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Mamoudzou

’’Bambouléo, Bambouléa’’, peu à peu la plante mahoraise retrouve de la noblesse et son éclat ! 

Inauguration ce samedi matin, au coeur du lycée polyvalent Tani Malandi de Chirogui, en la présence du recteur de Mayotte, Jacques Mikulovic, des 4 farés en bambous construits dans le cadre de chantiers pédagogiques, notamment avec la participation majeure d’élèves volontaires issus de la filière Bac pro Technicien menuisier agenceur.

Bien que le vieil adage sous-entende que l’argent ne pousse pas dans les arbres, il n’est guère réalité pour notre longue tige aux supers pouvoirs. Véritable or vert, comme nous l’avions qualifié au sortir du colloque qui lui était dédié en mars dernier , notre bambou mahorais ne cesse d’aguicher, de susciter légitime convoitise et de finalement trouver, voire retrouver, ses lettres de noblesse bien méritée. Au regard des nombreux et divers enjeux climatiques et des matériaux de construction ô combien énergivores et de plus en plus décriés, cette fibre naturelle, autrefois bien plus valorisée, incarne le futur proche du déjà demain. Résistant, robuste, absorbeur de chocs, flexible et léger, il se veut également écologique et recyclable. Des données qui ne relèvent guère du moindre, sachant les aspirations et enjeux environnementaux vers lesquels les politiques internationales souhaitent respectivement, et de plus en plus, diriger ce Monde, notamment en matière de constructions durables à faible impact, priorisant les matériaux naturels et locaux.

Pour le recteur, J.Mikulovic, cette reconnexion de la jeunesse aux matériaux locaux est quelque chose d’essentiel tout comme allier l’originalité technique et innovante à la pratique traditionnelle. À ses côtés, l’architecte et gérante d’Endemik Mayotte, Sandra Mesa

Quoi de mieux que l’apprentissage par le concret 

Pré amorce d’un grand tout plus conséquent, ce chantier école s’est découpé en 4 sessions durant le calendrier estival. En gros pour chaque session, 8 stagiaires lycéens, auxquels pouvaient se greffer 2 professeurs ou professionnels d’un secteur extérieur et/ou associatif, ont eu pour mission conjointe d’appendre et de construire de A à Z un faré principalement en bambou, notamment pensé et conçu, tant sur le papier que dans le concret, par Sébastien Shchalck, ébéniste de formation, enseignant en génie bois au sein de l’établissement scolaire précité et chef de projet pour le cabinet Endemik Mayotte Architecture :

(chemise bleue au c.) Pour le professeur S.Schalck, il est important d’enseigner aux élèves la pratique de matériaux traditionnels tels que le bambou mais cela doit aussi s’inscrire dans un ensemble garantissant à l’issue un débouché concret. Enseigner alors que des filières professionnelles locales ne sont pas encore mises en place ou qu’il n’y a pas suffisamment de demandes, cela est peu cohérent

« Après diverses réflexions quant à l’emplacement et au type de structures que nous souhaitions construire, en un laps de temps plutôt restreint, et par l’approche participative et interactive des élèves, cette idée de création de zones d’ombrages nous est venue. C’était aussi une demande des parents d’élèves. Nous avons fait appel à la participation d’un foundi bambou mahorais, ainsi que la société BambooNeem, centre de formation basé à la Réunion, spécialisé dans l’usage structurel du bambou. Cette double casquette permettait de garantir une approche complète et plurilatérale au regard de notre projet ». Et pari pratico-esthétique plutôt réussi, pour une budgétisation globale inférieure à 100 00 euros, suscitant l’engouement sincère de tous les convives présents à cette occasion, pour une officielle inauguration en bonne et due forme par le recteur en personne :

Nasserdine, en 2ème année Technicien agenceur menuiserie, a fait partie de ces volontaires pour le chantier d’été farés. Cette manipulation du bambou était une première pour lui et une forme de révélation au regard de ce matériau qu’il juge très polyvalent.

« Nous vivons sur un véritable territoire d’opportunité. Trop souvent dans la bouche des élus, c’est : donnez nous la même chose qu’en Métropole et puis on pourra progresser. Je pense que c’est l’inverse, il faut innover avec les spécificités locales et être un modèle pour l’Hexagone (…) Aujourd’hui nous vivons sur une planète saturée d’organes artificiels transformés; il faut pouvoir revenir à des éléments plus naturels, durables, biodégradables et qui respectent la civilisation géographique dans laquelle ils sont inscrits. Le progrès, ça n’est pas que la technologie, c’est aussi pouvoir retrouver la maitrise des savoir-faire ancestraux qu’il ne faut pas perdre. On a signé en mai dernier une convention sur le développement de programmes pédagogiques autour de matériaux biosourcés, notamment le bambou, donc on continue dans cette dynamique en n’omettant pas que l’Homme doit savoir s’adapter à son propre environnement. Ces farés sont sincèrement magnifiques ».

Esquisses et présentation des plans du futur et nouveau visage du Lycée Tani Malandi qui verra ses 4 farés repositionnés dans la future configuration envisagée

Le futur lycée Tani Malandi

Ayant vocation à pouvoir facilement être déplacés, montés et démontés, nos 4 petits farés — composés majoritairement de bambous de type Vulgaris et aisément évolutifs au besoin — viendront prendre leur définitive place en la nouvelle configuration du prochain et nouveau visage du LPO de Tani Malandi dont le chantier devrait officiellement débuter, dès ce mois de janvier 2024 prochain. Un chantier qui n’est pas des moindres, évalué à près de 50 millions d’euros et qui, surtout, comporte une grande extension qui se table sur une parcelle estimée à plus de 45 000 m², pour une exploitation pratique des infrastructures d’une superficie de 23 300 m² . À la baguette de cette spectaculaire transformation mêlant modernité, culture, patrimoine et valorisation de matériaux de traditions, 3 cabinets que sont Endemik Mayotte, Fabienne Bulle Architecte & Associés et Dietrich | Untertrifaller Architectes. La force de ce projet qui aura pour disposition finale d’accueillir 2 500 élèves à horizon fin 2027 ? Un ensemble pensé intelligemment, respectueux et cohérent au regard des besoins et défis environnementaux en valorisant les matériaux locaux et biosourcés tels que le basalte, les terres blanche et crue, le bois et le bambou donc.

(de g. à d.) Les architectes S.Mesa, H.Hamza Khaddaj et C.Leroy devant la maquette 3D du futur lycée polyvalent de Chirongui

« Dans le processus pédagogique actuel, il faut conscientiser les politiques et populations pour arrêter de croire que les matériaux énergivores actuels sont les bons et meilleurs matériaux. Il faut donc accompagner les gens à ré-apprendre à apprécier les matériaux traditionnels car nous courons à la catastrophe, surtout pour les générations futures. Il ne faut pas exclure un matériau au profit d’un autre mais plutôt harmoniser intelligemment tout cela et partir du principe de se dire : le bon matériau au bon endroit » nous souligne Hicham Hamza Khaddaj, architecte rattaché au cabinet Fabienne Bulle & Co. qui vient notamment de terminer le chantier de la nouvelle ambassade de France à Libreville, au Gabon. Au programme donc, ventilations naturelles dynamiques traversantes, effet cheminé et aspiration des fumées inclus en cas d’incendie, parc photovoltaïque de 4 000 m² disposés sur toitures ou encore système de récupération des eaux de pluies pour alimentation des sanitaires. « Comme tout projet pensé et conçu dans une approche environnementale, certains frais initiaux peuvent être plus importants mais les économies se tablent pourtant sur du long terme. Au final, nous avons là une configuration très économe, tant par l’aspect hydrique qu’électrique avec, de surcroît, une auto production et un fort restant qui retournera à la gestion du réseau EDM justement » nous explique la cheffe de projet, architecte ingénieure structure, Claire Leroy, rattachée au cabinet Dietrich | Untertrifaller.

Babali (polo gris et blanc à rayure bleue), Foundi mahorais du Bambou par excellence, transmet son savoir aux jeunes générations. Un savoir tout comme un matériau qu’il ne souhaite pas voir disparaitre sur notre île

Célébrons le Bambou

Cet officiel protocole, dans une atmosphère des plus sainement familiales et détendues, s’inscrivait donc conjointement dans le cadre de la Fête du Bambou à Chirongui. Mis internationalement à l’honneur le 18 septembre sous l’intitulé World Bamboo Day (WBD), nos festivités mahoraises, décalées de quelques jours, ont permis de mettre en lumière différents acteurs plus ou moins connus sur notre territoire, gravitant justement autour de cette merveilleuse plante.

À l’occasion de cette fête du bambou, divers artistes et exposants étaient présents, dévoilant ainsi leurs savoir-faire et leur art

De l’ustensile de cuisine artisanal, en passant par la construction ou encore par l’industrie, le bambou fait des bénéfiques ravages et parvient à conquérir les coeurs, notamment auprès des jeunes générations comme nous le confie Babali, figure emblématique et Monsieur Bambou par excellence sur notre île : « Les jeunes sont très demandeurs et bien qu’il soit au final question de quelque chose de très nouveau pour eux, ils comprennent l’approche utile et valorisante du point de vue traditionnel et local. Cette filière se doit d’évoluer et de se professionnaliser localement justement. Il nous faut l’implantation d’un laboratoire de test et de traitement pour éviter que cela se fasse soit à Madagascar, soit à la Réunion. Il faut réaliser que plusieurs corps de métiers gravitent autour du bambou et ce, de l’exploitation des pieds, à la tête et que cela générerait indiscutablement de l’emploi. Beaucoup de pays en ont fait leur business, nous pouvons tout autant y prétendre à notre échelle ». En effet, cette plante à la croissance la plus rapide au Monde représentait déjà, selon les études des Nations-Unies en 2016, un marché international évalué à 60 milliards de dollars. Du gros oeuvre à la petite exploitation, ce savoir n’est fort heureusement pas totalement perdu aussi auprès de nos presque juvéniles générations comme nous en témoigne Camille Hiolin, architecte et chargée de développement au sein de l’association d’insertion professionnelle Kaja Kaona : « Notre structure propose une mixité d’apprentissages répartie en 7 activités. Maréchage, artisanat, cuisine ou encore menuiserie, le but est de développer l’appétence de nos 15 à 30 ans mais là où c’est fort, c’est que le savoir part et se transmet de génération en génération. Ce travail du bambou, ce sont certains de nos jeunes qui l’avaient justement appris par leur ainés et qui ont souhaité le restituer à d’autres. Notre filière se développe en ce sens mêlant aussi l’intervention technique de fundi en la matière pour proposer une plus grande diversité cadrée lors de nos chantiers justement pour lesquels nos jeunes sont sollicités ».

(de g. à d.) C.Hiolin et Mdéré, membre et élève au sein de l’association Kaja Kaona, qui a eu la chance d’appendre le maniement du tressage et du bambou par son grand-père et qui souhaite à son tour se spécialiser dans cette voie professionnelle alliant traditionnel et indéniable technicité

Dans cette dynamique de chantiers d’insertion et/ou école de plus en plus porteurs, notamment par l’emploi du bambou, la célèbre association Likoli Dago sera en charge de porter d’ici fin octobre un nouveau chantier de réhabilitation — estampillé Cadema en qualité de Maitre d’ouvrage — au niveau de l’ancien tribunal de Mamoudzou.

L’association Likoli Dago est composée de membres aux multiples casquettes permettant ainsi de positionner la structure telle une référence en matière d’architecture, d’arts appliqués, de botanique ou encore d’aménagement du territoire en divers lieux

 

Une concrète approche supplémentaire visant à valoriser les matériaux locaux et notamment ce géant vert, tout en mutualisant par la même occasion les petites mains participatives, volontaires et motivées du quartier concerné mais également d’autres établissements et communes comme les élèves du LPO de Chirongui. Le bambou s’ouvre et le bambou rassemble, de quoi donner pleine inspiration pour valoriser plus qu’il se doit et encadrer professionnellement parlant cette manne à la fois financière et culturelle. Istawi c’est la Bamboula ! Pourvu que ça dure et on y croit. 

 

MLG

 

(de g. à d.) Saïd Mahamoudou et Omar Massoundi, tous formateurs au sein du Ccas de Chirongui ayant participé aux côtés des élèves volontaires à ce chantier école pour la construction des farés. Cet apprentissage de connaissances qu’ils comptent bien partager auprès de leurs élèves dans cette dynamique de valorisation de l’artisanat local au moyen de matériaux locaux
(à g.) Eric Keiser, le proviseur de l’établissement T.Malandi qui suit ce projet de futur établissement quasiment depuis ses débuts. Un établissement qu’il souhaite, dans sa symbolique philosophie, ouvert malgré tout, avec pour seule protection, celle du bambou. « Nous vivons dans un monde riche de diversité et quelle qu’en soit l’actualité, les établissements scolaires doivent être gages d’ouverture, d’apprentissage et de liberté et non de bunker. Que les matériaux traditionnels soient valorisés et que les élèves soient fiers de venir étudier en un tel lieu… »
À noter que ces chantiers participatifs des farés, et de l’approche pédagogique globale autour du bambou, ont également bénéficié de la participation des élèves de STD2A pour tout ce qui est conception et design. Leurs travaux étaient affichés sous les farés à l’occasion de cette fête du bambou
Le bois manifestement travaillé sous (vraiment) toutes ses formes…
Ici, conception d’instruments en bois et à vent

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