S’il y a bien quelque chose que l’on peut reconnaître à Yaël Braun-Pivet, c’est son souhait réel d’immersion et de prise d’éléments factuels propres au 101ème département français. Un département dont elle a le mérite d’en connaitre déjà les grandes lignes, s’y étant déplacée quelques années en amont. Et bien loin des tsointsoin et folklores habituels, loués aux visites officielles et bien souvent limités en la capitale économique et la Petite-Terre, Madame la présidente de l’Assemblée a enchainé les réunions, les interactions et la saine écoute. Alors oui, bien-sûr et ironiquement, les éternels esprits réfractaires pourront aisément glisser sur la stérile pente de la facile critique et dire : elle est venue, elle a vu et ’’elle va démissionnu’’ mais dans les faits, il est important de se rappeler que sa position ne relève justement en rien d’une directe posture politiquement-gouvernementale.
En effet, endossant plus un rôle d’observateur-médiateur, propre à l’Institution parlementaire, cette visite était avant tout une promesse faite lors de sa dernière nomination afin de venir directement sur le terrain, à même l’ensemble des territoires ultramarins, pour s’imprégner, constater des éventuels freins mais également notifier les évolutions. Et dans cette dynamique de proche rédaction de ce projet de loi Mayotte, l’actualisation de ses propres données peut laisser entrapercevoir des pistes et opinions cohérentes transmises auprès des hautes et étatiques autorités, afin que les décisions à venir soient le plus en adéquation possible avec la singularité des besoins locaux.
Des besoins aussi en lien avec le domaine agricole…
…Et cette rencontre avec les professionnels de la filière était notamment un souhait appuyé du député Mansour Kamardine : « Nous pouvons remarquer que cette visite est bien différente de celles habituelles. Elle a pris le temps, elle va à la rencontre des Mahorais et lorsque je lui ai fait part de mon souhait de venir échanger avec des agriculteurs, elle a tout de suite accepté (…) Ce qu’on peut attendre de sa visite, c’est justement une forme de sensibilisation auprès de ceux qui ont la main sur la décision; et dès cette semaine, elle s’entretiendra avec le nouveau Premier ministre Gabriel Attal, elle verra aussi le ministre des Outre-mer, donc cette forme de rapport oral est également intéressante notamment lors des débats et échanges d’idées. Elle peut venir comme une sorte de lucide renfort et croyez-moi, ces contacts là valent mieux qu’un beau dossier ou un gros rapport qui ne sera lu qu’en diagonal ».
C’est donc au sein de la salle de réunion de l’Hotel de Ville de Bandrélé que le maire de ladite commune, Ali Moussa Moussa Ben, a accueilli le cortège officiel plutôt compact aux côtés de différents représentants et responsables de la Daaf, de l’Epfam, de la Capam, des Association interprofessionnelle et Union des coopératives agricoles de Mayotte, des filières aviaire, bovine, maraîchère, cacaoyère et de vanille pour ne citer que cela. C’est au total près d’une dizaine de personnes qui a pu, tour à tour, prendre la parole, présenter une sorte d’état des lieux et verbaliser les craintes, besoins, aspirations et enjeux. Des enjeux de professionnalisation et structuration face à cette montée gouvernementale propre au respect de l’Environnement, aux évolutions climatiques et à ce souhait de diriger les territoires vers plus d’autonomie et de souveraineté alimentaire.
Parmi les doléances exprimées, dans les grandes lignes et sans surprise, la nécessité de libérer du foncier et de résister face à l’utra-urbanisation. Le souhait de mettre en place une brigade des forces de l’ordre dédiée au monde agricole pour assurer la sécurité des exploitants et préserver les cultures du pillage. Revoir les lois de protection de la faune sauvage (ndlr – makis visés prioritairement) et potentiellement assurer leur régulation. Privilégier les circuits courts/les marchés locaux et assouplir certaines législations en ce sens (ex : fournir aux écoliers des bananes issues de la production locale plutôt que des pommes importées). Segmenter de manière distincte le département de la Pêche et celui de l’Agriculture. Et enfin, booster l’attractivité de la filière afin d’en assurer son renouvellement générationnel (à l’heure actuelle, plus de 50% des agriculteurs ont déjà dépassé la barre des 60 ans).
À noter, selon l’analyse et les conseils de la présidente de l’Assemblée, au regard des différents vecteurs législatifs, soit tous les dispositifs escomptés relatifs à ces besoins, sont à répertorier dans une loi spéciale intégrée au projet de loi Mayotte, soit — pour simplifier et accentuer l’efficience de tout cela — les grandes lignes du dit projet sont inscrites, auxquelles s’ajouteront des dispositions spécifiques et sous-ramifications, au moyen de textes thématiques. Cette remarque soulignée se veut notamment en lien avec un texte législatif en préparation et écriture, depuis 2 ans, par le Ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, pour lequel ces spécificités locales peuvent y être inscrites, ce qui simplifierait l’élaboration du projet de loi mahorais…
Un pré-bilan et entretien
Au sortir de ces presque 3 jours d’immersion pro-terrain, nous avons demandé à Yaël Braun-Pivet, si elle avait déjà pu cerner les potentiels freins qui font que la rédaction de ce projet de loi Mayotte n’avait pas encore concrètement débutée : « Il est certain que dans le Passé nous n’avons pas réussi à réellement trouver un accord en le Conseil départemental et le Gouvernement, donc c’est comme si nous avions dû tout rependre à zéro, d’où la perte de temps. Mais il est essentiel de poursuivre dans la recherche d’un accord car si les décisions se prennent essentiellement à Paris et qu’elles ne sont pas acceptées en local, d’une part ça n’est pas possible en l’état des relations qui sont celles entre les territoires d’Outre-mer et l’Hexagone, les choses ont évolué et c’est très bien, et d’autre part, les décisions qui sont prises ont besoin d’être mises en oeuvre. Si les acteurs locaux y sont contre, cette mise en oeuvre ne pourra être ni effective ni optimum (…) Pour chercher un accord, il faut aussi accepter des compromis donc la copie qui sera celle qui sera finalisée ne sera fort probablement ni celle du Gouvernement ni celle du Conseil départemental; ça sera un mix entre les deux ».
Soulignant le rappel du rôle institutionnel de chaque acteur rencontré, dans le respectif rôle qui incombe à ses fonctions, la précitée a tenu a ajouter qu’il était indispensable que Mayotte soit appréhendé selon la singularité de ses spécificités et enjeux locaux tout en n’omettant pas que cette île était aussi la France : « Certains nous disent que Mayotte n’a pas progressé voire que Mayotte s’est enfoncée, ça n’est pas ce que j’ai vu; évidemment tout n’est pas tout rose, les défis sont immenses, il y a des freins mais il y a aussi des choses qui avancent (…) Mayotte a des atouts qu’aucun autre territoire n’a, c’est une force. Mais ce qui est assez paradoxal c’est qu’on entend : ’’il y a un souci considérable d’égalité, on veut être traité exactement comme les autres départements français car nous sommes le 101ème’’ et d’un autre côté, une prise en compte totale des spécificités et donc une dérogation absolue aux lois nationales. C’est pour ça qu’à un moment donné, il faut être lucide, on ne peut pas avoir les deux. On ne peut pas prôner de la dérogation que quand ça nous arrange; ça ne marche pas. Il faut quand même déterminer un chemin qui soit cohérent, parce que c’est important pour Mayotte mais aussi pour la République et pour tout le monde. Donc il est important de rappeler que oui, Mayotte est un département français au même titre que la Creuse ou la Lozère, pas de discussions possibles à ce sujet, maintenant il faut donc prendre en compte les spécificités locales, adapter tout cela et avoir un chemin qui soit cohérent à l’intérieur de la République ».
MLG