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Mamoudzou

L’appel du sénateur Thani Mohamed au premier ministre sur le manque de moyens à Mayotte entendu

En septembre dernier, à la suite de violences qui avaient sévi à Kawéni, le sénateur Thani Mohamed Soilihi nous avait donné une interview qui faisait aussi suite à son appel au premier ministre Jean Castex. « Monsieur le Premier ministre, la situation à Mayotte a progressivement mais inéluctablement empiré », y écrivait-il en entame. Il y rappelait le diagnostic fait en 2018 à l’issue du mouvement social contre l’insécurité, « un espoir était né de l’envoi par Annick Girardin d’une délégation de hauts-fonctionnaires sous l’autorité du préfet Sorain et du plan de redressement qui en est sorti », et s’étonnait du peu d’évolutions de celui-ci, « la situation est quasiment revenue au point de départ et les remontées du terrain me confirment que tout est réuni pour un nouveau soulèvement de l’île et à tout le moins, pour une détérioration pérenne des conditions de vie des Mahorais. »

La situation telle que la livrait le 8 juin 2018 le préfet Dominique Sorain dans une synthèse à la demande de la délégation interministérielle après son passage à Mayotte, portait sur les besoins en renforts des services de l’Etat à Mayotte.

Pour justifier les moyens qu’il demande, Dominique Sorain, « Délégué du gouvernement » car dépendant directement du Premier ministre, demandait à Paris « d’avoir à l’esprit le retard social et économique dans lequel se situe le département de Mayotte ». Il citait quelques chiffres, dont, « 41% de sa population est étrangère, le taux d’illettrisme est de 42%, 6 logements sur 10 sont dépourvus de confort sanitaire de base (…), la fréquence des vols avec violence dans le chef-lieu de Mamoudzou est cinq fois supérieure à la moyenne nationale avec 7,3 vols pour 1 000 habitants ».

« Mayotte est nettement en retard administratif »

Eric Dupont Moretti, Thani Mohamed, Mayotte
Thani Mohamed Soilihi reçu par Eric Dupont-Moretti en octobre dernier

Autre constat fait par le même préfet, « au retard social et économique s’ajoute le retard administratif de Mayotte. Pour un même niveau d’habitants, les services de l’Etat à Mayotte sont en fort sous-effectif par rapport à un département comme la Guyane ». En illustrant l’effort de fonctionnement de l’Etat par habitant en 2018 : il était de 4.268 euros à Mayotte contre 7.598 en Guyane. Quasiment la moitié.

La majeure partie de l’effort de l’Etat Outre-mer étant constituée par le traitement des fonctionnaires qui y sont affectés, rappelait Dominique Sorain, « le département de Mayotte est nettement en retard administratif par rapport à la Réunion, la Martinique, la Guadeloupe et surtout par rapport à la Guyane ».

Cet argumentaire est précédé des besoins, détaillés par fonction à la préfecture et dans les services de l’Etat, « pour l’année 2018 et au 1er septembre, les priorités urgentes sont de 17 postes, hors plateforme d’ingénierie publique, également urgente », ponctué d’un abécédaire propre à la fonction publique, « un agent de catégorie A+ pour le cabinet de la préfecture », même niveau au SGAR, 3 postes A à la DIECCTE, même demande pour la DEAL, une catégorie A+ et une A à la DJSCS, etc.

Dominique Sorain demandait en substance « une remise à niveau de l’administration française à Mayotte ».

Six ministres appelés à plancher

La Légion appelée à pérenniser sa collaboration

Alors que ce week-end, des violences ont de nouveau été perpétrées, nous nous sommes interrogés sur les actions mises en place alors que l’année 2020 se termine. Y a-t-il eu un bilan d’étape des recommandations de Dominique Sorain, dont il fallait juste cocher des cases notamment sur le recrutement de compétences à la préfecture ?

Dans son courrier au ministre, Thani Mohamed Soilihi avait notamment sollicité des gendarmes et des policiers supplémentaires, un renfort dans la police judiciaire, « la pérennisation de la collaboration de la Légion étrangère », et de monter en puissance dans les reconduites à la frontière, « pour atteindre 40 puis 50.000 par an. »

Nous avons de nouveau interpellé le sénateur, qui nous révèle avoir reçu une réponse du premier ministre Jean Castex le 16 novembre dernier. « Le premier ministre revient sur mes propositions en indiquant qu’elles couvrent un large champ, et que des réunions se sont déjà tenues en interministériel sur le dossier des moyens à allouer à Mayotte. Des décisions vont être prises, indique-t-il, Jean Castex a sollicité les ministres des Armées, celui de l’Europe et des Affaires étrangères, de l’Intérieur, le Garde des Sceaux, le ministre de l’Economie et des Finances, et le ministre des Outre-mer. » Le parlementaire mahorais considère que l’envoi d’une soixantaine de gendarmes mobiles répond justement à ses demandes, mais qu’il faut dresser un point précis pour s’assurer que ce ne sont pas de simples remplacements.

Les services ne sont pas tous dotés des compétences idoines et d’un niveau demandé. On nous ressort régulièrement des raisons d’attractivité, quand il suffit de mettre les moyens financiers pour chaque poste, ou d’adapter des mesures. « La délégation interministérielle de 2018 avait suggéré de recourir aux contractuels de la fonction publique et d’assouplir le décret sur l’Indemnité de sujétion géographique en proposant de ne pas la limiter à une seule personne d’un couple de fonctionnaires. Cela éviterait qu’ils viennent en célibat géographique alors que l’Etat peut proposer un poste au conjoint », indique le parlementaire qui continue à solliciter les sphères au pouvoir. Il a été contacté par des énarques, « ils proposent un partenariat pour travailler sur les dossier pour partie en présentiel, pour partie à distance. »

Un point sur les avancées depuis le diagnostic du préfet Sorain serait donc le bienvenu.

Anne Perzo-Lafond

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