Les 3/4 du territoire de Mayotte seraient-ils délaissés par les autorités ? En dépit des visites ministérielles et des défilés de personnalités depuis le passage dévastateur de Chido, force est de constater qu’il est très difficile, voire impossible de trouver des bouteilles d’eau dans le centre, le sud et le nord de l’île.
Une spéculation sur l’eau en bouteille ?
Depuis maintenant plusieurs semaines, le magasin Carrefour situé à Combani est à sec tant au niveau de l’eau que beaucoup d’autres denrées. Le (ré)approvisionnement se fait plus qu’attendre. Ce que l’on trouve en revanche sans aucun problème dans de nombreux magasins d’alimentation ce sont les boissons sucrées et autres sodas qui pour le coup sont présents en abondance. Difficile, voire impossible de trouver de l’eau plate (et même gazeuse) sans être obligé de se rendre dans les commerces de la ville chef-lieu à Mamoudzou, et encore il faut y être au bon moment…
Par ailleurs, quand il y a éventuellement des bouteilles d’eau disponibles dans certains Douka, c’est au prix fort, compter 9 euros voire parfois 12 euros le pack de 6 bouteilles d’eau plate au lieu d’un peu plus de 4 euros environ, alors que normalement depuis le 19 décembre 2024, par décret gouvernemental, les prix sur ce type de marchandises sont censés être bloqués, tout du moins en théorie car en pratique on en est très loin. Et quand bien même un Sodicash se fait miraculeusement approvisionner en bouteilles après plusieurs semaines de disette c’est la ruée vers l’or… transparent.
A l’image de samedi dernier où le Sodicash de Chiconi a eu la chance de se voir livrer qu’une seule palette d’eau en toute fin de matinée et à ce moment-là c’est chacun pour soi… Comme nous a confié une vielle dame qui attendait devant l’enseigne depuis 8h30 le matin même : « On m’a dit la veille qu’il y aurait une livraison d’eau en bouteille aujourd’hui, je suis donc venue tôt ce matin pour en avoir ». A peine l’unique palette sortie du camion que tout le monde s’est rué sur la précieuse cargaison. Et dans ces cas-là il faut une fois de plus être là au bon moment et surtout être rapide, « j’ai juste eu le temps de saisir dans chaque main un pack qu’il n’y avait déjà plus rien » poursuit la vielle dame. Et quand d’autres, sans doute pas assez réactifs et/ou arrivés 30 secondes trop tard, voient partir sous leur yeux, impuissants, plusieurs packs dans un chariot cela fait mécaniquement monter la tension des clients dans le magasin…
Comment cela est-il possible ? Il est plus difficile aujourd’hui de trouver de l’eau en bouteille que pendant la crise hydrique de 2022/23 et même que pendant les 5 semaines de barrages l’année dernière. A croire que ces épisodes n’ont, semblent-ils, pas servi d’expérience, ni de leçon. Y’en a-t-il assez ? Sont-elles bloquées au port ? Certains organisent-ils la pénurie pour faire de la spéculation ? Autant de questions que l’on est en droit de se poser.
Quid des bâches également ?
Nous avions déjà fait un sujet il y a quelques semaines sur les bâches qui n’arrivaient pas… Force est de constater que rien n’a changé et que la situation n’a pas évolué. Tout comme les bouteilles d’eau, les bâches sont une denrée (très) rare et les autorités peineraient à en fournir aux communes.
A Chiconi par exemple, selon nos informations, une vingtaine de bâches auraient été livrées par la préfecture sur les 2.000 qui avaient été demandées, soit 1% ! Où sont-elles ? Bloquées au port de Longoni ? En transit dans des containers ? Quand seront-elles livrées ? Au mois de mai lors du début de la saison sèche ?! Le 30 décembre dernier, le Premier ministre François Bayrou lors de sa visite dans l’archipel avait assuré que des bâches seraient acheminées et pas seulement pour les bâtiments publics. Plus d’un mois et demi après le passage de Chido ces derniers ont été pour la plupart bâchés. Mais pour les habitations des Mahorais, que nenni !
Nous sommes en pleine saison des pluies de mousson de Kashkasi où il pleut averse quasi tous les jours… Il ne faut peut-être pas s’étonner alors qu’il y ait beaucoup de défiance de la part des Mahorais vis-à-vis des autorités car ils sont excédés par la pénurie de bouteilles d’eau et ces bâches tant attendues et tant promises qui n’arrivent toujours pas. Il y a peu de chance que les Mahorais continuent d’accepter de vivre les pieds dans l’eau et sans toit les trois prochains mois, et ce en dépit des nombreuses visites ministérielles…
B.J.