Il était élargi ce 2ème Comité de suivi de la Ressource en eau (CSRE) qui se tenait ce vendredi matin à la mairie de Mamoudzou. « Élargi », parce que depuis la visite du ministre Vigier et ses envies de transparence, les acteurs que sont la préfecture, l’ARS, le syndicat des eaux LEMA, la SMAE, le rectorat, les parlementaires, les élus départementaux et communaux, la DEETS, la DEAL, etc. ont ouvert les portes de ce remue-méninge au monde économique et aux médias. Nous allons donc résumer le travail effectué pour compenser les impacts de cette crise de l’eau sur l’ensemble des secteurs touchés
L’état des lieux ne s’améliore pas : la situation des nappes sous-terraines est critique sur 6 d’entre elles, et en baisse sur 13. « Avec le BRGM nous allons être vigilants sur la recharge de ces nappes sur la prochaine saison des pluies car c’est ce qui alimente les forages », soulignait la DEAL. Il va falloir qu’il pleuve en quantité donc pour à la fois reconstituer les nappes aquifères, sous-terraines, et à la fois les retenues collinaires. A la fin de la saison des pluies, celle de Combani est habituellement remplie à 110% (avec la rehausse), elle ne l’a été cette année de déficit pluviométrique qu’à 50%, et 30% pour celle de Dzoumogne. A l’issue de la saison des pluies, on savait donc qu’il y aurait crise.
Et Météo France se veut rassurante. Florence Ben Hassen prend la parole dans un silence religieux sur des prévisions auxquelles tout le monde s’accroche comme une grenouille à son échelle : « à trois mois, nous serons en anomalie positive, c’est-à-dire que des précipitations sont attendues de novembre à janvier. » Les températures sont toujours plus élevées que la normale, « depuis le mois d’août ».
Difficile de dire si le nouveau serrage de vis côté robinet est bénéfique, la mesure est trop récente et n’est en application que ce lundi 16 octobre pour Petite Terre, mais jusqu’à présent Ibrahim Aboubacar, DGS du syndicat des eaux LEMA, indiquait que « nous avons économisé 40% sur les volumes d’eau distribués »
Comme pour le CSRE présidé par Philippe Vigier le 28 septembre dernier, un point était fait sur les travaux en cours. Seulement 15 jours se sont écoulés, les échéances restent donc à peu près les mêmes.
Forage de Bandrélé à sec
Nous avions vu que les mètres-cubes les plus rapides à obtenir étaient ceux qui ne fuyaient pas. « Nous attendons 2.000 m3 par jour d’économie en colmatant les fuites d’eau », rappelait Ibrahim Aboubacar. Ce qui revient à remettre dans le circuit 7% d’eau supplémentaire si on les rapporte à nos 28.000m3 de consommation quotidienne. Mais ça, c’est sur le papier. En réalité, si grâce au ministre des Outre-mer, une 3ème équipe de détection arrive le 21 octobre, et que « 60 fuites ont été détectées en 3 semaines », mentionnait Ibrahim Aboubacar, il faut que les entreprises de réparation suivent, « pour ça, les arrêtés d’intervention sur les voieries doivent être pris plus rapidement par les équipes municipales dans chaque commune concernée. Il nous faudrait une autorisation permanente. » Plus on attend, plus c’est de l’eau gaspillée et plus les fuites s’aggravent. 80% des fuites sont situées sur les branchements avant ou après compteurs. Celles sur les canalisations sont donc minoritaires.
Les forages prévus au PPI (Plan pluriannuel d’Investissement) suivent leur cours avec une mise en service en novembre et décembre, c’est plus aléatoire pour ceux décidés en urgence, « celui de Bandrélé est infructueux », quant à celui de Coconi, il faut attendre la fin de la semaine pour en savoir plus. A très court terme, ce sont les prélèvements en urgence dans la rivière de Soulou qui vont nous apporter 600m3 supplémentaires fin octobre.
Les capacités supplémentaires de dessalement ne seront pas livrées avant fin novembre-début décembre, et nous savons depuis le précédent CSRE que l’opération de Jimaweni (Mtsangabeach) a été abandonnée au regard des délais et du coût. « Les 8 millions d’euros prévus sur le FEI seront réorientés sur un financement d’investissement en eau », précisait Thierry Suquet.
Une vague de 6.000m3 déferlera vers le Sud
En raison d’un déséquilibre territorial de la ressource beaucoup plus abondante au Nord, les transferts sont à réaliser « en urgence », celles entre Petite et Grande Terre seront bouclées fin octobre, celle entre Mtsangamouji et le Sud et depuis Mamoudzou, de fin octobre à fin décembre. La partie Sud recevra alors 6.000m3 d’eau, contre 4.500 m3 aujourd’hui.
Les investissements à moyen et long terme, indispensables à la pérennité de l’approvisionnement en eau sont déployés, de la 6ème campagne de forage à l’usine de dessalement de Grande Terre en passant par la 3ème retenue collinaire, « qui bénéficie d’une accélération de l’acquisition foncière. »
Au milieu de ce désert, les établissements scolaires sont restés majoritairement abreuvés donc ouverts, par raccordement au ‘chemin de l’eau’, c’est-à-dire au réseau, ou aux cuves. Moyennant exceptions notamment à Koungou, « pour les écoles, l’incendie des engins de chantier sur les hauteurs de Majikavo a stoppé les travaux qui devraient reprendre, et pour le collège de Koungou, un diagnostic est en cours sur des travaux réalisés alors que l’eau ne coule pas au robinet. » 850 cuves ont été livrées, avec priorité aux écoles.
Des rampes d’eau qui permettent d’accéder gratuitement à l’eau ont été installées, 137 dont 121 actives, « certaines communes n’en voulant pas ou les sites étant jugés trop dangereux », déclarait la directrice générale de la SMAE, Françoise Fournial. 50 nouvelles seront installées d’ici fin octobre.
Les agents jonglent avec les bouteilles
L’unité de potabilisation de la rivière Coconi fonctionne à merveille et l’eau est délivrée en sachet ou en remplissage de gourdes des scolaires par la Sécurité civile comme nous l’avons rapporté.
En matière d’encadrement des prix des packs d’eau vendus dans le commerce, il est surveillé, en atteste le dernier contrôle très médiatisé.
Les distributions de bouteilles d’eau par les communes ont été discutées, mais peu d’entre elles étaient représentées. « C’est une gestion très lourde qui monopolise l’ensemble de nos agents toute la journée et 6 jours sur 7 se plaint Philippe Ramon, DGS de Mamoudzou, qui demande davantage de souplesse dans l’évaluation des bouteilles à livrer. » Un bref échange bien senti entre le préfet Suquet et Gilles Cantal, « préfet de l’eau », laisse penser une proche évolution dans ce sens. Et théoriquement, l’armée est prévue pour épauler.
Une négociation avec l’entreprise Citeo pour mettre en place un 2ème compacteur, et une « Reverse logistic », ou en français dans le texte, « logistique inverse », pour récupérer les bouteilles en plastique vides et éviter les pollutions. Pour l’instant, elles sont majoritairement conservées comme capacité de stockage au moment les foyers sont connectés au réseau, mais cela pourrait ne pas durer, et il faut anticiper sur une pollution aux déchets plastique.
Anne Perzo-Lafond