Lors de la déclinaison de son programme d’investissements sur les années à venir, le président de la CADEMA, Rachadi Saindou, dit « Marius », a lancé au micro « nous allons même racheter la COPEMAY ! » Après les bus, les bateaux de pêche tomberaient donc dans l’escarcelle de la Communauté d’agglomération Dembéni-Mamoudzou.
Trônant au rond point de la barge, idéalement située, la Coopérative des pêcheurs de Mayotte (COPEMAY) a été créée en 1978 par Toilibou Abdallah, gérée par une personnalité locale, Pierre Baubet après son arrivée à Mayotte en 1982.
Il ne s’agirait pas tout à fait d’un rachat par la CADEMA, tient-il à nous expliquer : « Dans le cadre de la récupération de la compétence des halles à marée par les interco, nous sommes en train de mettre en place un partenariat entre la CADEMA et la COPEMAY. La communauté d’agglomération doit reprendre le bâtiment, mais c’est sous réserve qu’ils obtiennent l’AOT », l’Autorisation d’Occupation Temporaire.
L’élément déclencheur aurait été la déperdition du nombre de pêcheurs, dont une partie auraient été interceptés dans le cadre de l’opération Wuambushu, et reconduits à la frontière. « Ce n’est pas seulement ça, relativise le gérant, beaucoup n’ont pas repris après le Covid, il nous reste une quinzaine de gars sérieux, et la réglementation ne nous aide pas. » S’en suit un coup de colère à la Baubet sur l’impossibilité de renouveler la flottille de pêche en dépit des annonces récurrentes et rassurantes : « Ils nous disent qu’il manque des statistiques pour délivrer l’autorisation, mais alors qu’aux Antilles ou à La Réunion ils peuvent en donner, on leur a pas donné le droit. »
Le vieil homme et la retraite de la mer
Pour mémoire, Bruxelles avait exigé des garanties d’une préservation de la ressource halieutique en demandant des statistiques sur les espèces pêchées, avant de délivrer des dérogations aux Départements d’outre-mer pour renouveler leur flotte, très maigre à Mayotte. Pas de chiffres sur le territoire, des engagements avaient été pris pour en donner, mais ce ne serait donc pas suffisant pour infléchir l’Union Européenne, « c’est une pêche pour bureaucrates qu’ils sont en train de mettre en place. Il va falloir 6 secrétaires pour un pêcheur bientôt ! »
Un ensemble d’éléments qui handicape la COPEMAY, et décision devait être prise pour éviter une plongée en eau profonde. Le « partenariat » mis en place serait donc avantageux nous glisse Marius que nous avons questionné sur son financement étant donné la pluralité des projets de la CADEMA : « Ce n’est pas une question de budget, il faut aller de l’avant et sauver cette activité », lançait-il dans son plus pur style, en avançant un chiffre sur lequel il faut rester prudent, nous mettait en garde Pierre Baubet.
Le statut de la coopérative a évolué en SCIC, Société Coopérative d’Intérêt collective (SCIC), et le montant de la vente est encore soumis à plusieurs conditions, « notamment l’estimation de France Domaine », précise Pierre Baubet. Le conseil départemental qui cofinance les halles à marée – dont l’une vient de partir en fumée – serait également intéressé par le « partenariat ».
A 64 ans, le bouillant gérant était à deux doigts de jeter l’éponge, « j’ai l’âge de partir à la retraite ! », et indique vouloir se concentrer sur d’autres activités. « L’objectif avec l’arrivée de la CADEMA c’est un partenariat gagnant-gagnant pour assurer la continuité de la pêche. » Avec une restructuration malgré tout, « il y aura des départs à la retraite que nous sommes en train de négocier, certains ont 42 ans de boutique. » Des retraites à la mode Mayotte, avec pour ceux qui ont cotisé sur l’ensemble de leur carrière, un maximum de 700 euros par mois.
Anne Perzo-Lafond