L’implantation d’une nouvelle clinique privée du groupe Clinifutur à Mayotte est-elle toujours d’actualité ?
Luc Triboulet : Oui bien sûr. Comme vous le savez, le groupe Clinifutur travaille déjà étroitement avec Mayotte, comme en témoigne l’implantation depuis bientôt 12 ans de la structure Maydia à Mayotte pour prendre en charge des patients atteints d’insuffisance rénale chronique. Aussi, les cliniques du groupe Clinifutur de La Réunion accueillent également des évacuations sanitaires dans trois spécialités, que sont la prise en charge des insuffisances rénales, la cardiologie interventionnelle et la filière de cancérologie.
Pour ces spécialités que vous mentionnez, le seul moyen d’être pris en charge est de se rendre à La Réunion ?
Luc Triboulet : Très souvent, faute d’une possibilité de prise en charge à Mayotte, certains patients mahorais se retrouvent seuls, confrontés à un véritable « parcours » de santé. Dans le meilleur des cas, les patients atteints d’une insuffisance rénale, peuvent bénéficier de la pose de fistules artérielles veineuses à la Réunion, pour être dialysés à Mayotte au centre Maydia de dialyse. Mais pour de nombreuses autres pathologies, telles que l’infarctus, la prise en charge ne peut se faire qu’à La Réunion, de même par exemple, pour la cancérologie, où tous les cancers gynécologiques et urologiques peuvent être pris en charge dans nos services.
En créant une clinique à Mayotte, vous espérez ainsi réduire le nombre d’évacuations sanitaires et les déplacements de patients mahorais, qui faute de pouvoir être pris en charge à Mayotte, sont obligés de financer eux-mêmes leur déplacement à La Réunion pour se faire soigner ?
Luc Triboulet : Exactement. Plus de 300 évacuations sanitaires par an sont accueillies à la clinique Sainte Clotilde à la Réunion, sans compter les patients, près de 5.000 patients de mémoire, qui viennent d’eux-mêmes, en prenant eux-mêmes en charge leur billet d’avion, pour se faire soigner, qui ne sont donc pas comptabilisés dans les évacuations sanitaires. Ces déplacements restent difficiles pour les patients, autant d’un point de vue sanitaire, que financier, matériel et même psychologique. Cela représente souvent une perte de chances pour les patients, contraints de se « construire » leur propre « parcours » de santé tous seuls, en frappant aux bonnes portes, en ayant les moyens matériels, financiers, familiaux aussi, permettant de se déplacer à La Réunion.
Attirer des professionnels de santé à Mayotte, et a fortiori des spécialistes, est une difficulté majeure à laquelle se confronte notamment tous les jours le Centre hospitalier de Mayotte, comment espérez-vous attirer et fidéliser des professionnels de santé ?
Luc Triboulet : Le contexte politique et social est particulièrement difficile à Mayotte actuellement. Pour construire ce projet, nous avons interrogé nos équipes médicales pour savoir si des praticiens seraient intéressés pour venir dispenser des soins à Mayotte et nous avons eu de nombreux retours positifs ! La réussite de ce projet réside bien dans le fait que les professionnels de santé seraient disponibles pour venir en missions, organisées sous la forme de norias, de façon à assurer une continuité de soins pour les patients mahorais directement à Mayotte, tout en permettant aux praticiens de rester à La Réunion. Ainsi, les services de médecine et de chirurgie fonctionneraient grâce à la permanence de professionnels venus de La Réunion qui se relaieraient. Mais pas que ! Cette clinique espère également fidéliser des professionnels de santé mahorais. Nous avons entendu qu’un 2ème Institut de formation des soins infirmiers (IFSI) sera créé en 2024, et qu’une école d’infirmiers de bloc opératoire ouvrira en 2025. Ces forces vives para-médicales auront toute leur place dans cet établissement de santé.
Comment expliquer que 2 ans après l’annonce du projet d’implantation, la clinique n’ait toujours pas vu le jour ?
Luc Triboulet : Ce projet a été retardé par des problématiques foncières. Les premiers terrains sous compromis de vente sur la commune de Chirongui se sont révélés être majoritairement sur une zone classée en fort « aléa inondation » par les services de la Direction de l’Environnement, de l’Aménagement, du Logement et de la Mer de Mayotte (DEALM). C’est pourquoi, le groupe a signé un nouveau compromis sur des terrains à proximité, toujours sur la commune de Chirongui. Cependant, sur ces terrains, une « zone humide » a été récemment détectée. Le 21 décembre prochain, une réunion entre les services de la DEALM et notre groupe se tiendra. Nous espérons de cette rencontre qu’elle aboutisse à une concertation autour d’un terrain propice pour le démarrage des travaux du futur établissement.
Propos recueillis par Mathilde Hangard.