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lundi 17 mars 2025

À Mayotte, l’eau se fait rare : déshydratation et chaleur, une combinaison mortelle

La combinaison d'une chaleur extrême, du jeûne pendant le Ramadan et d'une pénurie d'eau persistante met la population dans une situation sanitaire précaire, exposant notamment les plus vulnérables à un risque majeur de déshydratation.

Sur le 101ème département français, les habitants font face à une combinaison triptyque redoutable entre une chaleur extrême, la pratique du jeûne dans le cadre du mois sacré et une pénurie d’eau persistante. Le Dr. Jean-Marc Roussin, représentant URPS des médecins de Mayotte, tire la sonnette d’alarme face à la situation sanitaire particulièrement préoccupante. Les températures record, la pratique du jeûne et la crise de l’eau exacerbent la vulnérabilité d’une grande partie de la population de l’île face à une menace invisible mais bien réelle.

La déshydratation, un péril omniprésent

File d’attente de clients pour obtenir des bouteilles dans un supermarché où l’eau embouteillée est drastiquement rationnée

« La chaleur est insupportable. Comment les gens peuvent tenir sans boire, les températures atteignent plus de 40 degrés à l’ombre ? », s’interroge une infirmière libérale. Dans ce contexte, où les températures peuvent grimper à des niveaux critiques, malgré cela, l’accès à l’eau demeure une difficulté majeure, que beaucoup n’ont pas les moyens de se procurer, ou pire, ne peuvent tout simplement pas avoir. « Inconsciemment, les gens ne boivent pas assez », constate le Dr. Roussin. La déshydratation, particulièrement dangereuse chez les personnes âgées et les plus vulnérables, devient ainsi une véritable urgence sanitaire. La destruction des arbres après le passage du cyclone Chido, qui constituaient autrefois une source naturelle d’ombre et d’humidité, est un autre facteur aggravant. « Le manque d’arbres, qui permettaient de créer des zones fraîches, rend la situation encore plus difficile », souligne le médecin. À cela s’ajoute un phénomène inquiétant : de plus en plus de reconstructions réalisées en béton privent les habitants des rares endroits frais qu’offrait cette verdure. 

Le mois sacré du Ramadan intensifie cette problématique sanitaire. En raison du jeûne, de nombreux habitants ne peuvent pas boire d’eau pendant la journée, ce qui augmente considérablement les risques de déshydratation. Dans ce contexte, le Dr. Roussin conseille vivement à la population de consulter un médecin, en particulier les diabétiques et ceux ayant des problèmes rénaux. « Il est fondamental que les personnes qui ont un rein fragile ou les diabétiques, évitent de jeûner, car les risques sont trop importants. Nous devons rappeler à chacun qu’il est essentiel de boire au minimum 1,5 à 2 litres d’eau par jour, surtout en période de chaleur extrême », souligne-t-il. En privant le corps de liquides essentiels, la déshydratation peut entraîner des conséquences graves pour la santé, comme des problèmes rénaux, des troubles cardiaques ou encore des complications neurologiques.

Des absurdités réglementaires en temps de crise

À Mayotte, bien que l’eau soit officiellement jugée potable par l’Agence Régionale de Santé, la réalité est bien plus complexe. En raison des coupures d’eau quotidiennes, les habitants doivent systématiquement faire bouillir l’eau avant de la consommer. Bien que ce traitement soit essentiel pour limiter les risques de maladies, il entraîne également la perte de minéraux précieux, tels que le calcium et le magnésium, tout en concentrant les impuretés restantes. Cette pratique engendre un coût supplémentaire, notamment en termes d’énergie, alors que de nombreuses familles peinent déjà à joindre les deux bouts.

D’après nos informations, les coupures d’eau pourraient prochainement s’intensifier avec la saison sèche

Le coût de cette opération ne se limite pas à l’approvisionnement en eau : dans un contexte où l’accès à l’électricité reste parfois précaire et où les ruptures de gaz sont fréquentes, la nécessité de bouillir l’eau représente une charge supplémentaire pour les foyers. De nombreux habitants se voient contraints de choisir entre l’achat d’eau en bouteille et l’investissement dans l’énergie nécessaire pour faire bouillir l’eau courante distribuée. Ce choix, lourd de conséquences, touche particulièrement les foyers déjà en grande précarité. Dans certains cas, le budget mensuel alloué à l’achat d’eau embouteillée peut frôler le millier d’euros, un investissement que peu de familles peuvent assumer.

La situation a atteint son paroxysme après le passage du cyclone Chido, qui a paralysé la distribution de l’eau pendant plusieurs semaines. La réglementation française sur le contrôle et la qualité de l’eau embouteillée a alors empêché l’importation d’eau en provenance de l’île Maurice, jugée non conforme aux normes locales de potabilité. Alors que la population souffrait d’un manque criant d’eau, cette décision a mis en lumière l’absurdité d’un système qui préfère laisser la population sans eau plutôt que d’accepter l’eau d’un autre pays, même dans une situation d’urgence.

Ce système, bien qu’efficace pour garantir la qualité de l’eau, se révèle rigide et inadapté face aux problématiques d’accès à l’eau qui frappent Mayotte. En période de chaleur intense, où l’hydratation devient une nécessité vitale, les pénuries d’eau, combinées à des infrastructures vieillissantes et insuffisantes, plongent la population dans une précarité accrue. Confrontés à un approvisionnement intermittent et souvent onéreux, les habitants sont contraints de faire face à un dilemme quotidien, où l’accès à l’eau devient une véritable épreuve. Malgré des efforts pour contrôler la qualité, l’irrégularité de l’approvisionnement rend son accès non seulement difficile, mais aussi financièrement insoutenable pour un grand nombre de foyers, exposant ainsi les habitants à des risques de déshydratation, notamment en période de fortes chaleurs, et plus encore pendant le Ramadan. 

Mathilde Hangard

* Estimations réalisées en fonction du prix moyen d’un pack d’eau à Mayotte, à partir des besoins en eau d’un foyer de cinq personnes, sur une période d’un mois.

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