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mardi 16 avril 2024
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Les insuffisances des politiques publiques au cœur du rapport « caché » du gouvernement sur les mineurs de Mayotte

Dévoilé partiellement par Mediapart, le rapport des 8 inspecteurs généraux sur la prise en charge des mineurs à Mayotte que nous nous sommes procuré, révèle un écosystème de la désocialisation, avec un moteur, l’immigration clandestine. Le déficit d’investissement de l’Etat en rapport crée une précarité croissante que ne peut prendre en charge le conseil départemental. Abonder son budget de l’ASE est une des préconisations qui va pouvoir soulager son budget.

En janvier 2022, une mission composée d’inspecteurs de 6 ministères, 4 hommes et 4 femmes, rend un rapport sur « L’évaluation de la prise en charge des mineurs à Mayotte ». Depuis sa parution, il n’a pas été rendu public autrement que par le biais d’un article de Médiapart intitulé « Le gouvernement cache un rapport sur la situation tragique à Mayotte ». En réalité, et comme nous l’avions expliqué, la situation est connue, c’est sa prise en charge par les institutionnels qui est en cause.

Au fil des 107 pages qui composent ce rapport, apparait un écosystème de l’exclusion faute de structuration des services de l’Etat dans les secteurs majeurs de l’éducation, de la santé et de la justice, avec une conséquence : une large partie de la population laissée pour compte dont est prié de s’occuper celui qui a la compétence du social et des mineurs, le conseil départemental.

Ce n’est pas la première fois qu’un rapport cible les insuffisances de l’Etat et du conseil départemental, et encore une fois, on peut constater que les 41 préconisations recoupent les demandes de la population mahoraises.

La mission émanant de 6 ministères, était composée de 8 inspections générales, de la justice (IGJ), de l’administration (IGA), des affaires sociales (IGAS), des affaires étrangères (IGAE), des Finances (IGF), de l’éducation, du sport et de la recherche (IGÉSR). Elle a mené 300 entretiens au cours de deux déplacements : un à Mayotte du 20 au 30 septembre 2021 où elle a été reçue par les acteurs institutionnels (Etat, institution judiciaire, conseil départemental, mairies, associations…), et un déplacement aux Comores du 1er au 5 novembre 2021, à l’ambassade de France à Moroni et à son antenne consulaire d’Anjouan, ainsi des rencontres avec des représentants du gouvernement comorien et des acteurs de terrain.

Les enfants non scolarisé lors d’une visite du chargé de mission pauvreté en 2019

Seule la moitié des plus de 11 ans scolarisés dans l’année de leur arrivée 

Les inspecteurs et inspectrices sont partis des statistiques alarmantes de l’INSEE d’un total de 760.000 habitants en 2050 avec 28.000 naissances par an si rien n’est fait. « Une situation potentiellement explosive et, dans tous les cas, d’une pression considérable sur les différents services publics déjà saturés (santé, école) comme sur l’habitat et l’environnement. » C’est donc dans une logique d’action qu’est rédigé ce rapport.

Un premier chiffre ressort de ces entretiens, celui d’environ 6.600 mineurs « en risque majeur de désocialisation », faute de prise en charge familiale et institutionnelle.

Ils vont découvrir que les enfants débordent de toutes les politiques publiques mises en place, et toutes sont sur le banc des accusés : éducative, sanitaire, judiciaire, de protection de l’enfance ou de lutte contre l’immigration clandestine.

« Le système éducatif est confronté à de nombreux enjeux : une pression démographique plus forte que partout ailleurs en France, le manque de maîtrise du français de beaucoup d’enfants en début de scolarité et de jeunes nouvellement arrivés sur le territoire », avec un impact direct de l’immigration clandestine, « moins de la moitié des jeunes nouvellement arrivés de plus de 11 ans sont scolarisés dans l’année ». On ne parle pas des maires qui refusent les inscriptions ici, mais bien du secondaire ! « Les bacheliers étrangers qui sont de plus en plus nombreux, n’ont généralement pas d’autre solution que de rester sur le territoire mahorais (…) rares sont ceux qui obtiennent un visa leur permettant de poursuivre des études supérieures dans un autre département. Or, l’enseignement supérieur étant sous-dimensionné à Mayotte, beaucoup de bacheliers étrangers se retrouvent dans une impasse. »

Solidarité nationale pour les mineurs isolés

Christiane Taubira a mis en place une répartition des mineurs en souffrance entre les départements. Mayotte en est exclue

Au sujet du conseil départemental, chef de file de la protection de l’enfance, il est souligné « une structuration et un développement de l’offre en s’appuyant largement sur le secteur associatif », mais « la protection de l’enfance peine à répondre à l’ampleur des besoins de prise en charge ». Et enfin, l’absence de clé de répartition des mineurs demandée par les élus est soulignée : « Malgré la création de dispositifs ad hoc, la prise en charge d’un nombre important de mineurs non accompagnés demeure très difficile en l’absence d’intégration de Mayotte au mécanisme de régulation nationale », c’est à dire l’affectation des mineurs en risque de désocialisation dans d’autres départements, constamment demandée par les élus.

L’offre de soins – essentiellement concentrée sur l’hôpital public et les dispensaires, celle du secteur médicosocial et celle de la prévention – « reste encore très insuffisante et ne parvient pas à faire face concomitamment aux retards d’équipements et à la croissance des besoins ».

Les services de l’État investis de missions régaliennes « peinent également à obtenir des résultats satisfaisants », « la lutte contre l’immigration irrégulière ne parvient pas empêcher l’entrée et l’installation de nombreux étrangers en situation irrégulière », et elle « accroît le nombre de mineurs isolés à Mayotte », car « la loi française interdit l’éloignement des mineurs s’ils ne sont pas accompagnés d’un adulte et, lors de leur placement en centre de rétention administrative, de nombreux parents en instance d’éloignement choisissent de ne pas dévoiler l’existence de leurs enfants à Mayotte ».

Alors la part des mineurs dans la délinquance est « importante, y compris pour les actes les plus graves », le rôle et la fonction de régulation de la justice « s’avèrent essentiels pour ce territoire », mais la part des mineurs « accroît, de manière automatique, le volume des affaires dont les services concernés sont saisis et exerce une pression qu’aucune juridiction similaire de l’hexagone ne connaît (…) Or, le tribunal de Mamoudzou, dispose de moyens qui ne correspondent ni à l’étendue ni aux difficultés et spécificités de ses missions ». Sans parler des magistrats et greffiers, « souvent sans expérience professionnelle » et d’une « désorganisation des services » et un « déficit de travail collectif » (le rapport date de janvier 2022 rappelons le, depuis, une brigade de 6 magistrats a été affectée).

CRA
Jouets à disposition des enfants au Centre de rétention administratif

Rejet de la population pour les enfants du pays

L’évolution du droit du sol de 2018 qui conditionne l’obtention de la nationalité française à Mayotte pour un enfant à la présence régulière pendant 3 mois de ses parents ne portera ses effets que « dans quelques années ».

Enfin au chapitre de la coopération régionale, et des contributions de la France au développement des Comores, il est attendu « des actions de coopération à effet rapide dans le domaine de la santé. » Mais pas miracles à en attendre à court terme, et le rapport est dubitatif : « Plusieurs des interlocuteurs de la Mission, lors de son déplacement sur les îles de la Grande Comore et d’Anjouan, lui ont tenu un langage dénué de toute ambiguïté sur ces mineurs non accompagnés : ils ne sont pas les bienvenus; le mieux pour eux consiste à repartir d’où ils viennent »… Pour autant, la Mission a pu entendre un discours sensiblement plus ouvert vis-à-vis des pré-adolescents « dès lors que les familles sont volontaires pour les reprendre ». Difficilement compréhensible de ne pas vouloir récupérer son enfant et de le laisser à la charge de la société.

Ce sont donc 41 propositions qui sont alors formulées. Elles préconisent davantage de partage de responsabilité entre l’Etat (notamment l’ARS) et le Département. Beaucoup portent sur un accroissement de moyens humains, en développant des dispositifs attractifs. Parmi les plus percutantes, un copilotage préfet-président du CD pour coordonner les politiques publiques jeunesse, l’augmentation du nombre de médecins et d’infirmiers scolaires, un nouvel accompagnement financier de l’Etat à l’Aide sociale à l’Enfance du conseil départemental « les montants devront prendre en compte les dépenses nouvelles en lien avec le nombre croissant de jeunes pris en charge et la diversification des structures d’accueil », Faire de la scolarisation de tous les enfants dans le premier degré, à partir de trois ans, « une priorité de court terme », en atteignant au besoin les 100% en rotation, un « cadrage académique » pour les élèves allophones, Continuer à faire de la lutte contre l’immigration clandestine une politique publique prioritaire, et « doter la PAF des moyens nécessaires pour adapter la lutte contre l’immigration clandestine en mer aux nouvelles méthodes utilisées par les passeurs », renforcer le tribunal pour enfants, la PJJ, communiquer en langue locale sur les actions conduites par la France à travers le « plan de développement France Comores » au profit de l’archipel et d’Anjouan en particulier, etc.

Consulter le Rapport sur l’Evaluation de la prise en charge des mineurs à Mayotte de Janvier 2022

Anne Perzo-Lafond

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