Ils arriveraient presque en rangs serrés sur le tarmac de l’aéroport Marcel Henry ce vendredi les 40 hommes et femmes des ForMISC, Formations Militaires de la Sécurité Civile. Ce n’est pas la première fois qu’on les voit à Mayotte, terre de toutes les urgences. Une dizaine d’entre eux étaient venus en pleine crise Covid pour monter l’Élément de sécurité civile rapide d’intervention médicale (ESCRIM), l’unité de soin dans un hôpital de Petite-Terre pas encore inauguré. En 48h, elle avait été opérationnelle. Mais aussi en accompagnement des osmoseurs de potabilisation de l’eau des forces de l’ordre, venues en renfort dans le cadre de l’opération Wuambushu. Ils étaient repartis en avril.
Les Formations militaires de la Sécurité civile (ForMiSC) sont des unités de l’armée de Terre qui appartiennent à l’arme du Génie. Elles sont mises à la disposition du ministère de l’Intérieur au sein de la Direction générale de la Sécurité civile et de la gestion de crises (DGSCGC). Ce sont des sapeurs-sauveteurs hautement qualifiés qui arrivent à Mayotte pour y installer cette fois l’unité de potabilisation d’eau douce annoncée par le ministre délégué aux Outre-mer, Philippe Vigier.
Un investissement de 2 millions d’euros dont la production devrait dépasser les annonces ministérielles, « avec les 20 tonnes de matériel que nous apportons, nous pouvons produire jusqu’à 200 m3 d’eau par jour en fonction de la qualité de l’eau puisée », rapporte le commandant Luc, Chef du détachement de traitement de l’eau des ForMISC. Comme le colibri, c’est une goutte d’eau dans notre consommation quotidienne de 30.000 m3 en ces temps de crise (contre 40.000 m3 en temps normal), mais qui devrait permettre de remplir les unes après les autres les 15 citernes arrivées il y a deux semaines.
Vidange des retenues repoussée à fin octobre
L’eau sera puisée dans la rivière de Coconi, dont le débit et la qualité vont donc conditionner le volume de production. « C’est une rivière du Sud qui a été choisie en raison de la difficulté de cette partie de l’île à s’approvisionner en eau », commente le militaire. La carte des cours d’eau alimentant l’île est en effet éloquente sur la répartition des cours d’eau, plus riche au Nord.
Une fois traitée, elle n’alimentera pas le réseau actuel mais sera redirigée vers les 15 citernes-cuves, « qui seront disposées sur les points où le réseau est défectueux et où vivent des personnes fragiles. Les emplacements ne sont pas encore déterminés. » Ils le seront dans les jours à venir, « nous serons opérationnels très rapidement ». Deux équipes sont à l’œuvre, l’une sur la production et l’autre sur la distribution.
A ses côtés, André Lemière, qui exerce au cabinet du préfet, et qui le représente pour l’occasion. Et notamment sollicité sur un retour par rapport aux impacts bénéfiques des tours d’eau sur la ressource : « Nous avons repoussé la date de vidange des retenues de fin septembre à fin octobre », déclarait-il. Pour autant le niveau des retenues collinaires a naturellement continué à baisser, « celle de Dzoumogné est à 10% et celle de Combani était à 19% en début de semaine dernière. Nous aurons les chiffres actualisés dans quelques heures. »
Trafic de bouteilles d’eau
L’objectif est de gagner jour après jour jusqu’à l’aboutissement des travaux des investissements menés, comme nous en avions rapporté la chronologie : +1.200m3/j de l’extension de l’usine de dessalement (et le triple 6 mois plus tard), +3.000m3 des forages, +1.000m3 de l’osmoseur de Jimaweni.
La distribution de bouteilles d’eau aux plus fragiles est toujours prévue pour le 25 septembre, « après que tous les acteurs locaux aient été coordonnés ». L’acheminement des bouteilles par la mer est en cours, avec une arrivée annoncée pour le 20 septembre.
Problème, l’eau en bouteille est déjà en pénurie sur les rayons des supermarchés, notamment en raison d’un trafic, les commerces de proximité raflant le stock pour les revendre au prix fort ensuite, de toute évidence pas concernés par le gel des prix. Ils s’approvisionnent auprès des distributeurs qui n’ont pas fixé de quota de deux packs par personne. Des contrôles deviennent urgents car la population n’a accès ni à l’eau du robinet, ni aux bouteilles actuellement.
Un par un, les ForMISC rejoignent leur baraquement au Rsma de Combani. Pas de date de départ annoncée, « nous restons jusqu’à la fin de l’année, en tout cas tant que l’île aura besoin de nous », rassure le commandant Luc.
Quelques minutes auparavant, il donnait les ultimes consignes à ses 40 militaires : « Chaque mètre-cube d’eau que vous produirez permettra de gagner sur les échéances pour la population locale. »
Anne Perzo-Lafond