Si la transition énergétique est propre à chaque pays, les objectifs poursuivis sont universels. Qu’il s’agisse de lutter contre le réchauffement climatique, la raréfaction des énergies fossiles ou contre la précarité énergétique, le but escompté est la modification structurelle profonde des modes de production de l’énergie et de sa consommation. Pour le docteur Aboudou, « les petits Etats et les territoires insulaires (PETI) connaissent une situation difficile sur le plan énergétique compte tenu d’un taux de dépendance énergétique élevé par l’absence de ressources en énergies fossiles ».
Une place limitée des énergies renouvelables dans le mix énergétique de Mayotte
Le mix énergétique de Mayotte dépend à hauteur de 95 % des énergies fossiles afin de faire tourner les machines thermiques d’EDM situées sur les sites de Longoni et Badamiers. Pour l’heure, sur le total de l’énergie produite sur l’île, seule une infime partie est issue du photovoltaïque. Selon Claude Hartmann, Directeur général d’EDM, il s’agit « d’un point de départ qui est loin des attentes escomptées en matière d’énergie renouvelable ». Néanmoins est-ce à dire que les cibles fixées par la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) sont hors d’atteinte ? Non, car « la PPE fait la part belle à la conversion du fioul au bio liquide et d’autre part à l’augmentation du photovoltaïque », précise le directeur d’EDM.
« Le colza permet de produire de l’huile qui est 100 % substituable au gasoil. Nous avons fait les tests en juin dernier, le résultat est probant. Une fois que ce processus de conversion sera acté, l’île va passer à 100 % d’énergie renouvelable » souligne M. Hartmann, avant de préciser, « cette conversion n’apporte pas d’énergie supplémentaire, on ne produit pas davantage avec le bio liquide ». Dès lors, l’essor du photovoltaïque à Mayotte permettrait de répondre aux attentes d’augmentation de la consommation d’énergie et ce, tout en étant une source d’énergie produite localement. « Pour l’heure, compte tenu de l’intermittence de cette énergie, le photovoltaïque ne peut représenter que 40 à 45 % du réseau. On ne peut pas utiliser uniquement le solaire; la nuit il n’y aurait pas d’électricité ».
Le stockage de l’énergie un enjeu majeur
Pourtant, selon M. Hartmann ce niveau peut être dépassé dans la mesure « où des
outils de stockage d’énergie existent. Ils permettrait de couvrir la tranche horaire 18h-20h qui correspond au pic de consommation dans la journée ». Sauf que « Mayotte ne dispose pas de batterie. Deux sont en construction sur le site de Longoni. Ces installations représentent quasiment 10 % du total de l’énergie produite sur l’île. Une fois qu’elles seront opérationnelles, nous disposerons donc de 10 % de puissance d’énergie en plus ». En outre, pour repousser la limite technique des 45 %, « il faut transformer la manière dont l’électricité est distribuée via des outils intelligents pour améliorer la distribution et la flexibilité des réseaux. Mayotte a décroché un projet européen d’innovation, projet Maesha, doté d’une aide de 10 millions d’euros. L’île va expérimenter des moyens d’aller plus loin dans l’intégration du solaire dans un système insulaire. Parmi les solutions qui sont réfléchies aujourd’hui il y a notamment la batterie hydrogène, le délestage d’installation non vitale » explique le directeur d’EDM.
De la production à la consommation, les comportements doivent s’adapter
Deux éléments clés entrent ici en considération. Concernant la production d’énergie à partir du photovoltaïque, « il faut être en mesure de multiplier par 10 la surface des panneaux
disponibles. Cela ne sera possible que si les nouveaux bâtiments construits sont en mesure de recevoir des panneaux solaires ». Au niveau de la consommation, « la pédagogie est un élément clé pour sensibiliser les consommateurs ». Effectivement, par des gestes simples, la consommation d’énergie peut chuter drastiquement et donc réduire l’impact sur l’environnement.
Les systèmes hybrides dans les zones éloignées non raccordées au réseau électrique national confèrent donc un potentiel en sources d’énergies renouvelables tout en limitant les gaz à effet de serre. Si les solutions existent d’ores et déjà, il faut que ces dernières puissent se concrétiser sur le territoire. Ainsi, « sur la question de la construction des batteries, le processus a été relativement lent. Des décisions qui ont été prises il y a 4 ans se mettent en route maintenant » concède M. Hartmann. Reste donc que l’énergie la plus significative consiste en la volonté de faire advenir les changements de demain.
Pierre Mouysset