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Diabète en Outre-mer : manque de dynamisme des politiques publiques

Une étude de Santé publique France décrit l’impact du diabète dans les outre-mer. Mayotte en est exclue, et n'est mentionnée qu’au titre de comparaison d’une précédente étude menée également par l’institut. Dommage, car plus complète, celle-ci permet d’ébaucher les facteurs de risques et de complications. Des mesures urgentes sont à prendre, notamment sur le taux de sucre.

Le profil des personnes diabétiques ultramarines s’affine avec une étude publiée ce 14 novembre par le dernier Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH) de Santé Publique France (SPF).  L’objectif est de « comprendre les spécificités locales pour comprendre les actions ». Pour autant, seuls les 4 DOM historiques sont enquêtés, Guadeloupe, Martinique, Guyane et La Réunion, et peuvent bénéficier d’une documentation actualisée des données de la maladie, « des données précieuses de prévalence, des caractéristiques des personnes atteintes de diabète de type 2 en outre-mer », qui devrait permettre, si les acteurs de la santé s’en saisissent, « d’étayer les politiques publiques pour mieux prévenir et traiter le diabète et ses complications. »

Diabète, obésité, Mayotte, covid
Lutter contre le diabète et l’obésité avec une meilleure alimentation

Deux raisons données par Santé publique France pour expliquer cette mise à l’écart du 101ème département où le diabète sévit pourtant : le manque de données exhaustives de l’Assurance maladie, et la publication à Mayotte en 2022 d’une étude spécifique menée également par Santé publique France, « Unono Wa Maore », dont les données sont partiellement utilisées pour comparaison avec l’étude Entred 3 en question. Réalisée à partir d’un échantillon de personnes atteintes de diabète de type 2*(DT2) , cette dernière permet de décrire leurs caractéristiques démographiques et socio-économiques, mais aussi de facteurs de risque et de complications.

Le premier constat donne une prévalence au diabète dans les DROM deux fois supérieure à la métropole : de l’ordre de 12% aux Antilles et en Guyane, de 13,6% à La Réunion 5 contre 5,7% en Hexagone. A Mayotte, l’étude Unono wa maore avait établi à 12,1% le taux de malades déclarés, nous sommes donc dans le haut du panier, et « près d’une personne sur deux n’est pas diagnostiquée » ici.

Commencer par perdre du poids

L’hypertension, un des principaux facteurs à risque

La survenue des complications graves, souvent plus fréquentes dans ces territoires, vient également alourdir le fardeau du diabète. Pour exemple, en population diabétique, les hospitalisations pour amputations de membres inférieurs étaient respectivement 1,5 et 1,3 fois plus fréquentes en Martinique et à La Réunion, en 2021 par rapport à la France entière. Les hospitalisations pour accident vasculaire cérébral (AVC) étaient 1,5 fois plus fréquentes à La Réunion et les hospitalisations pour insuffisance rénale chronique terminale, jusqu’à 2 fois plus fréquentes dans ces 4 DOM . « Pourtant, les facteurs de risque du DT2 et les complications de tous les types de diabète sont en grande partie modifiables, rendant ce fardeau évitable », c’est l’objectif de l’étude Entred 3.

Nous n’avons pas de statistique sur les hospitalisations pour amputations à Mayotte, mais sur les facteurs aggravants, si. C’est le cas de l’hypertension. En 2019, les cas d’Hypertension artérielle (HTA) ont été estimés à 38,4% dans la population de Mayotte âgée de 18 à 69 ans, touchant quasiment autant de femmes que d’hommes. Et le cumul des facteurs de risque constaté : 75% des hypertendus étaient en surpoids ou obèses, 13% déclaraient être diabétiques et 69% étaient inactifs professionnellement.

La proportion de personnes en surpoids, autre facteur aggravant, est élevée à Mayotte : 56%, des adultes étaient en surpoids ou obèses en 2019, soit 43,9% des hommes et 64,4% des femmes. Un phénomène qui n’a fait que s’amplifier : le nombre d’hommes en surpoids a pratiquement doublé depuis 2006 passant de 7,6% à 14,2%, et a pris +39% chez les femmes. Une actualisation des données est indispensable, mais les politiques publiques ont déjà pu démarrer avec un tel constat. L’ARS indique avoir mis en place des programmes sport-santé, le Programme mahorais, alimentation, activité physique, santé (PMAAPS), la prévention et le dépistage des maladies cardio-vasculaires et affections chroniques (diabète et hypertension artérielle), etc.

Des menus signés Nutri-Score

Les sodas parmi les meilleurs amis du diabète

Notant que dans l’ensemble des Outre-mer, dont Mayotte de nombreuses personnes ignorent aujourd’hui qu’elles peuvent être concernées par ces pathologies, l’ARS Mayotte avait annoncé en 2022 vouloir lancer « à la rentrée prochaine » une « vaste opération de sensibilisation et de dépistage autour des maladies cardio-vasculaires » à travers toute l’île. Un bilan de ces actions serait le bienvenu et permettrait de poursuivre la sensibilisation.

Pour revenir à l’étude Entred 3, et même si Mayotte en est exclue, plusieurs constats sont tirés, qui doivent alerter les politiques publiques. L’un porte sur la découverte en Guyane et à La Réunion d’un diabète de type 2 chez des personnes plus jeunes et de corpulence moindre, ce qui « interroge sur l’existence possible de susceptibilité génétique ou épigénétique ».

Le plus alarmant porte sur le taux de sucre, que l’on pensait réglementé : « les produits alimentaires d’outre-mer sont volontairement plus sucrés que dans l’Hexagone », est-il mentionné. Or, depuis 10 ans, ces abus sont réglementés. La loi Lurel (et non Hurel comme mentionné dans le BEH) visait en effet à garantir en 2013 que la quantité de sucres ajoutés dans les produits vendus dans les départements ultra-marins ne soit pas supérieure à celle des produits mis sur le marché dans l’Hexagone.

Diabète, Mayotte
« Mangez sain bougez malin », doit retrouver son heure de gloire

Des chefs d’entreprise, notamment à Mayotte, avait été durement sanctionnés. Comment ce constat peut-il encore être dressé en 2023 alors que la lutte ne devrait plus se porter sur la composition des produits, mais sur l’adoption d’une alimentation qui relègue peu à peu certains aliments, comme les sodas, au second plan ? Des mesures fortes de santé publique doivent être adoptées pour accroitre la vigilance.

Justement, le bulletin de SPF préconise le développement dans les outre-mer du Nutri-Score**, de l’encadrement de la publicité aux heures de grandes écoutes des enfants, du renforcement de la taxation des boissons sucrés, de la taxation de manière effective des produits particulièrement gras, sucrés et salés (ceux qui sont les plus mal classés par le Nutri-Score), de l’amélioration de l’offre alimentaire, de l’incitation à l’activité physique et du soutien attendu des initiatives locales prometteuses, à ce titre le programme sportif « Manger sain, bouger malin » à Mayotte aurait besoin d’être pérennisé.

Anne Perzo-Lafond

*Le diabète de type 2 modifie la façon dont l’organisme utilise le sucre (glucose) comme source d’énergie. Il empêche l’organisme d’utiliser correctement l’insuline, ce qui peut entraîner une forte glycémie s’il n’est pas traité

** Logo apposé en face avant des emballages qui informe sur la qualité nutritionnelle des produits

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