers jours l’a fait remonter en flèche.
La réinfection, un sujet fragile
Cette évolution intègre donc un délai de 2 mois avant de considérer qu’une personne est de nouveau positive. Il permet de mettre en évidence avec davantage de certitude les éventuelles et très rares réinfections. Pour l’ARS, « il n’y a pas de réinfection à Mayotte, et on compte un seul cas lié au variant sud-africain en France. Il est actuellement étudié pour sa gravité ». Quatre mois après une infection bénigne au Sars-CoV-2, un homme a été de nouveau diagnostiqué positif à Paris, avec présence du variant Sud-Africain. Il développe un syndrome de détresse respiratoire aigüe. « Il se peut qu’il n’ait pas développé assez d’anticorps lors de la 1ère infection, et qu’il ait pu de nouveau être contaminé avec le variant ». La plupart des scientifiques s’accordent pour dire que ce phénomène de réinfection demeure rare.
Pourtant, du côté de Santé publique France, on n’est moins catégorique sur l’absence de réinfection à Mayotte, « nous avons plusieurs cas suspects à l’étude », nous indique Marion Subiros. Plusieurs classifications sont utilisées : « le cas peut être suspect, possible, probable ou confirmé selon les critères auxquels il répond ».
A Mayotte, cette mutation du virus qui pourrait re-contaminer, est suivie de prés, puisque les derniers relevés passés par l’Institut Pasteur font état d’une présence à 70% des infections, du variant sud-africain, indiquait ce mardi Dominique Voynet. « Nous maitriserons davantage l’ampleur de sa présence dès que nous recevrons les amorces de séquençage permettant de le dépister à Mayotte », avait indiqué la directrice de l’ARS Mayotte, en l’envisageant pour mi-mars en conférence de presse.
Enfin, une autre étude est lancé par Santé Publique France, rapporte toujours Marion Subirons, « nous allons nous pencher sur les personnes qui pourraient être en échec vaccinal, c’est à dire qui ferait une infection après l’injection de la 2ème dose du vaccin, alors que les défenses immunitaires sont censées avoir été activées. »
En conclusion pas très rassurante, rappelons qu’en raison du peu de recul sur une épidémie qui a à peine plus d’un an, une question essentielle demeure sans réponse : la durée de l’immunité, après contagion ou après vaccin. Evaluée sans certitude entre 6 et 8 mois par les dernières études, elle évolue en permanence. Avec comme seul espoir une fragilisation du virus, car l’immunité collective ressemble du coup de plus en plus à un mirage.
Anne Perzo-Lafond