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dimanche 28 avril 2024
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Gros retard de l’Etat dans l’accompagnement du CD sur l’Aide sociale à l’Enfance, rapporte la CRC

Notre quotidien en est la preuve douloureuse : le nombre d’enfants à prendre en charge dans des structures appropriés gonfle à vue d'oeil à Mayotte. Selon les normes en vigueur, ils représenteraient même la moitié des jeunes du territoire. En face, l’Etat n’a pas renouvelé sa convention, laissant planer la menace d’un retour en arrière, révèle un rapport de la Chambre Régionale des Comptes.

C’est la situation que craignait le plus les deux élus qui se sont succédés à la tête de l’Action sociale au conseil départemental : que l’Etat les lâche sur les actions de prise en charge des jeunes en errance ou en difficulté d’insertion qu’ils ont lancées parce que relevant de leur compétence et qui faisaient encore défaut il y a dix ans. C’est ce que l’on peut craindre à la lecture du dernier rapport de la Chambre régional des Comptes (CRC) d’août 2023 à la suite d’un « audit flash ».

Lorsque l’ancien vice-président Issa Issa Abdou récupère la Commission de l’Action sociale en 2015, quasiment rien n’existe, les freins sont puissants de l’intérieur du Département pour empêcher le lancement d’actions vues comme des accompagnements de jeunes issus de l’immigration. Une sorte de crainte de « l’appel d’air » pour reprendre un langage gouvernemental. Il était pourtant urgent d’agir, les jeunes sans encadrement commençaient à s’accaparer la rue. Et par déficit de structures, on voit où on en est. Le social est la compétence première d’un Département, et l’élu d’alors accompagné de son président Soibahadine Ibrahim Ramadani, se retrousse les manches, rédige le 1er Schéma départemental de l’Enfance et de la Famille 2017-2021, garantie demandée par le gouvernement pour octroyer des subsides.

Elles arrivent sous la forme d’un protocole et d’une convention signés par la ministre Ericka Bareigts en 2016 et 2017, qui prévoient un rattrapage de 41,9 millions d’euros au titre des années 2009-2015, et d’une dotation annuelle de 9,6 millions d’euros. Sanctuarisés dans un budget annexe. Ce n’est pas de trop pour lancer ce qu’il y a à lancer : 14 recommandations, dont la Chambre régionale des Compte salue la réalisation, « la majorité a été mise en œuvre ou est en cours de l’être ».

Les signalements ont augmenté de 38% en 3 ans

La protection de l’enfance a réellement pris son essor en 2016

Cette phase de lancement est rapidement rattrapée par les besoins. La pression migratoire ne faiblit pas malgré les opérations Shikandra et Wuambushu, impliquant la prise en charge de mineurs de plus en plus nombreux. Or, la compensation de l’Etat de 9,6 millions d’euros par an n’évolue pas, alors même que l’INSEE évalue la croissance démographique annuelle de l’île à 4%, ce qui provoque quelques cheveux blancs chez l’élu qui a récupéré la charge des Solidarités et de l’Action sociale en 2021, Madi Moussa Velou. Et surtout chez le président du CD, Ben Issa Ousseni, car le dernier rapport de la CRC le dit : « A partir de 2023, en l’absence de réévaluation du montant des dotations (par l’Etat, ndlr), l’équilibre de ce budget (annexe, ndlr) ne sera plus assuré sans une contribution importante du budget principal ». On se souvient des mises en garde des rapporteurs des budgets du Département qui évoquaient chaque année une « fragilité de l’ensemble liée à la compensation de l’Etat sur l’ASE ». Nous y sommes.

Que se cache-t-il derrière cet acronyme ASE, pour Aide Sociale à l’Enfance ? La protection de l’enfance doit garantir la prise en compte des besoins fondamentaux de l’enfant, soutenir son développement physique, affectif, intellectuel et social et préserver sa santé, sa sécurité, sa moralité et son éducation, dans le respect de ses droits. Depuis le 1er janvier 2009, il s’agit d’une compétence obligatoire du Département de Mayotte.

Pour la décliner, la précédente mandature a mis en place un certain nombre de dispositifs, et l’actuelle les poursuit en ayant également installé un Observatoire Départemental de la Protection de l’Enfance (ODPE) opérationnel grâce à sa dynamique directrice Amani Halidi.

Issa Issa Abdou lors des Rencontres sur la protection de l’enfance en 2019

Les besoins sont croissants. En 2022, le nombre d’informations préoccupantes sur des mineurs, 2.347, a augmenté de 38% depuis 2019, adressées à la Cellule de recueil, de traitement et d’évaluation des informations préoccupantes (CRIP). « Elles concernent 13,8 % d’enfants de nationalité française et 66,60 % de nationalité comorienne. 52,7 % des informations concernent des enfants nés en France », nous dit la CRC reprenant justement les chiffres de l’ODPE. Le nombre de 4.500 mineurs non accompagnés demanderait à être réactualisé. Les magistrats rappellent que si le dispositif de répartition de l’accueil des mineurs non accompagnés voulu par Christiane Taubira n’existe pas à Mayotte, sa mise en place aurait sans doute permis d’accueillir dans d’autres départements environ 65 enfants.

« Ne pas cristalliser »

Face à cela, « les efforts de la collectivité pour développer la prise en charge des mineurs et jeunes majeurs » sont salués, et détaillés : les jeunes suivis en Action Educative en Milieu Ouvert (AEMO) externalisé à Mlézi Maore, sont passés de 259 en 2019 à 353 en 2022, le dispositif de Prévention spécialisée de prise en charge en amont des jeunes en errance, par trois associations, Apprentis d’Auteuil, Fahamou Maecha  et la Croix Rouge, a couté 2,8 millions d’euros sur l’année, mais n’est pas entièrement financé. Les communes pourraient être mise à contribution étant donné que cela repose sur un maillage territorial. Autre prise en charge, les 215 places d’accueil en maisons d’enfants à caractère social (MECS) et dans des lieux de vie et d’accueil (LVA) sur 2023. Enfin, et c’est un peu les porte-drapeaux de l’action sociale : le nombre de familles d’accueil est passé de 124 en janvier 2019 à 231 en avril 2023 permettant d’accroitre l’effectif d’enfants placés et de réduire temporairement en 2020 et 2021 leur nombre moyen par famille qui connait cependant une progre ssion constante depuis 2022. « La moyenne est de 4 enfants par famille d’accueil en avril 2023 », et qui va continuer à croitre si les moyens ne suivent pas pour recruter davantage de familles.

La 1ère convention signée en octobre 2016 « s’est terminée le 31 décembre 20213 »

Car la machine s’enraye : « Les crédits de fonctionnement ouverts au budget primitif 2023 de 59,2 M€ dont 35,1 M€ au titre de l’ASE ne permettront pas de couvrir le règlement de factures relatives aux années antérieures et les coûts du maintien d’une activité au moins équivalente à 2022 (…)  La collectivité sera amenée à ne pas régler certaines factures », constate froidement la Chambre régionale des Comptes à l’intention de l’Etat.

Les magistrats appellent une réaction en urgence et en revoyant les compensations à la hausse : « La poursuite de la dynamique enclenchée dans le cadre du schéma départemental de l’enfance et de la famille précédent pour se rapprocher en termes quantitatif et qualitatif des autres départements reste tributaire des moyens complémentaires que l’État attribuera. La convention fixant la compensation financière est arrivée à échéance le 31 décembre 2021 et la collectivité, malgré de nombreuses démarches, reste, en août 2023, en attente de la révision de son montant. » Ils appellent à ne pas « cristalliser » le montant de la compensation sur une photographie jaunie en raison des besoins en constante augmentation.

Vœux de fin d’année

D’ailleurs et pour éviter que cela se reproduise, il est préconisé une « clause de réexamen régulier de la nouvelle convention avant son terme ». Encore faut-il qu’elle soit signée. Un contexte qui ne fait qu’encourager ceux qui ont fait blocage au courage des élus en charge de ce secteur social de l’enfance, et qui pourraient retrouver leur pouvoir de nuisance.

En janvier 2022, le coût moyen d’un
placement dans une structure est de 77.446 euros
contre 27.000 euros dans une famille d’accueil, rapporte la CRC

Nous avons contacté Madi Vélou, c’est un élu satisfait mais pas encore soulagé qui nous répond. « C’est la première fois que la CRC reconnaît aussi clairement notre action en faveur de l’Aide Sociale à l’Enfance, et c’est un appui de poids. On espère que cela va aider, c’est avec un meilleur moral que nous pouvons espérer une compensation de l’Etat avant le 31 décembre 2023. Nous attendons aussi beaucoup de la mission flash qui est passée discrètement sur le département le mois dernier et qui doit rendre un rapport avant la fin de l’année. »

Le président Ben Issa Ousseni avait rencontré à cette fin la Première ministre Elisabeth Borne en mai dernier et doit de nouveau être reçu à Matignon. Les élus peuvent aussi s’appuyer sur le rapport des 6 ministères dénonçant une insuffisance des politiques publiques à Mayotte que nous avions dévoilé.

Anne Perzo-Lafond

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